Aziz Rabbah, le jeune ministre PJDiste en charge du département de l'Equipement et du Transport, est ambitieux et optimiste quant à la concrétisation, lors de son mandat, de nombre de mégas projets et de réformes. Il ne manque pas par ailleurs, de communiquer ici et là sa «positive attitude». Il croit en le potentiel du pays, en ses capacités à réaliser les grands chantiers dans lesquels il veut lancer son département. Peu importe s'ils sont nombreux ou coûteux, de toutes les manières, pour lui, les projets sont «vendables». Et l'Etat ne devrait plus débourser, seul, autant d'argent pour réaliser des projets nécessitant beaucoup de moyens... et d'audace. Grand tour d'horizon sur ce qui est en train de se préparer dans les secteurs routier/autoroutier, ferroviaire, aérien, maritime... TRANSPORT ROUTIER Challenge. Malgré les différentes mesures, les accidents de la route se multiplient. Beaucoup pointent du doigt votre département (manque de contrôle, mauvais état des routes...). Quelle est votre responsabilité réelle ? Aziz Rabbah. Je considère que nous sommes tous responsables, y compris notre département. Le fléau existe. L'ancien gouvernement avait déjà lancé la réforme du transport. Il a réussi sur certains volets. Mais nous avions besoin de temps et d'audace pour nous consacrer à de nouvelles choses. Nous avons mis en place un processus radical pour ce secteur qui est très complexe (transport touristique, de personnel, scolaire, ...). Cela demande du temps pour obtenir des résultats et pour pouvoir se concerter avec tout le monde. Nous avons donc essayé, au lieu de nous attaquer à tous les chantiers, de les segmenter en prenant progressivement des décisions : libéralisation du marché des auto-écoles, libéralisation du secteur du personnel, transport rural...En ce moment, nous nous penchons sur le volet du transport interurbain. Principalement, il se fait par autocars et grands taxis. Nous sommes en train de préparer des cahiers des charges pour développer un nouveau mode de transport. Il s'agit aussi d'amender le code de la route... Challenge. Où en êtes-vous aujourd'hui ? A.R. Tous les partenaires (administrations, professionnels, société civile, groupes parlementaires,...) ont été saisis par le ministère pour lui faire parvenir leurs propositions motivées de modifications et d'amendements de certaines dispositions du code de la route, notamment celles qui engendrent des tensions sociales au sein du milieu professionnel. Ces propositions concernent certaines mesures ayant trait à la définition de la responsabilité en cas d'accident, aux comités d'enquêtes techniques et administratives des accidents mortels, aux sanctions privatives de liberté, à la rétention du permis de conduire et, en cas d'accident notamment pour les professionnels, à la révision à la baisse des montants des amendes ainsi qu'à la durée d'attente de quatre ans pour la présentation du dossier d'extension aux catégories « C » et « D » du permis de conduire. Ces propositions sont prêtes. Une discussion est engagée dans le but d'aboutir à une formulation concertée des amendements qui devraient être approuvés avant la fin de l'année. Et il y a également l'aspect sécurité qui fait intervenir, aussi, plusieurs intervenants et qui n'est pas négligeable. On ne peut pas, non plus, séparer l'aspect sécurité de la réforme. Il faut parallèlement mettre en place les organes nécessaires. C'est dans ce cadre que nous nous penchons sur la création d'une agence de régulation du transport. C. Concernant le dernier accident survenu à Tichka, vous avez retiré l'agrément au propriétaire de l'autocar. A chaque fois qu'il y aura des morts, en déciderez-vous ainsi ? A.R. Concernant cet accident, le niveau de responsabilité se situe à trois niveaux : du chauffeur qui a accepté une surcharge, du propriétaire car il n'a pas respecté les normes techniques et les exigences du contrôle. D'ailleurs, le contrôleur a été suspendu de ses fonctions en attendant les résultats définitifs de l'enquête. Et si nous avons retiré l'agrément du propriétaire, c'est qu'il était fautif. C. Que prévoyez-vous d'autre pour la sécurité routière ? A.R. Concernant le contrôle routier, le ministère a mis à la disposition des corps de contrôle (GR, DGSN) au titre des années 2010 et 2011 un montant de plus de 150 MDH pour l'acquisition des équipements de contrôle, notamment les radars portatifs, les radars patrouilles, les éthylomètres portables, les éthylotests, les testeurs de pneus, les régloscopes, les sonomètres, les analyseurs de gaz pour moto, les opacimètres + analyseurs de gaz, les speedomètres pour les motocycles. Au titre des années 2012 et 2013, le ministère déléguera 230 MDH au profit des corps de contrôle pour l'acquisition du complément d'équipements de contrôle. C. Mais quelle est l'utilité d'acheter autant d'articles technologiques s'ils ne sont pas utilisés ? A.R. Concernant les éthylotests, ils sont déjà utilisés et le seront davantage. Toutes les technologies et les outils qui garantissent la sécurité du transport seront utilisées. Nous étudions aussi la possibilité d'utiliser des GPS pour contrôler le trafic. Nous sommes contraints de mettre en place tout cela pour assurer le maximum de sécurité. Des mesures d'urgence ont été prises aussi pour le contrôle systématique des autocars de transport public de voyageurs au niveau de la gare routière, sur les axes routiers ou en entreprises. Nous voulons aussi aller plus loin. Les voyageurs doivent nous aider. C. Vous les incitez à dénoncer les dépassements qu'ils aperçoivent ? A.R. Nous avons besoin de créer des associations d'usagers des transports. Nous lançons deux projets, l'un concerne un numéro vert et l'autre un centre d'appel. C. Et concernant les radars fixes ? A.R. Le ministère lance un appel d'offres pour la concession -dans le cadre d'une gestion déléguée- à un privé la fourniture pour l'installation et l'exploitation de 970 radars fixes, 120 équipements de contrôle de franchissement de feux rouges et 10 radars tronçon pour le calcul de la vitesse moyenne ainsi que le traitement des infractions constatées par ces équipements. C. Cela concernera quels tronçons ? A.R. Tout le réseau autoroutier sera concerné dans un premier temps et les routes nationales. Si les résultats sont probants, nous passerons à la généralisation. C. Toutes les amendes seront donc récupérées par ce privé ? A.R. Nous sommes en train de préparer les termes de référence et le cahier des charges mais le concessionnaire devrait encaisser une partie des contraventions. Le lancement est en fait imminent. C. Et qu'en est-il de la formation des conducteurs ? A.R. Concernant la formation des conducteurs et l'amélioration de l'examen du permis de conduire, elles se concrétisent à travers la généralisation de l'examen individuel sur écran tactile, l'introduction de la saisie en ligne des dossiers des candidats à l'examen du permis de conduire … C. La mécanique devra-t-elle être introduite dans l'examen de permis de conduire ? A.R. Ce n'est pas tranché, mais j'estime personnellement qu'il est nécessaire d'avoir un minimum de connaissance. Mais dans l'immédiat, ce volet ne devrait pas intégrer l'examen en vigueur. C. Et les auto-écoles, quelles nouvelles règles devront-elles respecter ? A.R. La professionnalisation du secteur de l'enseignement de la conduite passe entre autres par l'ouverture et l'exploitation des établissements d'enseignement de la conduite qui introduit une durée minimum de la formation théorique et pratique avant le dépôt du dossier pour l'examen, ainsi que l'introduction de la vidéosurveillance et du GPS au niveau des véhicules d'examen pour le suivi de l'examen pratique. C. Que prévoit le contrat-programme avec la profession ? A.R. La signature, incessamment, du document complétera les mesures précédentes dans le processus de mise à niveau de ce secteur. C. De quelles nouvelles questions s'agira-t-il ? A.R. Nous allons par exemple ajouter des questions sur la sécurité routière, mais nous prévoyons au préalable des séances de formation/sensibilisation concernant ce sujet. C. A propos du transport des voyageurs, vous n'avez pas encore pris de grande décision pour le réformer. Pourquoi ? A.R. Depuis le mois de janvier 2012, le ministère a ouvert le chantier de l'investissement et de la concurrence dans le secteur des transports routiers en commun de personnes afin d'améliorer la qualité et le niveau de sécurité dans ces transports. Et dans ce cadre, nous avons mis en place les cahiers des charges relatifs au transport touristique, au transport scolaire, au transport du personnel pour compte d'autrui, au transport en milieu rural, à l'ouverture et l'exploitation des établissements de l'enseignement de la conduite et les établissements d'éducation à la sécurité routière, ainsi que l'ouverture d'un centre de formation à la conduite professionnelle. Pour ce qui est de la réforme proprement dite du secteur des transports publics de voyageurs, nous avons élaboré un projet de loi en concertation avec l'ensemble des intervenants. Ce projet, en cours de finalisation, consacre les principes de la concurrence, de l'égalité et du professionnalisme dans le secteur. C. Et plus concrètement, qu'est-ce qui devra changer ? A.R. Le secteur doit être géré avec une logique d'investissement. La qualité, la sécurité... doivent primer. L'aspect social, quant à lui, doit être pris en compte par les caisses sociales. Nous préparons des cahiers des charges que les anciens mais aussi nouveaux professionnels du secteur doivent respecter. Pour les premiers, il leur sera accordé un délai de grâce qui est en cours de négociation. Les autorisations d'exploitation seront accordées alors sur la base de l'investissement. Pour les nouvelles lignes, nous allons procéder via des appels d'offres et nous tâcherons d'éviter les monopoles pour qu'un propriétaire de pôle de ligne n'ait pas à exploiter plusieurs tronçons. C. Un contrat-programme entre l'Etat et le privé avait été signé pour développer le secteur de la logistique. Mais les décrets ont tardé et la mise en application a été décalée. Comment comptez-vous vous y prendre pour rattraper ce retard ? A.R. Depuis la signature du contrat programme entre l'Etat et le secteur privé en avril 2010, de nombreuses réalisations ont été concrétisées, à savoir la mobilisation d'environ 1000 ha d'assiette foncière dans la région du Grand Casablanca, la conclusion du contrat d'application relatif à la mise à niveau des acteurs du transport routier de marchandises, ainsi que la publication au Bulletin Officiel de la loi portant création de l'Agence Marocaine de Développement de la Logistique et de son décret d'application. C. Mais la nomination de son management bloque encore ? A.R. Ça va venir. Cela dépendait de la liste des responsables des hautes fonctions stratégiques qui doit être approuvée par Sa Majesté le Roi. La mise en œuvre de la stratégie s'est aussi matérialisée par la réalisation des premières tranches des zones logistiques au niveau de Zenata et de Mita, ainsi que le lancement des travaux de la route, dont une partie est gagnée sur la mer, pour relier le port de Casablanca à la zone logistique de Zenata. A ce jour, environ 2.4 Milliards de dirhams ont été mobilisés pour concrétiser ces projets. Par ailleurs, le Maroc a amélioré son rang mondial dans le classement établi par la Banque Mondiale en obtenant le 50ème rang mondial en 2012 sur la base de l'indicateur de performance logistique (LPI) au lieu du 94ème rang en 2007, soit 44 places gagnées en cinq ans. Ces résultats nous incitent à donner une réelle impulsion en vue d'une mise en œuvre optimale de la stratégie. Une feuille de route des actions prioritaires à engager a été définie et nous avons mis en place une task-force multidisciplinaire au sein du Ministère en vue d'en accélérer les réalisations. CARRIERES C. A quand la publication de la liste des propriétaires des carrières ? Pourquoi avoir tardé à le faire ? A.R. Le Ministère de l'Equipement et du Transport a procédé depuis le mois de mars 2012, par le biais des directions territoriales, à une opération de grande envergure visant le recensement exhaustif de toutes les carrières. Ce qui a permis d'arrêter la liste de ces carrières au niveau de toutes les régions du Royaume. Cette liste subit actuellement une opération de contrôle et de vérification au niveau des services centraux du ministère dans un souci de fiabilité de données y afférentes, avant toute opération de publication qui peut avoir lieu probablement avant début 2013. C. Quels sont vos projets pour ce secteur ? A.R. Autant ce secteur présente une importance capitale pour le développement socio-économique de notre pays, autant il est nécessaire qu'il dispose d'un cadre juridique adapté permettant de concilier entre les besoins de promotion des investissements dans ce secteur et les impératifs de la protection de l'environnement. A ce titre, le Ministère a élaboré un projet de loi en concertation avec les professionnels et les départements concernés. Le projet de loi en question, qui est en cours de finalisation, sera mis dans le circuit d'approbation incessamment. AERIEN C. Certains observateurs jugent mitigé le bilan de l'open sky. Le précédent ministre du Transport y voyait un «succès». Et vous, quel bilan en faites-vous ? A.R. L'impact positif de l'open sky sur l'économie marocaine en général et sur le secteur du tourisme est indéniable, compte tenu du développement important qu'a connu la desserte aérienne internationale. Malgré les dernières difficultés, la desserte aérienne du pays est deux fois plus importante qu'avant la libéralisation. La croissance nette depuis 2003 correspond à près de 40 avions supplémentaires dédiés au Maroc, soit une fois la taille de Royal Air Maroc à l'époque. Outre son impact bénéfique pour le tourisme, l'open sky a également permis, grâce à la concurrence introduite de démocratiser le transport aérien international au profit des marocains résidant au Maroc et à l'étranger avec un nombre nettement plus important de destinations. C. L'expérience des Marocains dans des compagnies low-cost (Jet4you, Air Arabia Maroc, Atlas Blue) a capoté. A quoi l'imputez-vous ? Ne faut-il plus espérer de voir d'autres opérateurs se lancer dans ce genre de projets ? A.R. Je voudrais d'abord préciser que la compagnie low cost marocaine Air Arabia Maroc, dont j'ai rencontré les dirigeants récemment, poursuit son expansion et on est loin de parler d'échec. Quant à la fin d'Atlas-Blue, les experts du secteur affirment tous qu'on est low cost ou on ne l'est pas, et en général l'ensemble des compagnies traditionnelles comme RAM qui se sont mises au low cost n'y ont pas réussi. Pour ce qui est de Jet4you, il s'agit d'une restructuration interne du pôle aérien du groupe TUI et les avions qui desservaient le Maroc le font toujours sous les couleurs de Jetairfly moyennant une baisse de l'offre, compte tenu de l'évolution défavorable de la demande. Il est certain qu'un marché low cost significatif existe au Maroc autour des déplacements des MRE, des Marocains vers l'étranger et des touristes non clients des tour-opérateurs. Ce n'est pas un marché facile, compte tenu de la concurrence intense d'opérateurs low cost leaders en Europe, mais dans un contexte de reprise de la demande, il n'est pas exclu de voir ce segment reprendre sa croissance, notamment à travers les opérateurs nationaux. Ch. Plusieurs compagnies low-cost suppriment des dessertes sur le Maroc. Cela ne vous inquiète-t-il pas, au moment où le Maroc a besoin d'augmenter sa capacité aérienne pour drainer plus de touristes ? A.R. Les dernières suppressions de lignes, notamment par certains opérateurs low cost, font suite à la crise aiguë que vivent les principaux marchés émetteurs, l'Europe, représentant près de 80% de notre trafic aérien international, ne reflètent pas la tendance générale, car d'autres opérateurs annoncent des ouvertures de routes entre-temps. Ceci dit, il s'agit d'enjeux financiers importants pour les compagnies aériennes et il n'est pas logique d'envisager un maintien de l'offre aérienne en l'absence de perspectives positives pour la demande touristique à court terme. L'Europe est toujours en crise et certains pays, comme l'Espagne, ont atteint des niveaux record de chômage. Cela se répercute directement sur les habitudes de consommation en général, et le budget réservé aux voyages en premier. Notre défi est de passer ce cap difficile et nous intensifions à cet effet nos efforts de promotion, en coordination avec le ministère du Tourisme. C. Pour justifier leurs décisions, ces compagnies évoquent les taxes sensiblement élevées de l'ONDA, comparativement à d'autres destinations concurrentes au Maroc. Qu'en pensez-vous ? A.R. Une grande partie des suppressions de lignes a concerné les aéroports de province tels que Marrakech, Fès ou Agadir. En général, grâce au dispositif incitatif mis en place ces dernières années, nos destinations touristiques sont très compétitives en termes de taxes aéroportuaires. En vue d'accompagner ces destinations en cette période de crise, nous avons veillé à introduire de nouvelles incitations cette année, comprenant notamment la suppression de la taxe d'équipement aéroportuaire et à réduire significativement la taxe passagers. De ce fait, les affirmations selon lesquelles les coûts aéroportuaires au Maroc ont augmenté et sont à l'origine des suppressions de lignes aériennes sont sans fondement et ne sont que des prétextes pour justifier des décisions prises, compte tenu de la crise. C. Les compagnies aériennes nationales, dans le monde, fusionnent ou ouvrent leur capital. Il était question de privatiser la RAM. Où en est ce projet ? A.R. La suite normale de la phase de restructuration qu'a connue Royal Air Maroc est la consolidation de la compagnie au sein d'un partenariat stratégique à conclure à moyen terme. Pour les partenaires possibles, nous pourrions entamer fin 2012 début 2013 des négociations. Mais je tiens à préciser que nous ne cherchons pas une simple participation financière. Nous souhaitons travailler avec un allié stratégique qui apportera une valeur ajoutée à la compagnie nationale, qui soit complémentaire en termes de gestion commerciale, de réseau... C. Et qu'en est-il de la part à céder ? A.R. Ce que je peux dire à ce sujet, c'est que l'Etat marocain devra toujours être majoritaire et garder le contrôle. C. Selon les derniers chiffres de Driss Benhima, la compagnie serait en train de remonter la pente. Est-elle «sauvée» pour autant ? A.R. Grâce aux efforts fournis en interne au sein de RAM en termes de rationalisation et d'optimisation et à l'accompagnement de l'Etat notamment, à travers le Fonds Hassan II, sans oublier la conjoncture favorable pour RAM avec la baisse de l'intensité de la concurrence, on peut estimer que la compagnie nationale a franchi un pas important pour dépasser les risques à court terme qui la guettaient. Toutefois, le transport aérien est un secteur où de grands changements peuvent intervenir très rapidement. La RAM devra confirmer le regain de sa compétitivité, indépendamment du contexte, car la concurrence reprendra dès que la conjoncture s'améliore, et il faudra à ce moment là être prêt à l'affronter durablement. FERROVIAIRE C. Il était question que les chemins de fer soient privatisés en accordant notamment des concessions au privé sur des lignes autres que celles extrêmement rentables pour l'ONCF. Ce projet semble être mort-né. L'ONCF gardera-t-il toujours le monopole ? A.R. L'ONCF n'a plus le monopole ferroviaire depuis la promulgation de la loi 52-03 en 2005, qui prévoit l'ouverture du secteur à la concurrence en autorisant l'arrivée de nouveaux opérateurs pour investir dans la réalisation et l'exploitation de nouveaux projets de lignes ferroviaires. C. Mais nous n'avons jamais vu de privé se lancer dans un quelconque projet d'exploitation de ligne ? A.R. Rien n'empêche aujourd'hui un privé de s'y investir. Mais il faut savoir que les projets sont très coûteux. J'ajouterai qu'en vertu de la même loi, l'ONCF deviendra incessamment une société anonyme, dont le capital est détenu à 100% par l'Etat, et qui aura pour mission la gestion et l'exploitation des infrastructures actuelles ou celles en cours de construction, et ce, dans le cadre d'une concession de 50 ans. C. Des rumeurs font état d'une révision de la stratégie commerciale de l'Office. Le confirmez-vous ? Qu'est-ce qui devra changer ? A.R. Qu'il s'agisse du transport des voyageurs ou du fret, l'Office s'appuie sur une stratégie commerciale qui vise à accroître la part du marché du rail d'une manière durable et profitable, tout en lui permettant de se positionner en tant que mode de transport propre, au service de la mobilité de tous. Cette stratégie est la déclinaison de l'office des orientations du gouvernement. Elle traduit ses engagements stipulés dans le contrat-programme Etat/ONCF pour la période 2010-2015 et constitue le fondement du projet d'entreprise Rihane 50, en référence aux performances à réaliser à l'horizon 2015 (50 millions de Voyageurs et 50 millions de tonnes de fret). C. Et sur les tarifs ? A.R. S'agissant du niveau des prix des billets, l'ONCF a opté pour une démarche de simplification, de lisibilité et d'adaptation de ses tarifs à tous les segments de marché (Jeunes, Adultes, Seniors, Familles, Voyages en groupes, Navetteurs...). Cette démarche constitue la première étape d'une refonte du système de tarification de l'office par l'introduction du concept de Yield Management qui permet de tenir compte davantage de la spécificité des attentes de chaque voyageur. C. Où en est le projet du TGV ? A.R. Le projet du TGV marocain se déroule conformément au planning prévisionnel arrêté. Après l'achèvement des études afférentes et le bouclage financier du projet, les travaux de réalisation ont été lancés par Sa Majesté le Roi et ont démarré en septembre 2011. C. Et depuis lors ? A.R. Tous les travaux de génie civil ont été lancés. A quelques exceptions près, je pense que nous respecterons le calendrier initial de son achèvement. C. Comment s'en sort l'ONCF après le différend qu'il a eu avec l'OCP ? A.R. Cette histoire est du passé. Nous sommes engagés aujourd'hui dans une nouvelle dynamique entre les deux offices dans le cadre d'un partenariat win-win. MARITIME C. Que vous inspire l'affaire Tanger-Med/Comarit. Quel est votre avis sur le sujet ? Quel impact cela a-t-il eu sur l'activité ? A.R. L'affaire en question est entre les mains de la justice et, de ce fait, aucun commentaire de ma part n'est opportun. Pour ce qui est de l'impact sur le secteur du transport maritime, la crise actuelle a montré la fragilité du pavillon national. Malgré nos efforts pour sauver Comarit, aucune solution n'a pu aboutir à ce jour. C. Faut-il laisser couler alors la Comarit ? A.R. Absolument pas. Mais n'oubliez pas que la compagnie est privée et non publique. Quoi qu'il en soit, je ne souhaite pas voir nos compagnies mourir (IMTC connaissant aussi des difficultés). Certaines solutions se profilent pour Comarit. Certaines banques ont accepté d'abandonner certaines créances et d'en rééchelonner d'autres. Des sociétés internationales, partenaires des marocains, montrent aussi de l'intérêt pour la compagnie. Nous réfléchissons aussi à élaborer un contrat-programme pour le secteur pour l'accompagner. Nous sommes en phase de démarrage d'une étude importante qui permettra d'établir une nouvelle stratégie du secteur du transport maritime marocain et de promotion du pavillon marocain en vue d'asseoir les bases pour assurer sa compétitivité et son développement futur. C'est un défi que je me lance. ROUTIER & AUTOROUTIER C. Quels sont les projets à venir ? Le calendrier de réalisation ? A.R. Dans le secteur autoroutier, nous nous attelons à réussir la réalisation en cours de 400 km Berrechid – Béni Mellal (172 km), contournement de Rabat (41 km), El Jadida – Safi (140 km), Tit Mellil – Berrechid (31 km) ce qui portera à 1.800 km la longueur du réseau autoroutier en service en 2015 contre 1.416 km actuellement. Nous travaillons également sur les volets du développement futur des autoroutes et des mécanismes de mise en œuvre en privilégiant les partenariats public-privé. En termes de voies express, le programme gouvernemental a fixé un objectif de 1.300 km en 2016, soit 600 km de voies express nouvelles dont 356 km en cours de réalisation ou de lancement (Taza – Hoceima, Oujda – Nador, Tiznit – Bourse des primeurs, pénétrante de Berrechid) ainsi que d'autres sections en cours d'étude. Notre action concerne également la réalisation des études du tunnel de Tichka (Marrakech-Ouarzazate) et la recherche de partenariats potentiels pour sa réalisation. C. Est-ce l'accident qui y est survenu qui vous a poussé à vous y pencher ? A.R. Absolument pas. Ce projet a été lancé par l'ancien gouvernement par une première étude qui a estimé le projet à environ 10 milliards de dirhams pour une distance de 10 km avec toute la complexité du projet. Nous avons préparé un appel à manifestation d'intérêt pour rechercher alors un partenaire. Ce tunnel devra être payant et adossé à un projet comme une ville verte, une ville touristique... Les études devront déterminer les modèles à suivre. C. En évoquant le péage, considérez-vous les tarifs raisonnables, abordables ? A.R. Les citoyens ont droit à un service public de qualité et de sécurité. Plus le niveau de ces dernières augmente, plus ils doivent contribuer financièrement. Ce sont de grandes infrastructures qui ont besoin de moyens, non seulement pour être construites mais aussi pour être entretenues. Il faut qu'il y ait un partage entre l'Etat et les usagers pour financer tout cela. De manière isolée, je dirai que les tarifs sont à des niveaux raisonnables. Pour ce qui est des routes rurales, outre l'achèvement du PNRR2 avec le lancement des dernières opérations en 2013 et son évaluation, le ministère est en train de préparer un troisième programme aux horizons 2030 focalisant davantage sur les zones plus défavorisées, notamment les régions montagneuses et intégrant la composante accessibilité avec la mise à niveau du transport routier rural. La maintenance routière constitue pour nous une préoccupation majeure également, vu la dégradation rapide de l'état du réseau ces dix dernières années. Nous visons un rehaussement du niveau de services du réseau routier à travers un programme de maintenance efficace, mais qui nécessite de mobiliser des fonds supplémentaires de plus d'un milliard de dirhams par an. C. Pensez-vous finalement, que vous avez les moyens de vos ambitions, que vous disposez des ressources nécessaires ? A.R. Nous déploierons tous nos efforts pour y arriver. Malgré la conjoncture internationale, je reste convaincu que notre pays jouit d'une position qui rend nos projets « vendables ». La vision de Rabbah Préférence nationale : Le gouvernement Benkirane a entamé la mise en exécution de son plan favorisant les entreprises nationales sur les chantiers publics. Rabbah en fait un point d'honneur pour y arriver dans son secteur. « J'ai décidé d'aller dans ce sens quel que soit le prix à payer ». Partenariat public-privé : Dans les différents projets que compte lancer le département de l'Equipement et du Transport, le ministre admet que le PPP est la meilleure solution, car il est inconcevable que l'Etat continue à financer seul les grandes infrastructures. Compensation industrielle des équipements et transport : Avec le département du Commerce et de l'Industrie, il est question de développer l'aéronautique mais aussi la maintenance aéronautique, ferroviaire, maritime... Pôle de formation : Le ministre ambitionne de créer, à l'instar de l'Ecole Hassania des Travaux Publics, des écoles dédiées au transport logistique, ferroviaire, maritime... Emergence de pôles nationaux dans l'équipement et le transport : C'est en impliquant les grands établissements et entreprises publics, que Rabbah souhaite voir émerger des champions nationaux dans leurs domaines. Réforme radicale du transport : Qu'il s'agisse de l'aérien (réflexion avec les professionnels pour améliorer le secteur domestique), maritime, ferroviaire... le ministre souhaite aussi s'attaquer au transport routier interurbain en lançant le troisième mode de transport (ni taxi, ni autocar). L'Office National des Chemins de Fer (ONCF) s'est engagé dans un programme d'investissement qui vise à étendre son réseau et le moderniser. Et ce n'est pas fini. Le Schéma Directeur du Réseau Ferroviaire National prévoit un réseau d'une longueur de 2500 km à l'horizon 2030. Des études avancées sont déjà réalisées et concernent les lignes de Tanger-Tétouan, Khouribga-Béni Mellal ainsi que le projet du réseau express régional (RER) du Grand Casablanca. Concernant le court et moyen terme, l'Office, qui a établi un plan d'action entre 2010 et 2015 est en train de tripler la voie ferrée Casablanca-Rabat-Kénitra et poursuit le doublement de la ligne Casablanca-Marrakech en l'étendant partiellement au tronçon restant Settat-Marrakech.