L'Assemblée Générale Ordinaire de la Fédération Nationale des Agents d'Assurance au Maroc (FNACAM), organisée le 9 octobre, a tenu toutes ses promesses. Si le plan d'action lancé par celle-ci était marqué par plusieurs réalisations positives, force est de reconnaitre que les débats montrent que le secteur de l'intermédiation continue manifestement de souffrir de plusieurs blocages, particulièrement réglementaires, dont la solution permet à elle seule, un retournement de tendance du métier. par A. ALAMI Le projet de réforme, un processus qui s'éternise Le point central qui a marqué l'AGO de la FNACAM est sans conteste l'amendement du livre IV de la loi N° 14.99 portant code des assurances, relatif à la présentation des opérations d'assurances. En concertation avec l'ensemble de ses membres, cette Fédération a examiné à la loupe les conditions générales d'exercice du métier d'intermédiaire d'assurance telles que prévues par le texte d'amendement précité. En fait, les revendications des intermédiaires d'assurances pour revoir le cadre réglementaire qui régit leur profession ne datent pas d'hier, dans un sens d'équité et d'instauration des meilleures pratiques internationales en la matière. L'on se rappelle les batailles engagées par ces professionnels, depuis plusieurs années, face aux défis qui leur ont été lancés par d'autres opérateurs sur le terrain de l'intermédiation. Il est utile de rappeler que le mode de commercialisation des produits d'assurances a connu trois évolutions majeures : Au début, l'assurance était distribuée essentiellement par des agents et courtiers (réseaux avec intermédiaires) et par des salariés ((bureaux directs). Ce dernier mode, presque exclusivement pratiqué par les mutuelles, est justifié par des coûts de distribution moins élevés que ceux du réseau classique compte tenu de l'absence de commissionnement. Une seconde évolution importante a marqué les années 1980-1990, celle de l'entrée en lice des banques avec une forte utilisation des techniques de marketing et de la relation client. C'est la percée de la bancassurance dans un secteur pendant longtemps chasse gardée des agents et courtiers ; Les actions menées par les intermédiaires d'assurances pour encadrer ces nouveaux instruments de la distribution se sont révélées vaines. Le grand espoir fut porté sur un grand projet ambitieux de réforme du secteur, formalisé dans le fameux contrat-programme 2011-2015 et signé par tous les intervenants dans le secteur de l'assurance. Mais l'implacable réalité est que, en dépit du fait que certains gains attendus de ce programme ont pu connaitre un début de réalisation, à une année de la fin d'échéance de celui-ci, le constat reste amer chez les assureurs puisque ni les objectifs chiffrés, ni les textes législatifs et réglementaires ne seront atteints et mis en place à l'horizon fixé initialement. L'on comprend, alors, le sentiment de déception et de désarroi des intermédiaires d'assurances et leur volonté exprimée lors de cette AGO de monter d'un cran leur niveau d'action, car l'enjeu est de taille pour l'avenir de leur profession. D'une manière générale, leurs doléances s'orientent vers trois directions principales : une meilleure organisation de la profession, une équité et un libre cadre d'une concurrence loyale et un environnement légal favorisant la compétitivité et la modernisation du métier de l'intermédiation en assurance. Pour une meilleure organisation de la profession Aujourd'hui, nul ne peut s'improviser agent ou courtier d'assurance. Vendeurs de la sécurité aux citoyens, l'organisation de ce métier commence d'abord par l'exigence de conditions morales et professionnelles pour l'accès à cette profession avec comme corollaire l'obtention d'un agrément délivré par le ministère chargé des Finances. S'agissant de l'agent d'assurances, le projet d'amendement du code a assoupli ces conditions à deux niveaux : en supprimant l'examen professionnel et laissant la liberté totale aux entreprises d'assurances mandantes de nommer les agents généraux capables de les représenter pour la commercialisation de leurs produits et surtout en mettant un terme à une grande aberration et injustice où seuls les titulaires d'une licence nationale ou d'un diplôme reconnu équivalent par le Département de l'enseignement supérieur étaient admis à l'examen professionnel. De ce fait, tous les diplômes délivrés par les établissements privés sont actuellement refusés. Pire, même les diplômes obtenus auprès d'universités ou de grandes écoles étrangères doivent suivre les labyrinthes de la procédure d'équivalence avec tous les risques de délais excessivement longs- et parfois de rejet- pour voir aboutir cette procédure et les pertes de chance pour rattraper un examen professionnel qui, dans le meilleur des cas est organisé une fois par an. Avec le projet d'amendement du code des assurances, les candidats ne doivent justifier que «d'un diplôme sanctionnant au moins trois années d'études supérieures, approuvé par une commission dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par voie réglementaire ». Par ailleurs, pour une meilleure transparence dans la gestion des fonds collectés par les intermédiaires pour le compte des entreprises d'assurances, le projet d'amendement, dans son article 311, institue une obligation pour l'intermédiaire d'individualiser les comptes bancaires du cabinet liés aux opérations d'assurances par rapport aux autres comptes personnels. En effet, cet article stipule que «les opérations financières liées à la présentation des opérations d'assurances doivent être effectuées sur un ou plusieurs comptes bancaires séparés des comptes bancaires afférents aux autres opérations ». Cette mesure ne semble pas agréer les membres de la FNACAM, car, selon son Président, H.M. Berrada «d'abord pour une question de faisabilité, ensuite parce que la prime d'assurance est déjà suffisamment réglementée et encadrée pour avoir besoin d'un autre tour de vis ». Enfin, en référence aux propositions de la FNACAM pour l'amendement du code des assurances, « l'organisation des examens d'accès à la profession sera désormais tributaire des besoins réels du marché de l'assurance et non plus laissée à la discrétion des seules compagnies d'assurances ». Cette appréhension est tout à fait compréhensible de la part de cette Fédération, car on peut effectivement s'interroger si la «prolifération» récente et tous azimuts du nombre d'ouvertures de cabinets d'assurances est toujours un signe de bonne santé de ce secteur. Rien n'est sûr. En fait, on oublie que ce point de discorde entre les intermédiaires et compagnies d'assurances serait réglé à la faveur des premiers puisque l'article 292 du projet d'amendement du code des assurances a tranché cette question en prévoyant que « ...l'octroi dudit agrément peut être refusé pour des impératifs d'organisation du marché des assurances tels que la concentration, l'assainissement et la saturation ». L'équité et le libre jeu de la concurrence Les membres de la FNACAM s'élèvent contre plusieurs dispositions du code des assurances qui heurtent de front les principes d'équité et du libre jeu de la concurrence entre les différents opérateurs sur le marché. Il s'agit principalement de la discrimination introduite, en matière d'extension de leurs activités à travers l'ouverture de points vente, entre les courtiers et les agents parallèlement à l'offensive des agences bancaires et des démarcheurs et, d'autre part, les conditions de succession en cas de défaillance ou décès de l'intermédiaire d'assurances. Concernant le premier problème, le projet de texte consacre clairement et dans une incohérence totale, une iniquité entre un agent et un courtier puisque, celui-ci, selon l'article 302, «...peut, après accord de l'administration, créer une ou plusieurs succursales dans les conditions et selon les modalités fixées par voie réglementaire. L'objet de la succursale se limite à la présentation des opérations d'assurances par la société de courtage dont elle dépend ». Dans le projet d'amendement, cette possibilité est interdite aux agents. A un autre niveau mais avec un ton moins sévère, les intermédiaires d'assurances s'élèvent contre une autre discrimination face au foisonnement des agences bancaires, dont chacune constitue en fait un point de vente à part entière, accusées de leur faire de la «concurrence déloyale». Plus grave est la pratique de la «souscription pour compte », gymnastique utilisée par les banques pour souscrire de façon déguisée des assurances dommages pour lesquelles les établissements de crédit ne sont pas agréés. S'agissant du second point, l'article 312 du code des assurances, permet, aux ayants droit d'un agent défaillant ou décédé de continuer la gestion de l'agence pendant une durée de 365 jours renouvelables et de présenter avant l'expiration de ce délai, au risque du retrait de l'agrément, un successeur remplissant les conditions réglementaires pour passer l'examen professionnel permettant l'exercice de ce métier. Tout en gardant les mêmes possibilités pour les ayants droit, le projet d'amendement, dans son article 321, interdit à ces derniers, pendant cette période transitoire, de gérer le cabinet puisque «l'entreprise mandante doit, dans un délai maximum de deux mois à compter de la date de la constatation de ladite défaillance ou dudit décès, désigner un représentant provisoire pour assurer, pendant une année, à compter de cette date, la gestion du cabinet et le respect de la réglementation en vigueur. Cette gestion s'exerce sous la responsabilité de l'entreprise d'assurances mandante ». En matière d'équité, la question de la TVA appliquée sur les commissions des intermédiaires est revenue avec force dans les discussions de l'AGO de la FNACAM. Longtemps décriée, à raison, par les intermédiaires d'assurances, l'application de la TVA sans droit à déduction aux opérations d'assurances pratiquées par ces prestataires de service va à l'encontre du principe de base qui régit cette taxe, celui de sa neutralité fiscale Si le Président de la FNACAM plaide, à défaut de bénéficier du droit à déduction, pour une exonération de leurs opérations d'assurances de la TVA, comme cela est pratiqué en France (expérience intéressante à méditer), H.M. Berrada ne cache pas une autre crainte plus pressante en déclarant qu' «en attendant la suppression des taux intermédiaires dont celui de 14% qui nous est aujourd'hui applicable, il y a un grand risque au vu des déclarations du Directeur Général des Impôts que l'on soit assujettis, en 2015, à une TVA de 20% avec droit à déduction pour nos achats ». Compétitivité et modernisation du métier Aujourd'hui, le métier de l'intermédiation en assurances est en train de connaitre de profondes mutations et se trouve confronté à des défis majeurs. Les intermédiaires d'assurances doivent , en effet, composer avec plusieurs contraintes : les exigences accrues des clients (en particulier en matière de tarifs), les objectifs de rentabilité et de chiffre d'affaires imposés par leurs compagnies mandantes, la pression continue pour le recouvrement de créances auprès des assurés, mauvais payeurs, l'intensification de la concurrence, la rapidité des évolutions technologiques ou encore les changements réglementaires. D'un autre côté, ces opérateurs doivent rechercher de nouveaux relais de croissance et renforcer les fondamentaux du métier. La qualité des prestations en termes d'expertises techniques et de conseils sont indispensables pour fidéliser les clients et en séduire de nouveaux. Au-delà de ces doléances à caractère réglementaire ou général, et comme l'a bien précisé le Président de la FNACAN à l'ouverture de cette AGO, seule une stratégie de communication et de lobbying engageant l'ensemble du réseau est de nature à faire avancer ces revendications vis-à-vis des pouvoirs publics. Mais, ceci ne doit pas occulter une autre action qui nous parait aussi importante, celle de la recherche d'un regain de confiance vis-à-vis de la clientèle. Les agents et courtiers doivent prendre conscience, aujourd'hui, que la condition essentielle pour faire décoller leur business est bien évidemment de proposer aux assurés une offre large, diverse et surtout un service avant et après vente (à la souscription et en cas de sinistre) de qualité.