Si le confinement amorcé le 20 mars dernier et prorogé jusqu'au 20 mai courant s'est avéré salvateur pour faire front contre l'épidémie de Covid-19, le revers de la médaille est tout autre sur le plan économique. Le Covid-19 a porté un coup dur au secteur comme en atteste la croissance nationale qui a été amputée de 8,9 points au deuxième trimestre 2020 par rapport à son évolution d'avant crise, selon le Haut-Commissariat au Plan. Si le «déconfinement» économique semble tout proche, seuls certains secteurs prioritaires pourraient permettre, dans un premier temps, d'amorcer la reprise. Quels sont-ils ? Hassan Chouaouta, expert en développement stratégique et durable, nous livre ses réponses. Alors que le Royaume est toujours en phase de confinement et planche activement à la relance des différents secteurs d'activité, la situation sanitaire qui semblait être maîtrisée devient préoccupante. On recense ces derniers jours une recrudescence des cas de Covid-19, imputables à un certain relâchement de la population durant le mois de Ramadan. Une nouvelle donne inquiétante qui pourrait conduire le gouvernement à serrer la vis avec un renforcement des mesures sanitaires. «Le déconfinement graduel et ciblé ne peut être envisagé que si les indicateurs liés à la pandémie sont encourageants», nous explique Hassan Chouaouta, auteur d'une «Feuille de route pour le déconfinement». Et cet expert en développement stratégique et durable d'ajouter : «la non-disponibilité d'un vaccin implique que le virus sera toujours parmi nous dans les prochains mois, ce qui présente un risque majeur pour la population». Les exemples récents de pays ayant levé leur confinement pour réamorcer la mise en route de leur économie ne manquent pas. L'Allemagne qui faisait figure de bon élève en Europe pour sa gestion de la crise a vu, depuis son déconfinement récent, une progression inquiétante de nouvelles infections. Toujours est-il que le gouvernement est prévenu : «la reprise économique mérite d'être pensée et ses axes de résistance ou de secours doivent être bien identifiés», dixit M. Chouaouta. Lire aussi : Le CVE veut créer un méga-fonds d'investissement pour préparer les entreprises au post-Covid 19 Des secteurs économiques prioritaires Quels sont les secteurs prioritaires à cibler pour réussir cette relance ? De l'avis de plusieurs économistes, il ne faudrait en négliger aucun sachant que la machine doit repartir au plus vite. Mais reste l'écueil, et on y revient, du volet de la sécurité sanitaire ou manifestement certains secteurs auront plus de facilités à redémarrer quand pour d'autres, la mise en place d'un cordon sanitaire strict à destination du personnel sera beaucoup plus complexe à mettre en œuvre. Et les exemples sont légion ; en effet récemment, et bien avant la reprise attendue, parmi les 1 020 salariés que compte un opérateur national spécialisé dans la fabrication de chaussures destinées à l'export, environ 450 cas positifs au Covid-19 ont été recensés. De l'avis d'Hassan Chouaouta, la priorité doit être donnée dans un premier temps aux secteurs vitaux dont la santé touche directement à l'activité économique marocaine. Ainsi, celui de l'agriculture qui représente plus d'un tiers des actifs, du bâtiment, de la pêche, du transport régional de marchandises et de certaines activités industrielles et commerciales se prêtent plus facilement à un redémarrage, du fait notamment que parmi ces opérateurs, certains ne travaillent pas forcément dans un espace confiné. Auxquels cas, les mesures sanitaires de précautions et les gestes barrières seraient plus faciles à mettre sur pied. Parallèlement, la création d'équipes réduites de collaborateurs au sein d'une même entreprise et pour lesquels des plages horaires de travail pourraient être planifiées permettrait là aussi de diminuer les risques d'infection du virus. «Les autorités locales et le ministère de la Santé auront un rôle déterminant à jouer pour le suivi du risque épidémique», renchérit Hassan Chouaouta. «Pour les secteurs et activités objet de déconfinement, les employeurs doivent mettre en place les moyens de protection aux travailleurs : masques, respect des distances de sécurité et des mesures d'hygiène», ajoute-t-il. Et de conclure sur ce volet : «avec cette reprise, le nombre de masques à mettre sur le marché national devrait passer de 7 à 9 millions par jour, en supposant qu'une partie des Marocains utilisera un masque une fois tous les deux jours». Une logistique très précise Les prochaines étapes devant suivre la première phase du «déconfinement» annoncé ses jours prochains, devraient faire l'objet d'une planification bien précise, à parcourir la feuille de route de l'expert. En effet, certaines professions très exposées compte tenu de la difficulté d'un cordon sanitaire à mettre en place (cafés, restauration, bains maures, événementiels…), verront leur activité démarrer plus tardivement. Par ailleurs, la reprise ne sera pas sans conséquence sur les habitudes quotidiennes de tout un chacun, comme le souligne Hassan Chouaouta. C'est le cas du transport de personnes. «La levée du confinement de quelques secteurs ou activités engendra inévitablement une hausse de l'usage des transports en commun ; encore faut-il, là aussi, maîtriser les risques», met en exergue l'expert. Et ce dernier d'avancer plusieurs solutions comme celles consistant à se déplacer par ses propres moyens afin de laisser la priorité aux personnes qui ont le plus besoin des transports en commun. Précisément, les mesures préventives dans ce secteur pourraient occasionner une mise à disposition plus large de la part des opérateurs d'une flotte de véhicules, notamment sur les lignes les plus fréquentées. Toujours selon M. Chouaouta, si les conditions sanitaires s'améliorent au-delà du mois de juillet prochain, l'Etat pourrait desserrer l'étau sanitaire permettant l'ouverture d'un plus grand nombre d'activités industrielles et commerciales avec quelques exceptions. Force est de constater que cette reprise de l'activité tant attendue devra être conditionnée à un engagement volontaire et respectueux de la part de tout chacun pour en assurer le plein succès.