Avec 250.000 transactions immobilières par an et des centaines de milliers d'appartements fermés, le marché de l'immobilier marocain attire de plus en plus les réseaux d'agences immobilières étrangères. Encore faudrait-il qu'elles arrivent à concurrencer le secteur informel, entretenu surtout par un vide juridique, pour profiter de ce marché de plus d'un milliard de DH. J'ai 30 millions de concurrents !». Cette boutade de Samir Benmakhlouf, président de Century 21, qui fait allusion au nombre d'agences immobilières au Maroc, en dit long sur ce secteur. D'ailleurs, cette plaisanterie est sur toutes les lèvres de patrons d'agences immobilières. Pour autant, le secteur attire de plus en plus de franchises étrangères, parallèlement à la multiplication d'entreprises structurées. «Avec une moyenne de 250.000 transactions par an réalisées ces 10 dernières années, le Maroc connaît un boom immobilier incontestable. Le créneau est rentable et tout le monde peut s'y lancer. De nombreuses enseignes se sont déjà installées». Les responsables du nouveau réseau français d'agences immobilières, Arthur l'Optimist, qui ouvriront le 16 octobre prochain leur première agence à Casablanca, sont décidés à se faire rapidement une place sur le lucratif marché de l'immobilier. Le réseau, dont l'actionnaire de référence est le Groupe Caisse d'Epargne, vient en effet de créer au Maroc la master franchise tenue par la société HMS Développement. Cette dernière, pilotée par Hind Sebti, table déjà sur l'ouverture de quelque 100 agences au Maroc d'ici à la fin de 2012. Le secteur d'activité du réseau concernera les programmes neufs et la deuxième main, l'immobilier résidentiel, professionnel et les commerces tandis que les services proposés concernent l'achat, la vente et la location. Des services d'assistance juridique, de communication, d'administration des biens et de gestion locative seront également proposés aux clients. « Les futures agences seront très indépendantes dans la personnalisation de leurs services en fonction des attentes des clients. Elles devront bénéficier des avantages offerts par le réseau immobilier tout en assurant leur propre gestion», précise le management d'Arthur l'Optimist. Pour un montant de 5.000 DH HT par mois, aucun droit d'entrée et aucune royalties ne sont demandés aux futurs adhérents du réseau. Le créneau est-il aussi rentable ? L'offensive des franchises étrangères Avant Arthur l'Optimist, ce sont deux autres franchises immobilières étrangères qui ont investi le secteur en moins de trois ans. Il s'agit du réseau des agences immobilières américaines Century 21. Son promoteur, Samir Benmakhlouf, un ex de Microsoft qui occupait le poste de DG du groupe à Bahreïn, qui s'est associé dans cette affaire avec des partenaires saoudiens, a signé en effet le contrat avec l'enseigne pour une master franchise et une exclusivité sur le Maroc et l'Algérie. Pour le développement de l'enseigne présente au Maroc depuis deux ans et demi, Benmakhlouf capitalise sur le volet transaction, soit la vente et la location. «Pour l'instant, nous sommes en train de sous-franchiser 14 agences et nous disposons parallèlement de trois autres agences en propre. Ce qui fait au total 17 agences», explique-t-il. Rappelons que Century 21 Maroc demande 200.000 DH comme droit d'entrée et 6 % de royalties de la commission pour les candidats à sa franchise qui doivent d'abord disposer d'un local qui a pignon sur rue. Toujours est-il que son promoteur estime que son réseau ne sera rentable que lorsqu'il atteindra la taille critique, fixée à une trentaine de franchisés. En effet, l'approche Century 21 est celle d'agences immobilières de proximité. Actuellement, c'est un deuxième front que les responsables de Century 21 sont en train d'ouvrir. Il concerne le volet de l'administration de biens. Dans ce cadre, après que le holding Al Omrane lui ait confié la commercialisation de ses lots de terrain et de ses commerces à Casablanca et Mohammedia, Century21 est en train de se rapprocher à travers des partenariats avec les banques et les assurances… Objectif: commercialiser certains services offerts par ces institutions. C'est dans le sillage de Century 21 que le réseau d'agences immobilières Laforêt a signé également un contrat de master franchise pour le développement de l'enseigne au Maroc. En effet, c'est avec le Maroc et le Luxembourg que Patrick-Michel Khider et Bernard de Crémiers, les deux fondateurs de ce réseau, ont entamé leur conquête du marché international. Objectif : faire de Laforêt Immobilier, qui revendique plus de 680 agences en France et pèse 5 % du marché, une marque mondiale. Depuis, l'enseigne française, qui vise à court terme une quinzaine d'agences dans le Royaume, cible énormément les MRE. Aussi, elle est première page de Google pour la recherche « MRE Immobilier Maroc ». Aujourd'hui, les réseaux de franchises immobilières étrangères qui s'installent mettent en avant leur professionnalisme et leur savoir-faire pour se positionner sur ce lucratif marché avec ses 250.000 transactions par an et son alléchant taux de commission qui se situe entre 3 et 5 %. Un «gâteau» de plus d'un milliard de DH ! Estimé à plus d'un milliard de DH, le marché dans lequel opèrent les agences immobilières au Maroc est également convoité par d'autres opérateurs disposant d'agences structurées comme MC Group, Carré Immobilier, Casa, Repimmo Investment et d'autres, dirigées par des étrangers. Ces acteurs qui ont été tout simplement rejoints ou suivis par les réseaux de franchises étrangères. Le dénominateur commun de tous ces intervenants est qu'ils disposent d'une riche banque de données sur le secteur de l'immobilier au Maroc qu'ils mettent régulièrement à jour. « Notre installation est motivée par le fait que le Maroc est un pays émergent, avec une croissance supérieure à celle des pays développés. D'autres part, il est à proximité de l'Europe, avec une culture francophone… », affirme Bernard Charrière, PDG de MC Groupe, qui a développé à Casablanca, Marrakech et Tanger, son réseau d'agences, spécialisées dans le domaine de l'immobilier, transaction et gestion. Rappelons que MC Groupe Maroc est la filiale de sa maison maire éponyme sise en Suisse dont Charrière est le promoteur. Difficile de se faire cependant une idée nette sur le nombre d'agences immobilières opérant dans le Royaume. Car, à côté des agences structurées, pullulent des semsars et des intermédiaires de tout genre : les intervenants sont innombrables. « L'informel représente la quasi-totalité du marché. Mais quand le marché commence à se resserrer comme c'est le cas actuellement, les agences organisées s'en tirent bien », souligne Samir Benmakhlouf. Même son de cloche auprès du patron de MC Groupe. « Le métier d'agence immobilière n'est pas organisé. Cela met de l'incertitude dans chaque transaction », dit-il. Aujourd'hui au Maroc, le texte de base du secteur est le dahir du 12 janvier 1945 qui réglemente la profession d'agent d'affaires. Ce texte régit l'agent immobilier, puisque les missions de ce dernier sont celles confiées aux agents d'affaires par le dahir. Il s'agit en l'occurrence du courtage et de l'intermédiation immobilière, de la location d'immeubles... Mais l'agent d'affaires est aussi, selon le dahir, celui qui procède au recouvrement d'impayés, qui s'occupe habituellement de contentieux ou qui exerce la profession de conseil juridique ou fiscal, de commissaire aux comptes, d'organisateur de comptabilité, d'expert-comptable, de géomètre topographe. «Par rapport aux nouvelles réglementations de ces professions, le dahir de 1945 est dépassé. La profession d'agent immobilier nécessite un cadre juridique spécifique et adapté qui doit s'inscrire dans le cadre du projet de code immobilier », estime un agent immobilier à la retraite qui a passé la main à son fils. Résultat des courses : n'importe qui s'improvise agent immobilier dans les quartiers ou cafés. Aujourd'hui, si certains clients sont déjà convaincus et n'ont recours qu'à des agences structurées, la grande majorité des Marocains préfèrent encore traiter avec l'informel qui se contente de quelques milliers de DH. C'est pourquoi les agences organisées avec à leur tête les franchises étrangères cherchent à ressortir du tiroir du Secrétariat général du gouvernement le projet de loi rangé depuis 1997. Pour cela, elles comptent réactiver l'Association Nationale des Agents Immobiliers du Maroc (ANAIM) en sommeil depuis plusieurs années et créée en 1936, sous le Protectorat français. Abdellah Lazrak, patron du groupe Lazrak immobilier, en est encore le président. ◆