Certaines grandes marques pratiquent déjà les soldes. C'est «un crime de lèse-majesté» pour des professionnels du marché. Le luxe n'est pas censé plaire par les prix. Est-ce le début d'une crise ? Il ne faut pas croire que les clients du luxe, parce qu'ils ont les moyens, ne se posent pas de questions sur les effets de la crise économique et financière mondiale sur notre économie. La consommation de certains d'entre eux est revue à la baisse, non parce qu'il est question de prix, mais plutôt parce qu'un effet de psychose s'est installé. Certains préfèrent attendre que l'orage passe. Dans le secteur automobile par exemple, un responsable marketing chez un concessionnaire nous avoue que le marché des voitures à 1 million de DH et plus pourrait être affecté. «Les clients qui ont l'habitude de verser ces budgets-là ne sont pas si regardants sur ce qu'ils vont débourser. Mais ils auront, je crois, une certaine pudeur dans la conjoncture actuelle. Leurs actes d'achat seront seulement retardés». Une explication plausible. Les statistiques des ventes automobiles entre les mois de janvier et février montrent en effet un ralentissement au niveau de différentes marques. 3 Jaguar ont été vendues au mois de novembre, contre 9 au mois de mai et 7 au mois d'août. 9 Audi Q7 diesel ont été commercialisées au mois de novembre contre 20 au mois de juin. En ce qui concerne les Mini, 5 ont été vendues au mois de novembre contre 9 au mois de septembre par exemple. Des actes d'achat retardés Qu'en est-il du secteur de la joaillerie ? Il y a presque unanimité sur la réponse. Un « léger » repli s'est fait ressentir sur l'activité de certaines franchises depuis le mois de novembre. « Cela se ressent dans la démarche des clients. Certains préfèrent retarder leurs achats. Mais de toutes les manières, ils finissent par les concrétiser », explique la gérante d'une grande marque. Ce n'est pour elle qu'une question de temps. Cet attentisme de la part des clients ne serait que psychologique et ne traduirait pas vraiment leur mauvaise posture. Chez une autre enseigne de renommée internationale, il y a bel et bien eu baisse de régime. Ce qui n'a pas empêché les responsables des magasins de procéder à des soldes pour liquider leurs stocks. «Même à l'étranger, les soldes ont commencé. Une petite crise risque de secouer le secteur mais je pense qu'elle ne sera que temporaire. Et même si nous étions affectés, nous ne le serions pas plus que les magasins à l'étranger », préfère rassurer cette gérante. La pratique de cette marque (baisse des prix en pratiquant les soldes) semblent irriter certains joailliers de la place. Pour eux, le luxe n'est pas censé attirer par les prix. «La politique d'un fabricant de luxe n'est pas de brader ses prix. Chez nous, nous préférons ne rien vendre plutôt que de vendre au rabais. Ce serait une offense à nos clients habituels», lance un bijoutier de la place. Pourtant, les clients marocains du luxe sont quand même sensibles au facteur prix. Une étude sur le marché du luxe, commanditée par Le Pré Vinci, le premier lieu de l'évènementiel de luxe qui ouvrira ses portes au mois d'octobre 2009, et réalisée par le cabinet B Marketing, révèle, entre autres, certaines spécificités des clients du luxe marocains. Parmi elles, leur sensibilité aux prix. En effet, s'ils continuent à préférer acheter leurs produits à l'étranger, c'est, entre autres, parce que les prix ne sont pas alignés ici et là-bas. Selon les propos recueillis, les clients préfèrent l'étranger parce qu'on y propose des avantages tels que la détaxe, les promotions… « Parfois, je compare les prix ,je trouve certains articles moins chers à l'étranger. On peut récupérer le montant de la détaxe, vu qu'on achète pour des montants importants, ça devient intéressant». Voilà les réponses de personnes sondées qui en disent long sur leur comportement. Mais ceci ne les empêche cependant pas de commencer (ils sont de plus en plus à le faire) à s'approvisionner sur le marché marocain. Ces clients du luxe, dont le revenu familial mensuel est établi aux alentours de 50.000 DH et plus par les concepteurs de l'étude, trouvent plus commodes d'acheter au Maroc, car non seulement ils n'ont pas à se soucier des problèmes d'obtention du visa, mais également parce qu'ils ne seront pas limités dans leurs achats par la dotation fixée par l'Office des Changes. « Même si on paie plus cher, on a une facture marocaine, un certain service après-vente sur place... », confie l'une des sondées. Pour notre gérante de la grande marque de joaillerie, le fait que les Marocains commencent à s'intéresser davantage au marché marocain s'explique aussi par le fait que plusieurs franchises renommées s'y installent. « Ils sont alors plus à l'aise pour faire leur shopping. Ils trouvent sur le marché les nouveautés lancées à l'international ». Les «marchands» du luxe ont saisi les attentes de leurs clients. Ces derniers continueront à consommer, un peu moins, ou un peu plus, tout dépendra de la conjoncture nationale qui prévaudra dans les mois à venir.