Après sept mois d'activité, l'enseigne, n'ayant pas atteint ses prévisions, a décidé de porter des modifications à son business plan, d'autant que le fond Rawaj pour la reconversion des épiceries tarde à voir le jour. Hanouty SA projetait d'atteindre environ 500 magasins d'ici à la fin de l'année. La société n'en a créé que la moitié, répartie quasiment à part égale entre les franchisés et les ouvertures pour son propre compte. Le décalage entre les prévisions et les réalisations fait planer le doute sur un projet réputé à grand potentiel. Sauf que le big-bang n'a pas encore eu lieu et que le marché murmure le mécontentement de Othmane Benjelloun, président du groupe Finance.com. Cela est d'autant plus compréhensible que les coups de pouce de la BMCE Bank, la banque du groupe, sous forme de crédits sur mesure pour Hanouty, n'ont pas réussi à sauver la mise. Les proches du groupe imputent le retard enregistré à la non-application de certaines mesures prévues par le plan Rawaj pour le développement du commerce intérieur. En effet, nos sources estiment que si le nombre d'ouvertures se cantonne à ces chiffres, c'est en partie en raison du retard pris dans la mise en place des fonds de soutien du commerce intérieur servant à reconvertir les épiceries traditionnelles. Hanouty tablait beaucoup sur ce volet dans son business plan. Les textes liant la société et le gouvernement sont normalement bouclés. Il ne manque plus qu'à apposer des signatures. Mais le changement de l'équipe gouvernementale fait traîner le dossier. Et tout laisse croire que les choses ne s'arrangeront pas de si tôt, puisque dans le projet de la loi de Finances 2008, aucune mesure n'est prévue dans ce sens. On murmure qu'une ligne du budget du ministère des Finances sera affectée à ce projet, mais rien n'a explicitement été formulé dans le projet du budget 2008. En principe, les fonds dédiés à cette opération ne devraient pas être faramineux, seulement raisonnables. Pour preuve ? Le coût de reconversion est lié à la taille de l'épicerie et à l'étendue des travaux et des équipements à mettre en place selon les normes Hanouty. La société a déjà, par exemple, réussi à convertir une superette pour la somme de 50.000 DH. Ce qui est considéré comme un exploit du côté du professionnel. Cette reconversion peut s'opérer de deux manières : soit en fermant complètement le magasin pour le remettre à niveau, soit en procédant progressivement, en maintenant le magasin ouvert et en effectuant les travaux par étapes. En s'inscrivant dans cette logique, Hanouty envisageait dans ces plans initiaux de constituer la moitié de son réseau par des magasins reconvertis. Mais que se passera-t-il si Hanouty ne dispose pas rapidement des fonds Rawaj ? Selon une source proche de l'opérateur, dans le cas où les fonds Rawaj tardent à être débloqués, «la société sera amenée à mettre davantage le paquet sur le développement des magasins en création pour rester en phase avec ses plans». Marge brute moyenne : entre 12% et 15% Quant à ceux qui ont des doutes sur la rentabilité d'un projet Hanouty, il faut leur signaler que chacun y trouve son compte. Dans le cas des franchisés, le responsable du magasin dispose, en contrepartie du déboursement d'une enveloppe financière variant selon la superficie du local, d'un magasin clé en main. Il débarque sur un lieu où tout a été fait à sa place. Il n'a pas à gérer les tracas de l'approvisionnement, des négociations avec les fournisseurs, du merchandising... Son activité peut lui rapporter alors en moyenne entre 12 et 15% de marge brute. En d'autres termes, un franchisé nous avance que pour une petite superficie, il peut rester au patron quelque chose comme 4.500 voire 5.000 DH mensuellement. Un chauffeur de taxi, un gérant de téléboutique… n'en gagnerait peut-être pas autant. Pour faire une bonne affaire, il faudra alors trouver un emplacement stratégique et apporter une touche personnelle dans la gestion. L'emplacement est d'abord important. La réalisation du chiffre d'affaires en dépend dans une large mesure. Preuve en est l'expérience menée par Hanouty pour son propre compte. La société avait décidé d'ouvrir des magasins dans des endroits pas forcément résidentiels, mais où le nombre de passants était conséquent. Les concepteurs ont vite déchanté. Un passant ne s'arrête dans le magasin que pour faire de petits achats : chewing-gum, soda, eau, bonbons… sans plus. S'avérant peu prometteurs, ces magasins, au nombre de huit, ont donc baissé le rideau. Ils ont été cependant déployés sur d'autres emplacements. Hanouty a donc testé et devient plus exigeante en matière de sélection des dossiers de création de nouveaux magasins. Il ne sera donc plus question d'ouvrir par exemple des magasins basés sur ce critère (trop de passants). A moins que l'intéressé s'engage à en assumer toutes les conséquences. Hanouty est un business comme un autre. Il faut réussir à faire du chiffre. Et tout le monde doit y trouver son compte. «Nous essayons par exemple de gratter au maximum sur les prix en négociant avec les fournisseurs, pour permettre aux patrons de magasins d'améliorer leur marge », souligne un responsable chez Hanouty. Les prix de certains produits sont moins chers qu'ailleurs. Le plus futé des vendeurs devra alors miser sur le volume pour garantir un bon chiffre d'affaires. On en revient alors à la touche personnelle des responsables magasin, qui est aussi importante pour réaliser de meilleures performances. L'un d'eux par exemple a développé la livraison à domicile. Un appel suffit pour que les clients soient servis. Autre exemple : «une dame est venue au magasin acheter une seule boisson. Je lui ai demandé si elle la consommait souvent. La réponse a été affirmative. Je lui ai suggéré d'acheter le pack qui était alors en promotion. Elle a accepté», lance fièrement un vendeur. Des petites astuces qui font la différence. Le contact humain est aussi important dans le développement de Hanouty. «Notre souhait est d'arriver à ce que les vendeurs et responsables de magasins nouent des liens avec les clients pour que ces derniers se sentent à l'aise. Ils devraient arriver à les appeler par leur nom», confie un superviseur. Les tickets CTM en vente chez Hanouty C'est pour cela que Hanouty ne lésine pas sur les formations. La société offre des séances (formation de vente…) avant l'ouverture du magasin et même après. Elle va même plus loin. Elle peut venir au secours d'un magasin dont le chiffre d'affaires stagne pendant un moment. Elle déploie une équipe pour analyser le pourquoi du comment. Avec le responsable magasin, elle tente alors d'élaborer un plan pour redonner du tonus à l'activité. Dans le souci de répondre aux besoins de chaque client, Hanouty innove aussi en lançant le marketing de quartier. «Nous constatons que chaque quartier à ses propres caractéristiques. Nous souhaitons faire de notre mieux pour y coller», lance le responsable de chez Hanouty. Et les nouveautés chez cette enseigne de commerce de proximité, il y en a pas mal. Discrètement, la société lance progressivement de nouveaux services. Par exemple, elle vient de conclure avec la société OTT, distribuant les produits de jeux de la Marocaine des jeux et des jeux sportifs comme Toto Foot, un marché pour que ces produits soient commercialisés dans les Hanouty. Le déploiement dans les points de vente est en train de se faire. Aussi, un autre accord a été bouclé avec la CTM pour permettre de vendre ses tickets à travers tout le réseau Hanouty. Il a fallu plusieurs mois pour mettre en place l'aspect technique. Désormais, un ticket peut être acheté sans aucune crainte dans un magasin Hanouty, son système étant relié à celui du transporteur. Sur un autre plan, Hanouty a pu installer jusqu'à présent une trentaine de guichets automatiques de la BMCE, son partenaire, au sein des magasins. Ils sont opérationnels et a priori en phase avec les objectifs assignés pour l'année 2007. Autre service développé: celui de l'octroi de la carte fidélité (carnet chez l'épicier traditionnel). 20.000 clients en bénéficient cette année. L'objectif est de doubler ce nombre en 2008 et de le tripler en 2009. D'autres services sont aussi dans le pipe. Certains avaient évoqué le développement de l'activité de change dans les magasins Hanouty. Or, il faut savoir que la réglementation en la matière ne le permet pas. L'activité du bureau de change ne doit être mêlée à aucune autre. Au fil des mois, Hanouty s'adapte aux réalités du marché. La société a donc été poussée à revoir son business plan. Elle veut aller vite et pour cela, développer son agressivité sur le marché, tout en se reposant sur des bases saines et solides. Le potentiel y est. La société doit donc adapter sa démarche et ses plans. D'ailleurs, elle ne compte plus raisonner en termes d'ouvertures de magasins mais en m2 ouverts. Pour l'instant, l'enseigne en aurait atteint près de 8.000 dans une douzaine de villes. Son objectif pour l'année 2008 est de créer 12.000 à 15.000 m2 de superficies de vente additionnelle dans une trentaine de villes. Pourquoi ce revirement ? Probablement parce que Hanouty veut modifier sa vision des choses. Aujourd'hui, elle propose des magasins dont la superficie varie en moyenne de 20 à 120 m2, la majorité étant concentrée sur une superficie moyenne de 50 m2. A l'avenir, elle voudrait développer des magasins de très grande taille, allant même jusqu'à 400 m2. L'enseigne a déjà commencé à se lancer sur ce segment. Il y a près de deux semaines, elle a inauguré en grande pompe un Hanouty de 200 m2 dans le quartier Hay Riad à Rabat, dans un endroit très bien situé, à la fois proche des résidences (clients à fort potentiel d'achat) et du nouveau quartier administratif. Mais il y a un bémol à cette nouvelle politique : rareté et cherté des locaux commerciaux. Les responsables en sont conscients mais prennent la peine de relever le pari. Hanouty est en train de faire sa place. Que les concurrents se tiennent prêts. Par le passé, beaucoup pensaient que Hanouty titillerait les Marjane, Acima et autres. En fait, si ses desseins aboutissent, si beaucoup d'épiciers se reconvertissent en Hanouty, celui qui devrait plutôt «craindre», c'est Métro. Car, en devenant membre du réseau Hanouty, l'épicier traditionnel ne s'adressera plus à cet hypermarché pour s'approvisionner mais plutôt à la centrale d'achat du groupe. Le marché promet du changement.