Le chômage des jeunes diplômés au Maroc illustre l'inadéquation entre leurs compétences et les attentes des entreprises. L'employabilité, reliant formation, compétences et soft skills, est un enjeu stratégique pour favoriser l'insertion professionnelle dans un contexte de transitions économiques majeures. Ils sont des milliers de jeunes diplômés à chercher désespérément un emploi, armés de leurs diplômes et remplis d'ambitions, mais qui peinent souvent à décrocher des entretiens débouchant sur un recrutement. De l'autre côté, des entreprises, malgré l'abondance de candidatures sur le marché du travail, qui se plaignent d'une pénurie de profils adéquats, citant l'inadéquation des diplômes et des formations avec les compétences et soft skills recherchés. Cette double réalité reflète un problème plus profond, celui de l'employabilité des jeunes diplômés, un concept qui pose la question de la capacité des individus à répondre aux exigences évolutives du marché du travail. L'employabilité : un concept clé Pour les experts en Ressources Humaines, l'employabilité se définit comme la capacité d'une personne à trouver, conserver, et progresser dans un emploi. Cette notion englobe plusieurs dimensions : les compétences acquises, l'adaptabilité aux changements du marché du travail, ainsi que la capacité à développer de nouvelles compétences. En d'autres termes, l'employabilité d'un individu n'est pas figée. Elle dépend à la fois de facteurs internes, comme les qualifications et l'expérience, mais aussi de facteurs externes, tels que les conditions économiques, les opportunités d'emploi et les réseaux professionnels disponibles. Lire aussi | Zakaria Fahim : "Le PLF 2025 doit prioriser la lutte contre le chômage au-delà du simple soutien macroéconomique" La mesure de l'employabilité devient, ainsi, une évaluation de la valeur ajoutée qu'un individu peut apporter à son environnement professionnel, dans un contexte en constante évolution. Il en résulte que les primo-demandeurs d'emploi doivent non seulement se former, mais également enrichir leur CV en accumulant des expériences et en développant des soft skills pour augmenter leurs chances de recrutement. Une problématique complexe liée à la croissance À un niveau plus macroéconomique, la question de l'employabilité est étroitement liée à la croissance économique. L'économiste Ahmed Azirar rappelle que le chômage des jeunes est avant tout une conséquence du rythme de la croissance économique, seule véritable source de création d'emplois. Cependant, il nuance son propos, ajoutant que la question de l'employabilité est plus complexe que cela. Lire aussi | Affaire Chaabi Bank : BCP dément toute condamnation Selon lui, l'employabilité dépend de nombreux facteurs : l'enseignement, la formation professionnelle, la formation continue en entreprise et l'encadrement. Cela signifie que pour assurer l'employabilité des jeunes diplômés, il ne suffit pas d'améliorer le système éducatif. Il faut aussi revoir les stratégies de formation continue au sein des entreprises et investir dans le développement des compétences des employés. L'employabilité au niveau local : un angle négligé Selon Ahmed Azirar, la problématique de l'employabilité se pose également aux niveaux régional et communal. Les initiatives locales en faveur de l'emploi sont souvent insuffisantes ou mal adaptées aux réalités locales. De plus, les candidats eux-mêmes sont parfois mal préparés à comprendre l'importance des soft skills et des compétences complémentaires pour leur future carrière. Lire aussi | La Loi de finances 2025 pourra-t-elle résoudre la malédiction du chômage ? L'économiste explique que, trop souvent, les jeunes diplômés se concentrent uniquement sur l'obtention de diplômes, sans intégrer des compétences plus larges, pourtant essentielles pour les entreprises. Cette remédiation aux faiblesses des compétences est cruciale pour améliorer leur insertion professionnelle. Un enjeu stratégique dans un contexte de transitions multiples L'expert en développement économique ajoute que l'employabilité est un défi particulièrement stratégique pour un pays comme le Maroc. Un pays engagé dans une quadruple transition : démographique, digitale, environnementale et énergétique. Ces transitions impliquent des mutations profondes et l'apparition de nouveaux métiers, avec des attentes renouvelées de la part des entreprises en matière de compétences. Il précise, à ce propos, que l'employabilité des jeunes doit être pensée dans un cadre national plus large. Car il ne s'agit plus seulement de satisfaire des ambitions individuelles, mais bien de mobiliser les forces vives pour accélérer le développement économique et social du pays. Cela à un moment où il a toutes les chances de faire le bond attendu. En d'autres termes, promouvoir l'employabilité revient à préparer la jeunesse à jouer un rôle clé dans la transformation économique du Maroc. Lire aussi | Marché du travail : une aggravation continue du taux de chômage Cette question revêt une importance encore plus cruciale dans un contexte de transition démographique. « Au moment où s'opère une transition démographique, il faut tirer le meilleur parti de la jeunesse de ce pays, pendant que la structure pyramidale est encore à dominante jeune », explique cet expert. La jeunesse représente effectivement un atout majeur pour le développement d'un pays. Encore faut-il que le plus grand nombre puisse disposer, aux niveaux central et local, des outils nécessaires pour accompagner les transformations économiques et sociales en cours. Ces outils passent par une formation adéquate, l'acquisition de compétences diversifiées et l'adaptation aux nouveaux métiers qui émergent dans un monde de plus en plus digitalisé. Une vision globale pour une employabilité durable En somme, l'employabilité ne se limite pas à la recherche individuelle d'un emploi. Elle est au cœur d'une réflexion plus vaste sur le développement économique. Elle interroge la capacité d'un pays à mobiliser son capital humain. Dans un contexte marqué par des transitions multiples et des mutations économiques rapides, le Maroc, comme beaucoup d'autres pays, doit impérativement investir dans la formation et l'accompagnement de sa jeunesse pour en faire un levier de croissance. Ainsi, la solution au chômage des jeunes diplômés réside autant dans l'amélioration de l'offre de formation que dans la capacité des entreprises à s'adapter aux compétences nouvelles et à encourager la formation continue. Seule une approche coordonnée, impliquant les pouvoirs publics, les entreprises, et les jeunes eux-mêmes, permettra de résoudre ce double défi du chômage et de l'employabilité.