L'économiste au sein de l'Observatoire marocain de la très petite et moyenne entreprise (OMTPME), Othmane Fahim, a analysé, dans cette interview, les contours de l'usage accru des cryptomonnaies et des plateformes de trading au Maroc. En voici la teneur : 1 – Malgré l'absence d'un cadre réglementaire, le Maroc est classé 20ème sur 154 pays dans l'adoption de la cryptographie. Comment expliquez-vous ce classement ? L'adoption des cryptomonnaies ne se limite pas à une simple tendance éphémère, mais constitue plutôt un mouvement mondial impactant les économies à diverses échelles. Bien que l'adoption globale ait connu une légère baisse, probablement influencée par une phase de marché où les prix des actifs tels que les actions, les obligations ou encore les cryptomonnaies ont décliné, un élément encourageant se distingue. Les pays à revenu intermédiaire inférieur, tels que l'Inde, le Nigeria, le Vietnam, le Pakistan et le Maroc, affichent une adoption croissante, laissant entrevoir un avenir prometteur pour les cryptomonnaies. Lire aussi | Crypto-monnaie. Un cadre réglementaire fin prêt Pour le cas marocain, ce sont 1,15 million de Marocains qui ont possédé des actifs virtuels en 2022. Spécifiquement, les principaux investisseurs sont des jeunes de 20 à 30 ans, attirés par les avantages offerts par les cryptomonnaies pour accéder à une variété de services en ligne et renforcer leur situation financière. Cela dit, c'est la catégorie qui est principalement en souffrance, notamment sur le marché de l'emploi, le taux de chômage des jeunes marocains de 15 à 34 ans ayant un diplôme supérieur était de 40,3% en 2022. 2 – La réglementation des cryptomonnaies pourrait-elle avoir des effets positifs sur l'investissement au Maroc ou bien s'agit-il plus d'une menace pour notre système financier et monétaire ? Les cryptomonnaies gagnent une acceptation croissante dans de nombreux pays, simplifiant ainsi les transactions au-delà des frontières. Bank Al-Maghrib (BAM) et l'Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC), en tant qu'organismes régulateurs, et l'Office des changes interdisent l'usage de tels procédés afin de protéger le citoyen contre toute dérive d'ordre juridique ou pertes financières. Les devises numériques visent à favoriser l'inclusion financière et la transparence, mais un véritable obstacle se dresse sur cette voie. Nous nous tournons vers ces devises en raison de la circulation importante de liquidités et de masse monétaire en dehors du domaine numérique. Lire aussi | Plafonnement des paiements en espèces dans l'UE. Ce qui change pour les voyageurs marocains La mise en place de transactions monétaires basées sur la cryptographie impliquerait également que BAM aurait un contrôle limité sur la fuite des capitaux, étant donné que les transactions sur la blockchain ne sont pas restreintes par des frontières géographiques. C'est en fin de compte la raison fondamentale derrière l'interdiction de la cryptographie. La réglementation en cours des cryptos permettrait de réduire les risques liés à l'absence de protection du consommateur, de volatilité de change, d'utilisation de ces monnaies à des fins illicites, blanchiment de capitaux... 3 – La mise en application du règlement Market in crypto assets (MICA) qui devrait débuter en 2024 pourrait potentiellement faire émerger les cryptos en instrument d'échange universel, mais peut-on véritablement parler de monnaies ou de devises ? Le règlement MICA s'inscrit dans le cadre d'une régulation de la finance numérique au sein de l'Union Européenne. Les cryptomonnaies sont des formes de monnaie virtuelle et décentralisée. Elles sont virtuelles car, contrairement aux devises classiques telles que le dollar ou l'euro, elles sont entièrement dématérialisées. Elles sont décentralisées car aucune organisation centrale n'existe pour contrôler leur valeur ou la validité des transactions. C'est d'ailleurs à partir de cette caractéristique que les cryptomonnaies ont émergé. Lire aussi: Conseil de Bank Al Maghrib. Les arguments et les messages de Jouahri Le règlement MICA, qui entrera en vigueur à la fin de 2024, établira un cadre harmonisé au niveau européen, remplaçant ainsi les cadres nationaux en place régissant l'offre au public et l'admission aux négociations de jetons, la fourniture de services sur crypto-actifs par des prestataires, et la prévention des abus de marché sur crypto-actifs. 4 – Cette mise en application en Europe pourrait-elle inspirer le Maroc ? Le Maroc a déjà initié un projet de loi portant sur la régulation des crypto-actifs. Le but fondamental de cette loi est d'harmoniser les réglementations marocaines avec les normes internationales relatives aux crypto-actifs, en adoptant une approche rigoureuse visant à sécuriser les investisseurs et assurer la stabilité du système financier. Aujourd'hui, Bank Al-Maghrib progresse de manière proactive dans ses initiatives liées à la création d'une Monnaie nationale de Banque centrale (MNBC). Le Wali de Bank Al-Maghrib a, par ailleurs, expliqué qu'un groupe de travail, en étroite collaboration avec des experts techniques et le Fonds monétaire international (FMI), se consacre à faire avancer ce projet.