Voilà un mode d'imposition largement décrié par les acteurs économiques lors des dernières Assises nationales sur la fiscalité, après avoir été paradoxalement renforcé par la Loi de finances pour l'année 2019. Ce mode d'imposition est, pour le moins, en contradiction avec la lettre et l'esprit de l'article 39 de la Constitution qui consacre le principe d'équité fiscale. Il révèle surtout l'«incapacité structurelle » du contrôle fiscal exercé par l'administration fiscale, pour faire face à la fraude fiscale. En effet, la cotisation minimale (CM) ou « minimum d'imposition », est due même en l'absence de bénéfice. En fait, c'est un indicateur des limites concrètes que rencontre le système fiscal, en termes d'efficacité et d'efficience. La loi de finances (LF) de l'année 2019 a même prévu une hausse du «taux normal» de cette CM, pour le faire passer de 0,5% à 0,75%. Depuis l'instauration de l'IS, en 1986, la CM n'a pas cessé de connaître des changements. A l'origine, la base de la CM comprenait le chiffre d'affaires (CA) et les autres produits d'exploitations, les produits financiers, les subventions, produits et dons reçus de l'Etat, des collectivités territoriales et des tiers, ainsi que les produits non courants, y compris la TVA. Aujourd'hui, la base de calcul de la CM est la même, mais hors TVA. La CM est un « minimum d'imposition» que les contribuables soumis à l'IS ou à l'IR (Régime net réel-RNR ou régime net simplifié-RNS), sont tenus de verser, même en l'absence de bénéfice. En effet, le montant de l'impôt ne peut être inférieur pour chaque exercice, quel que soit le résultat fiscal, à une CM. Néanmoins, il y a lieu de rappeler que cette CM n'est pas due, pour les entreprises assujetties à l'IS, pendant les 36 premiers mois suivant la date d'exploitation ou pendant les 60 mois suivant la date de constitution, en cas d'absence d'activité. De même, pour les contribuables relevant de l'IR (RNR ou RNS), la durée d'exonération de la CM est de trois ans, suivant la date du début d'exercice de l'activité professionnelle et/ou agricole. En cas de déclaration de cessation temporaire d'activité, le paiement de la CM est aussi suspendu (LF 2016). La LF, pour l'année 2019, a introduit deux modifications principales concernant le taux de la CM, en matière d'IS et en matière d'IR (RNR et RNS). En effet, le taux dit normal passe de 0,5% à 0,75%. La base de calcul ne change pas. L'argument cité dans la note circulaire de la DGI pour justifier cette hausse du taux de la CM est celui de la lutte « contre la pratique constatée de déclaration de déficits chroniques ». Lire aussi : Parafiscalité : un lieu non visité par les Assises de la fiscalité Voilà un aveu explicite d'impuissance du fisc dans l'exercice du contrôle fiscal face à la fraude fiscale. Or, le déficit peut très bien être justifié lorsqu'il s'agit de début d'activité lié nécessairement à des investissements lourds en immobilisations et donc en amortissements. C'est d'ailleurs pour cela qu'a été prévue l'exonération de la CM en début d'activité. Mais le déficit peut à nouveau survenir dans la vie de l'entreprise en cas de nouveaux investissements ou d'extension. Là, la CM pourra avoir un effet négatif et être perçue comme un obstacle au dynamisme des entreprises. A noter par ailleurs, que la disposition fiscale récemment introduite et obligeant les entreprises déficitaires à justifier leur résultat déficitaire n'a pas donné un grand effet. En réalité, la force du contrôle fiscal réside surtout dans la qualité du ciblage, en segmentant les entreprises par secteur d'activité et par cycle de vie. Là, les radars devraient permettre de mieux cerner les risques et d'agir en conséquence, avec beaucoup plus de pertinence. Le taux de la CM est applicable aux CA et autres produits d'exploitation, comme indiqué au début de ce papier, réalisés par les sociétés assujetties à l'IS et aux contribuables soumis à l'IR (RNR et RNS), pour les exercices déficitaires ou dégageant un IS ou un IR inférieur à la dite CM, au-delà de la période d'exonération. La deuxième modification du taux de la CM concerne spécifiquement la vente des médicaments. En effet, pour cette activité, le taux de la CM a été réduit de 0,5% à 0,25%. Ainsi, la vente des médicaments rejoint d'autres secteurs auparavant assujettis au taux réduits de 0,25%, en matière de CM. Il s'agit, pour rappel, de la vente des produits pétroliers, du gaz, du beurre, l'huile, le sucre, la farine, l'eau et l'électricité. Un parfum de la caisse de compensation flotte autour de ces activités, dont certaines ont connu une décompensation des prix. Lire aussi : Fiscalité : vers un «ATD plus intelligent et soft» Par contre, le taux élevé de CM de 6%, concernant les prestataires de services, en particulier les professions libérales, en matière d'IR, n'a pas connu de changement. De même le « minimum de la CM » n'a pas été touché. En effet, en cas d'absence de chiffre d'affaires et de tout autre produit imposable servant de base de calcul de la CM, le montant de cette cotisation ne peut pas être inférieur à 3.000 dirhams, en matière d'IS, et 1.500 dirhams, en matière d'IR. De même, en matière d'IR sur les profits fonciers, la LF de l'année 2019 a institué, pour les particuliers, une CM au taux de 3%, en cas de cession d'un immeuble ou partie d'immeuble, occupé à titre d'habitation principale, pendant une durée supérieure à 6 ans, et dont le profit est exonéré. Ce minimum ou CM est calculé au taux de 3%, au titre de la fraction de prix de cession excédant le montant de 4 millions de dirhams. Prix de cession déclaré ou prix de cession révisé ? Voici une nouvelle zone de risque créée pour une catégorie de contribuables auparavant totalement exonérée au titre les cessions d'immeubles ayant été affectés à l'habitation principale par leurs propriétaires ou par les membres des sociétés à objet immobilier réputées fiscalement transparentes, pendant une durée minimale et continue de 6 ans.