Au-delà de juillet 2009, Régional Air Lines n'existera plus. Ses avions vont être cédés. Les nouveaux Airbus de la nouvelle compagnie Air Arabia Maroc proposeront des vols à des prix en dessous de la concurrence actuelle. Le ticket moyen sera aux alentours de 119 dollars. C'en est fini pour Régional Air Lines (RAL). Connue pour ses avions biréacteurs trop bruyants, la compagnie opère un tournant. Ses actionnaires ont décidé de tourner la page. RAL n'existera plus qu'en tant qu'entité juridique. Ses avions seront vendus. Deux ont déjà été cédés. Les autres restants devront servir à assurer le service durant les mois à venir. C'est que RAL a des engagements qu'elle doit respecter jusqu'en juillet 2009. La compagnie continuera donc à opérer sous cette «enseigne», car elle a signé deux conventions correspondant à quatre lignes subventionnées jusqu'à l'été prochain. D'autant qu'elle est aussi engagée avec la RAM jusqu'à cette période. Au-delà de cette date, RAL disparaîtra pour céder la place à Air Arabia Maroc, une nouvelle compagnie low-cost qui prendra la relève. La compagnie est détenue à hauteur de 40% par Regional Air Lines, de 11% par des institutionnels privés, de 29% par l'émirati Air Arabia et de 20% par la banque d'affaires bahreïnie Ithmar Bank, laquelle travaille étroitement avec la compagnie aérienne émiratie. Cette configuration pousse à certaines interrogations. Au départ, il était d'abord question qu'Air Arabia entre seulement dans le capital de RAL. Un choix qui n'a pas été retenu. « Pour des raisons d'incompatibilité de métiers, de modèles de business, Air Arabia ne pouvait faire partie du tour de table de RAL. Il aurait été plus compliqué d'assurer la gestion opérationnelle», explique Hicham Nechad, directeur général de Regional Air Lines. Et de poursuivre: «nous avons alors décidé de démarrer plutôt à partir d'une page blanche», résume-t-il. Les détails du business-plan C'est de là qu'est née l'idée de créer carrément une nouvelle compagnie, mais qui serait détenue majoritairement par des Marocains. Les pouvoirs publics se seraient aussi immiscés dans cette décision. Ils ont tenu à ce qu'il en soit ainsi. Ils ont voulu qu'un actionnaire marocain stable soit maintenu au sein de la nouvelle compagnie. « En gardant la majorité, RAL représente un gage de sérieux et de sécurité, d'autant plus que les nouveaux partenaires sont des entreprises cotées sur leurs marchés respectifs (Air Arabia cotée à la bourse de Dubaï et Ithmar Bank cotée à la bourse de Bahreïn). On ne pouvait trouver de partenaires plus prestigieux », reconnaît Nechad. Ajouter à cela le fait qu'en gardant la majorité marocaine, la compagnie bénéficiera davantage des termes de l'Open Sky avec l'Europe. Avec Air Arabia Maroc, c'est donc tout le modèle du business de RAL qui va être changé. D'après le business plan de la nouvelle compagnie, trois avions Airbus seront mis en service la première année, suivis de trois autres la deuxième année. «Ensuite, la cadence pourrait être révisée en fonction de l'évolution de l'activité», souligne Nechad, qui a participé activement à la concrétisation du partenariat avec les Emiratis. Malgré la crise mondiale qui affecte beaucoup de secteurs, les actionnaires d'Air Arabia Maroc restent sereins et croient en leur business. 29 lignes seront programmées la première année d'activité, et 43 la deuxième année. Les grandes capitales de pays comme la France (Paris, Marseille, Bordeaux…), l'Italie, la Hollande (Amsterdam), la Grande-Bretagne, la Suisse ou l'Allemagne seront desservies. L'Egypte et la Turquie ne sont pas en reste. Dans une deuxième étape, des villes africaines seront ajoutées à la liste. Concernant les vols domestiques, les lignes ne sont pas encore complètement arrêtées. Mais elles desserviront très certainement le Sud Marocain. La majorité des vols se feront à partir du hub casablancais. Rabat, Marrakech et Agadir ainsi que l'Oriental devront faire partie aussi des itinéraires. Selon Hicham Nechad, la rentabilité de la compagnie devrait être atteinte à partir de la deuxième année, soit vers la fin de 2010. A cet horizon, le coefficient de remplissage des appareils devrait s'élever à 73%. Le chiffre d'affaires devrait s'établir quant à lui à près de 230 millions de dollars, soit près de 2,05 milliards de dirhams. Le nombre de passagers devrait tourner, lui, autour de 2 millions. 15% à 20% des places à prix préférentiels A propos des prix, Hicham Nechad explique que la politique engagée tablera sur des tarifs très compétitifs. Par exemple, sur le Vieux continent, «nous serons à des niveaux en dessous de ce qui est proposé actuellement ». En plus, promet Nechad, les tarifs préférentiels prévus sur les premières places vendues (modèle classique des low-cost) concerneront 15 à 20% de la capacité des appareils. En d'autres termes, cela signifie qu'Air Arabia Maroc proposera plus de billets, et moins chers que ceux des compagnies comme Jet4you par exemple. Sur le plan domestique, la nouvelle compagnie low-cost devrait offrir des places à 1.000 dirhams aller et retour. Pour commercialiser ses billets, Air Arabia Maroc prétend arborer une politique différente de celle de la concurrence. « Contrairement à ce qui se fait sur le marché, nous allons mettre en place un système de réservation d'Air Arabia qui sera ouvert à toutes les agences de voyages », explique Hicham Nechad. Il y aura aussi création de bornes commerciales dans les aéroports, dans les coins refoulés du pays… « Pour faciliter les ventes, tout notre système de réservation sera en ligne », fait remarquer le directeur général de Regional Air Lines. La nouvelle compagnie low-cost devrait faire décoller trois de ses Airbus aux couleurs d'Air Arabia dès le mois de mars prochain. Régional Air Lines ne pouvait pas, elle, continuer seule son activité. Il lui fallait trouver une solution. Ce n'est pas propre au Maroc. Partout ailleurs, une compagnie aérienne régionale n'a pas beaucoup de chances de survivre sans être adossée à une compagnie régulière (nationale de surcroît) de grande stature. En France par exemple, Brit'Air, Air Linair, Regional France sont devenues filiales d'Air France. Idem au Portugal où Portugalia a été contrainte aussi de se mettre dans le giron d'une compagnie nationale. Notre Regional Air Lines à nous a bien fini elle aussi par chercher des pistes pour continuer l'aventure. La compagnie avait deux choix : soit négocier un partenariat plus poussé avec la Royal Air Maroc (RAM), soit changer complètement de modèle de business. Au départ, la première piste avait été favorablement accueillie. Les responsables de RAL avaient réussi à séduire Mohamed Berrada, alors président de la RAM, pour opérer tous les vols régionaux de la compagnie nationale. Mais «les changements à la tête de la compagnie nationale n'ont pas permis de faire aboutir ce projet qui a été finalement étouffé», croit savoir un professionnel de l'aérien. La compagnie régionale se devait alors de se trouver une issue. Les projets d'Air Arabia pour l'Afrique tombent à point nommé. En 2007, la compagnie low-cost émiratie cherchait à installer une plate-forme au Maghreb. Un concours de circonstances aurait alors fait se rencontrer ses responsables avec ceux de la RAL. Nous sommes en août 2007. Deux mois plus tard, des travaux sérieux portant sur un éventuel partenariat entre les deux compagnies ont démarré. Une année plus tard, le deal est scellé. Air Arabia va apporter son savoir-faire en la matière puisqu'elle a aiguisé ses armes dans le low-cost. Régional Air Lines apportera dans cette nouvelle compagnie la compétence humaine. A partir de la deuxième année d'activité, Air Arabia Maroc devrait employer quelque 500 personnes. «Nous sommes dans un modèle basé sur un recrutement de 70 employés par aéronef avec une utilisation en moyenne de 15 heures par jour», avance Nechad. Une grosse vague de recrutement est alors prévue dans les mois à venir. Les employés de RAL, eux, auront le choix de quitter le navire (auquel cas, on leur promet de bonnes indemnisations) ou de suivre l'aventure sous l'enseigne Air Arabia Maroc.