Toutes les régions du Maroc se réveillent d'un long sommeil pour réclamer une part du gâteau économique. Certaines arrivent à mettre sur pied des stratégies de conquête en s'inspirant des plans de développement sectoriel (tourisme, industrie, textile…) définis par Rabat. Le mouvement révèle une forte concurrence sur des segments porteurs comme l'offshoring, l'agroalimentaire OU l'automobile, et laisse présager une guerre deS prix sur le foncier d'affaireS ainsi que sur des avantages locaux en dehors de l'appât fiscal. Du pain béni pour les investisseurs qui pensent régional pour agir national. Il ne fait quasiment pas de doute que lorsque le Roi décide de se déplacer (à répétition) dans une région donnée pour inaugurer un nombre de projets ou pour des raisons privées, celle-ci commence à avoir la cote. Ceci est un signe que les plus hautes instances du pays souhaitent faire bouger les choses dans tel ou tel endroit. Le Nord par exemple était quasiment mort. Les déplacements du Roi, la nomination de personnages courageux, aguerris aux chamboulements des ordres établis, la candidature de Tanger à l'exposition internationale de 2012, le port de Tanger Med… sont autant de faits qui ont contribué à donner à la ville et ses régions ses nouvelles lettres de noblesse. Lorsque le Roi a, par ailleurs, sorti du tiroir le projet de l'aménagement de la vallée de Bouregreg, la région de Rabat a commencé à attirer des investisseurs de grosse pointure. Les régions ont compris qu'elles ne pouvaient pas rester en marge de ce qui se produit, tant sur le plan national qu'international. Une compétition a dès lors commencé à se faire ressentir. Chacune veut rendre des comptes auprès de son public, auprès des investisseurs surtout. La régionalisation a pris une nouvelle forme. Enfin. Aujourd'hui, une prise de conscience, disons, collective, a entraîné la création d'une dynamique économique qui permet aux régions de ne plus naviguer à vue, offrant par la même des opportunités d'investissement. Concrètement, où fait-il bon investir ? Une question que se posent des investisseurs disposant de liquidités, mais manquant d'information sur le gisement économique des différentes régions du pays. Pourtant, des pistes existent. Agadir, idéal pour faire des affaires ? Pour la première fois, le programme de l'USAID s'est attaqué à sept régions marocaines : Agadir, Casablanca, Kénitra, l'Oriental, Marrakech, Meknès et Settat. Il a mesuré le climat des affaires qui y règne. C'est le Doing business 2008 régional qui a établi qu'Agadir est le lieu où il est le plus facile de faire des affaires, suivi par l'Oriental et Settat. Tanger vient en dernière position. Pour en arriver là, quatre facteurs ont été passés au crible : création d'entreprises, octroi de licences, transfert de propriété et exécution des contrats. Ainsi, et selon les conclusions des enquêtes, il s'avère qu'en termes de coût de création d'entreprise, Casablanca est la moins chère (11,6% du revenu national brut) mais reste plus chère qu'un tiers des pays du monde. Kénitra suit avec un coût de 12,57%, derrière la Tunisie et Oman. Agadir est la plus onéreuse des régions, plus que la Malaisie et Mexico. Il reste, selon les conclusions du rapport, qu'il est moins coûteux de créer une entreprise dans n'importe quelle région du Maroc qu'au Caire ou à Dubaï. Partant de ses résultats, on est en droit de se demander pour quelles raisons la ville d'Agadir, considérée par la Banque Mondiale comme étant la ville où il est le plus facile de faire des affaires, n'est cependant pas celle qui attire le maximum d'investissements, comme c'est le cas de Casablanca par exemple. Un responsable au bureau de l'USAID au Maroc nous répond : « cela peut s'expliquer de plusieurs façons : d'une part, Casablanca est la capitale économique et à ce titre, attire naturellement la plupart des nouveaux investisseurs. Par ailleurs, Agadir ne communique pas encore sur son environnement favorable aux affaires, la stratégie de développement régional s'étant d'abord axée sur les secteurs du tourisme et de la pêche. Enfin, le relatif éloignement géographique des marchés européens peut rendre réticents certains opérateurs ». La question de l'espace géographique étant tranchée, il reste à savoir dans quels secteurs il est judicieux d'investir ? L'offshoring et la logistique, stars de l'investissement Le plan Emergence propose des réponses à cette question. Ses déclinaisons au niveau régional ont commencé à se faire ressentir. Nous retrouvons alors dans les nouveaux programmes industriels de certaines régions les secteurs dénichés par les experts de McKinsey. Le filon a tellement la cote que toutes les régions, ou presque, s'y mettent, créant ainsi une concurrence qui pourrait constituer une faiblesse au niveau de l'attractivité générale du pays. Mais non. Un responsable de ministère du Commerce et de l'Industrie estime que cette émulation est bénéfique pour tout le monde et que chaque région a sa spécificité pour attirer les opérateurs de l'offshoring. « Nous créons des noyaux, prêts à capter des activités. Mais la taille diffère d'un endroit à un autre ». Soit. C'est en partant donc d'Emergence que des pôles régionaux de compétitivité sont en train de se constituer. La dynamique économique doit profiter à tout le monde. Dans l'Oriental, MedZ, filiale de la CDG, est en train de placer le projet de Selouane. Un technopark dans la région sera dédié à l'offshoring. Fadesa aurait déjà émis son intention d'y développer certains de ses services. Dans les régions du Gharb et de la Chaouia, des appels d'offres vont être, incessamment, lancés pour définir les contours des pôles à développer. A Fès et Meknès, les autorités ont acquis un terrain pour y consacrer un parc « offshoring ». L'étude technique a été réalisée par MedZ, qui devra se charger aussi de la gestion et de la commercialisation. Dans la ville de Sefrou, une zone sera dédiée à la filière du cuir. Un parc industriel spécialisé sera créé à cet effet. «Il devra permettre de mutualiser un certain nombre d'infrastructures. Des conventions avec les tanneurs, les maroquiniers et les chausseurs ont été conclues», avance le responsable du ministère du Commerce et de l'Industrie. A Agadir, la création d'un pôle dédié au secteur de la pêche est sur la bonne voie. Le Crédit Agricole, la Région, MedZ et Igrane vont constituer une société pour réaliser le projet. Une étude de positionnement stratégique est en cours d'étude. Et parallèlement, les responsables du projet apurent le foncier. Le cabinet Valyans étudierait l'aptitude des terrains pour répondre aux attentes et identifier les niches à fort potentiel. Dans la région du Sud, à Laâyoune et Dakhla particulièrement, les pouvoirs publics veulent éviter une « cannibalisation » entre pôles. « Nous essayons de voir comment procéder pour assurer une complémentarité », ajoute notre source. A Mohammedia, un pôle électronique devrait voir le jour. Ce sont autant de projets (la liste n'étant pas exhaustive) qui dressent les tendances du futur. Elles permettent aux investisseurs de disposer d'une visibilité sur ce qu'ils devraient faire. Quitte évidemment à ce que les conditions soient favorables. Le foncier, bête noire des acteurs locaux Pour cela, chaque région sort son artillerie pour défendre son pain. Chacune essaie de séduire les investisseurs, en développant des arguments divers, parfois même en se comparant aux autres ou en accordant trop de concessions. Dans le Gharb par exemple, on n'hésite pas à évoquer une main d'œuvre bon marché comparativement à une ville comme Casablanca. Au niveau de Tadla, on annonce que pour certaines filières agricoles, l'investisseur peut s'approvisionner sur une période beaucoup plus étalée que dans d'autres régions, et ce, en raison de la variété géographique de la région. Le coût des sites industriels est aussi mis sur la balance. Par exemple, les prix des zones industrielles dans la région d'Agadir varient de 65 DH le m2 à 428 DH (zone de Tassila). Dans le Gharb, les prix pour l'acquisition de certains terrains se situent en moyenne entre 120 et 150 DH le m2. A Tadla-Azilal, les prix des lots de la zone industrielle de Beni Mellal évoluent entre 120 et 140 DH le m2. A Fès, les prix des lots dans la dernière zone de Aïn Chkef étaient fixés à 245 DH le m2. Mais là où beaucoup de régions se rejoignent, c'est sur le plan foncier. Les réserves font gravement défaut ou leur nature n'est pas adéquate. «Le manque de qualification des sites demandés, particulièrement au niveau de l'assainissement, et le coût élevé du branchement électrique dans les zones industrielles, avec des insuffisances au niveau de la voierie et de l'éclairage, défavorisent la région en termes d'attractivité », confie Jamal Attari, directeur du CRI de Kénitra. Prenant conscience de ce handicap, qui risque de compromettre le développement économique d'une région, chacun fait avec les moyens du bord. A Tadla ou à Settat par exemple, la diversité et la complexité des terres a conduit la région à recenser ses réserves afin de les mettre à disposition des investisseurs. Bref, à travers l'analyse du positionnement des régions, on remarque aisément la disparité qui existe entre elles. Un déséquilibre est encore perceptible. Peut-il être rétabli ? Et si oui, de quelle manière ? Selon le responsable de l'USAID, il est possible de l'atteindre «d'une part, comme le montre les enquêtes régionales, en répliquant les modèles des meilleures régions identifiées, d'autre part, en valorisant les spécificités régionales de chaque région et en les faisant connaître. Les stratégies nationales de développement sectoriel (Plan Emergence, Plan Azur) doivent en tenir compte. La volonté politique régionale, traduite dans une stratégie de développement formalisée (comme à Agadir avec l'étude McKinsey, par exemple) qui implique l'ensemble des acteurs économiques, politiques et institutionnels, est une condition sine qua non du succès. Enfin, un effort est nécessaire pour rapprocher l'offre et la demande en matière de main-d'oeuvre : les institutions académiques, les organismes de formation doivent se rapprocher du secteur privé». Finalement, si une région veut cartonner, il faudra que les hautes instances lui accordent un intérêt, mais aussi que ses acteurs locaux se mobilisent pour la faire émerger. Les zones attractives La Banque Mondiale a choisi de mener des projets-pilotes dans trois régions. •Agadir : E-Business Ce pilote se base sur les nombreux efforts entrepris par les acteurs économiques de la région du Souss-Massa-Drâa pour le développement de l'entreprise et du commerce. Avec la modernisation du Registre du Commerce (en ligne), et l'existence d'une base de données centrale, de nombreux problèmes pourront être résolus. Les banques obtiendront l'accès, en temps réel, à l'information relative aux nantissements qui sont actuellement enregistrés au niveau des registres locaux… •MEKNES-TAFILALET : pour un investissement durable Nombreux sont les fonds d'investissement disponibles pour la valorisation des ressources naturelles mondiales ; reste à attirer l'attention sur les opportunités qu'offrent le Maroc et ses régions. Valoriser les ressources naturelles disponibles, à travers la promotion de l'investissement durable, tel est l'objectif de la région de Meknès-Tafilalet qui prévoit, avec l'appui du Programme, de développer une stratégie de promotion d'investissement au service du développement durable. •ORIENTAL : « Fully connected» En s'inscrivant dans l'actuelle stratégie de l'Agence pour la promotion et le développement de l'Oriental, en étendant l'usage des technologies de l'information dans la région, le Programme collabore à la mise en œuvre du portail « e-regulations ». Ce dernier permettra la mise en ligne et donc l'accès facile pour un investisseur ou opérateur économique à toute information relative aux procédures administratives liées à l'investissement.