Challenge Hebdo : Qu'est-ce qui fait à votre avis la réussite d'un shopping mall? Gaby Tayoun : Vous savez un centre commercial, c'est avant tout l'emplacement. Autrement dit, la visibilité et l'accessibilité. Mais pas seulement. La zone de chalandise a également une grande importance, elle est fonction de la culture du pays. Il y a des pays où les gens sont plutôt impatients et n'aiment pas trop les longs trajets. C'est souvent le cas dans les pays méditerranéens. Dans d'autres pays, les gens aiment le voyage. C'est souvent difficile à comprendre d'ailleurs. Parmi les critères déterminants pour le succès d'un mall, il y a également son environnement, qui est d'une grande importance. C'est-à-dire la facilité d'accès (densité du trafic, parkings…), mais aussi l'animation du mall, ainsi que le bon équilibre entre les espaces réservés à la restauration et ceux dédiés aux commerces. L'équilibre entre espace de confort (banc, espace de détente), qui ne rapporte pas d'argent mais attire la clientèle, et les GLA (gross leasing area: la surface qui sera occupée par des commerces), qui elles sont rentables pour le mall, est aussi à prendre en compte. Plus en amont, le plan de merchandising et le taux de preleasing du mall font partie des facteurs clés de succès d'un shopping mall. Par exemple le taux de preleasing, qu'on appelle également taux de location sur plan, ne doit pas être inférieur à 80%. C.H. : Sur quels critères une enseigne se base-t-elle pour s'installer dans un mall plutôt qu'un autre? G.T. : Les enseignes vont d'abord choisir le mall qui offre la meilleure accessibilité. Car ce qui compte in fine, c'est que le mall en question puisse attirer un maximum de clients. Mais une offre variée au sein d'un même mall est également primordiale. Prenons le cas d'une mère de famille. Si elle trouve la crèche pour déposer ses enfants, un endroit pour boire un café avec «la copine», le bon coiffeur pour le mari, et pour finir le supermarché qui permet à toute la famille de faire les courses de la semaine dans un même mall, toute la famille finira par revenir car chacun y trouve son compte. Autre paramètre, et pas des moindres, sur lequel se base les enseignes pour définir leur choix, c'est le modèle économique proposé par le mall. Il y a un grand nombre de déclinaisons possibles. Mais pour les succès du mall, et c'est ce que recherchent avant tout les enseignes, il est impératif que son modèle économique soit basé sur la location. Certains malls proposent simplement des loyers, d'autres des loyers avec pas de porte, ou encore des loyers fixés en fonction de la croissance du chiffre d'affaires… Cela dit, un mall qui propose simplement un loyer, alors que d'autres imposent un loyer et un pas de porte, ne va pas forcément rencontrer davantage de succès que les autres. Car ceux qui proposent des formules plus chères sont peut-être plus sûrs et plus confiants quant à la réussite de leur business. Ce qui constitue en soit un argument commercial de taille pour les enseignes qui souhaitent s'y installer. Enfin, beaucoup d'autres éléments interviennent dans le choix des enseignes, comme la présence de ce qu'on appelle les locomotives (hypermarchés, grandes surfaces multimédia type Virgin ou Fnac, qui vont de 4000 à 10.000 m2), qui vont permettre de drainer de la clientèle de façon régulière. C.H. : Quel est le taux de rentabilité moyen d'un shopping mall pour un investisseur? G.T. : Il est difficile de répondre à cette question. Tout ce que je peux dire, c'est qu'en Europe, étant donné que le marché est arrivé à maturité, le taux de rentabilité se situe autour des 5%. A Casablanca, je pense que les investisseurs seraient en droit de s'attendre à un taux qui varie entre 15% et 18%.