Dans le domaine bancaire, les ordres des clients ne sont pas toujours formulés par écrit. Parfois, les banques se contentent, pour des raisons de célérité et de contrainte réglementaire, d'ordres verbaux. Et pour se prémunir dans de tels cas contre les risques de contestation ultérieure de la part de leurs clients, elles enregistrent les conversations téléphoniques qui ne sont pas sans soulever des inquiétudes en relation avec la protection de la vie privée des clients. Les conventions de comptes-types (à vue, à terme et titres) que les banques utilisent depuis le 20 septembre de cette année, en application d'une circulaire BAM homologuée par le ministre de l'Economie et des Finances récemment publiée, traitent d'une question très sensible, à savoir l'enregistrement des conversations téléphoniques entre les banques et leurs clients. Selon une disposition qu'on retrouve dans toutes les conventions de comptes-types, le «client autorise expressément la banque, en cas de besoin, à procéder à l'enregistrement de ses entretiens téléphoniques avec la banque » et ce, dans le but de «garantir la bonne qualité de services ». Il ressort donc que l'autorisation n'est pas ponctuelle, puisqu'elle n'est pas limitée à certaines opérations bien précises comme par exemple la passation d'ordres de bourse ou le paiement de chèques non approvisionnés. Dans ces conditions, la banque aura les mains libres pour enregistrer les communications téléphoniques avec ses clients, chaque fois qu'elle estime qu'il y a un besoin et que l'enregistrement est de nature à améliorer la qualité des services. En plus de cette disposition de portée générale, les conventions de comptes-types comportent d'autres dispositions plus précises à ce sujet. Ainsi, il est prévu que les opérations effectuées sur le compte peuvent intervenir sur la base d'appels téléphoniques enregistrés. Les enregistrements téléphoniques ainsi que ceux opérés par tout moyen électronique, constituent même «une preuve suffisante des opérations effectuées et le motif du prélèvement des frais et commissions sur le solde du compte ». De par la nature des opérations enregistrées par le compte de titres, la convention-type s'y rapportant est plus explicite dans la mesure où elle prévoit que les «ordres peuvent être donnés par tout moyen qui convient au client et la banque notamment par fax, courrier électronique ou conversation téléphonique enregistrée ». Là, on voit que l'enregistrement téléphonique porte sur une opération bien précise, à savoir la passation d'ordres de bourse. Lire aussi : Clôture de compte : les règles sont mieux définies Il y a fort à parier que l'enregistrement systématique des conversations téléphoniques a de faibles chances d'être accepté par la Justice, compte tenu de son caractère attentatoire à la vie privée des personnes physiques. La question qui s'impose est celle de savoir si ces dispositions ne risquent pas de se heurter à deux écueils majeurs, celui de la justice et celui de l'autorité chargée de la protection des données personnelles, à savoir la CNDP. Certes, l'enregistrement téléphonique de conversations se rapportant aux opérations ponctuelles ne risque pas de soulever des difficultés compte tenu de la nature des opérations bancaires dont l'exécution exige de la célérité. Il est dans l'intérêt du client qu'une telle possibilité lui soit ouverte. Toutefois, l'enregistrement des conversations téléphoniques d'une manière systématique, c'est-à-dire chaque fois que la banque en ressent le besoin, risque fort d'être censuré par le juge qui pourrait y voir une grave atteinte à la vie personnelle du client. La Cour de cassation française avait estimé dans une décision rendue en 2014, que la banque ne peut pas enregistrer n'importe quelle conversation avec son client, même si la convention de compte signée entre eux autorise les enregistrements téléphoniques. L'enregistrement téléphonique, précise la Cour, ne peut porter que sur des sujets biens précis expressément prévus par la convention de compte. Le juge marocain adoptera-t-il un tel raisonnement ? Attendons de voir sa position dans des affaires qui ne manqueraient pas d'arriver à son niveau.