Au terme d'une transaction qui s'est effectuée sans tambour ni trompette, l'opérateur Mobil Exxon et le groupe Libya Oil Holding limited, dont l'appétit est de plus en plus gargantuesque sur le continent, procéderont bientôt au changement d'enseigne. Mobil Oil Maroc ne deviendra pas Tamoil, mais Oil Libya. En effet, le groupe libyen Tamoil Africa Holding, acheteur de la filiale d'Exxon Mobil, n'exploitera pas son nouveau filon sous son ancien nom. Tamoil Africa a décidé du changement de sa dénomination en celle de Libya Oil. En conséquence, la dénomination sociale de la filiale marocaine, issue du rachat de la totalité des actions de Mobil Oil Maroc, filiale du groupe Exxon Mobil, est Libya Oil Maroc. Le nom commercial, que les consommateurs découvriront au fronton des 360 stations-service «Mobil» dans les prochaines semaines, sera tout simplement Oil Libya. En effet, le groupe libyen est en train de mettre de l'ordre dans ses affaires après le changement intervenu dans son capital. La Libye était, jusqu'au début de juin 2007, propriétaire à 100% de Tamoil. Cette entreprise, constituée en 1990 par Tamraz (Tamoil) et Ghattas (Gatoil), est l'un des leaders du raffinage (trois usines d'une capacité de 255 000 barils/jour) et de la distribution de carburants en Europe (plus de 3 200 stations), essentiellement en Italie, en Suisse, en Espagne et en Allemagne. Le 5 juin 2007, à la demande de Seif El-Islam Kadhafi, le fils du président libyen, 65% du capital du groupe Tamoil ont été cédé à Colony Capital, à 4 milliards d'euros, soit près de 45 milliards de DH. Rappelons que ce fonds d'investissement américain contrôlé par le Libanais Thomas Barrack est l'adjudicataire de la future station balnéaire de Taghazout du Plan Azur, dont les travaux ont débuté il y a quelques mois. Un groupe libyen qui vend ses parts à des intérêts américains pour racheter une filiale du groupe américain Exxon Mobil. Les temps ont vraiment changé. Même si le fils du leader libyen a expliqué cette vente par le fait que la gestion du groupe était devenue lourde pour l'Etat libyen, on peut remarquer que la Libye a conservé Tamoil Africa, la branche africaine du groupe pour, disent les observateurs, «lui permettre de jouer de son influence en Afrique». Le Maroc et la Tunisie dans la ligne de mire Au moment de la cession du groupe, Tamoil était déjà en Égypte, au Burkina Faso, au Tchad, au Mali, au Nigeria, au Niger, en Côte d'Ivoire, en Guinée Equatoriale, au Cameroun, au Gabon, au Congo et en Érythrée. Depuis lors, l'Afrique du Nord est devenue un objectif. Le Maroc et la Tunisie étaient donc dans la ligne de mire. Profitant de l'appel d'offres international lancé par Exxon Mobil pour la cession de ses deux filiales dans les deux pays, le groupe est arrivé à ses fins comme cela a été le cas, l'année dernière, en Côte d'Ivoire et au Cameroun. Selon une source proche de Mobil Oil Maroc, cette initiative s'inscrit dans le cadre d'un processus de désinvestissement que le groupe américain avait initié. Une démarche qui devrait concerner, outre l'Afrique, l'Asie et le continent latino-américain. Paradoxalement, cette vente intervient à un moment où Exxon Mobil vient de réaliser les profits annuels les plus importants jamais enregistrés par une compagnie américaine (bénéfice de 40, 6 milliards $ US en 2007). Pour l'heure, on ne connaît pas encore le montant de la transaction de cette opération au Maroc. Chez Mobil Oil Maroc, on se contente d'indiquer que «l'accord couvre l'ensemble des activités de distribution dans les deux pays ainsi que les produits aviation au Maroc et l'activité Bitume en Tunisie». On précise également que «s'agissant d'un transfert d'actions, la réalisation effective de la cession n'aura aucune répercussion sur les engagements et contrats de la société, y compris les contrats de travail, qui demeureront inchangés». Autrement dit, on fait valoir le fait selon lequel, dans le cadre de cette opération, «les droits des salariés seront préservés». Cette opération, tient-on à assurer, ne modifiera en rien «les engagements de la société (…) en terme contractuel». Quelles retombées pour le marché ? Au Maroc, Exxon Mobil contrôle 10% du marché. Mais, le groupe libyen devra rapidement faire face à la concurrence. Le marché compte pas moins de 13 acteurs, gérant 2.200 stations-service. Une répartition selon l'origine de l'entreprise permet de distinguer les multinationales des entreprises à tours de table nationaux. Mais cette répartition se révèle être très simpliste. En fait, les grandes multinationales (Shell, Total, Mobil…) sont les plus anciennes entreprises du secteur. Toutes ont une place dans l'imaginaire du Marocain d'aujourd'hui. Les nationaux, venus sur le marché quelques années plus tard, comptent parmi eux un leader: Afriquia. Globalement, les entreprises nationales détiennent les deux tiers du marché et les multinationales se partagent le tiers restant. Par entreprise, les trois premières, à savoir Afriquia, Shell et Total, revendiquent les deux tiers.