Même si officiellement, la coopération entre le port de Tanger Med et celui d'Algeciras est un fait, les Espagnols se voient contraints de renforcer leurs infrastructures portuaires, concur-rence oblige. Tanger Med serait-il en train d'éclipser les grands ports de la Méditerranée et de l'Atlantique ? Beaucoup de réactions en tout cas poussent à le croire. Madrid a démarré la restructuration des ports de Tarifa et d'Algéciras. Ce dernier port connaît une extension qui touche à sa fin. Le port du préside Melilia subit le même sort et fait l'objet d'un vaste plan de restructuration. Une enveloppe de 300 millions d'euros est allouée pour l'extension de l'enceinte portuaire. Ce qui attribuera au port de Melillia une nouvelle vocation: d'un port exclusivement récepteur, il passerait à un pôle d'échanges. D'un autre côté, la Tunisie et l'Algérie se préparent à mettre en activité des ports en eaux profondes. Ces démarches inquiètent-elles vraiment les responsables de TMSA. Constituent-elles une vraie menace pour ce dernier, d'une certaine manière «à l'origine de leur apparition» ? D'autres enjeux Aux yeux de Saïd El Hadi, président du directoire de TMSA, la concurrence n'empêche pas la coopération. «L'extension de nouvelles capacités portuaires en Méditerranée ne doit pas être appréhendée sous le seul angle de la concurrence. La hausse du trafic maritime en Méditerranée, aujourd'hui en pleine expansion, suscite un intérêt, ce qui est tout à fait légitime. En fait, la problématique concurrentielle se pose beaucoup plus à l'échelle mondiale que régionale: l'enjeu pour les ports de Tanger Med ou d'Algéciras consiste d'abord à voir la position du Détroit de Gibraltar renforcée sur les cartes du trafic maritime mondial, avec une plus grande captation des lignes Est/Ouest, Asie/Europe et Asie/Amérique ainsi que les lignes atlantiques Nord/Sud. Cet objectif est partagé par les deux ports et notre intérêt est donc de travailler ensemble pour renforcer le trafic vers cette région». Quand aux autres ports, Saïd El Hadi déclare qu'il faut bien comprendre que nous ne sommes pas sur les mêmes logiques de marché. Le site du Détroit permet en effet de cibler un trafic plus global, intégrant l'Atlantique et la Méditerranée. Et surtout, le Détroit bénéficie d'un avantage incomparable : il n'impose en effet aucune déviation aux navires. Considérant de plus le potentiel de croissance du trafic maritime, il avance ne pas avoir trop de crainte à voir émerger de nouveaux acteurs portuaires méditerranéens. Avec Tanger Med 2, la capacité portuaire totale du port sera de 8 millions de conteneurs. Une capacité qui positionne Tanger Med comme un des ports leaders dans l'Atlantique et en Méditerranée, et qui en fera une des plus grandes plateformes de transbordement au monde. Ceci ouvre de nouvelles opportunités économiques et industrielles pour le Maroc. L'initiative royale de la création de la plateforme industrielle Tanger Med a pour objectif de faire du port une plateforme polyvalente qui drainera plus de trafic. Mais cette initiative ne vient-elle pas en réponse aux réactions des voisins méditerranéens ? «Absolument pas», répond catégoriquement Saïd El Hadi. «Le lancement de la Grande plateforme Industrielle Tanger Med s'inscrit dans une logique globale, à l'origine même de la création du Port. En effet, la finalité de Tanger Med n'était pas de se contenter d'être un des plus grands ports au monde : sa vocation première est de renforcer la compétitivité d'un territoire. Le déploiement d'une plateforme industrielle adossée à la plateforme portuaire répond ainsi à cette logique», conclut-il. Cette initiative ne contribuera pas à apaiser les soucis des députés du parti populaire espagnol, qui cherchent des mesures visant à créer «une plus grande concurrence et des marges d'anticipation» pour les deux ports d'Algeciras et de Tarifa.