Le Maroc, de par sa situation à l'extrême nord du continent africain, a joué et joue encore le rôle d'un pont entre l'Europe et l'Afrique. En remontant à l'époque médiévale, nous voyons ce pays occuper le rôle de médiateur commercial entre l'Afrique subsaharienne et l'Occident latin, à une époque où l'activité économique se concentrait sur la rive sud du bassin méditerranéen. Des routes commerciales L'accroissement des échanges avec le Soudan occidental (Afrique de l'Ouest) favorisa l'apparition tout au long des itinéraires commerciaux d'un réseau de cités telles qu'Aoudaghost, Tombouctou, Sidjilmasa, Aghmat, Marrakech, Salé, Fès, Sebta, Cordoue et Séville, et l'installation de comptoirs, tels que Melilla, Sebta, Tanger et Badis. Les caravanes ne convoyaient pas seulement des marchandises, elles contribuaient aussi à la circulation des idées et la copénétration des cultures. Cette prospérité économique du Maroc influença l'architecture des villes marocaines, où la grande mosquée et le siège de l'autorité représentant le sultan (Qasba) occupaient l'espace central, le tout cerné de tours et de murailles dont les portes sont souvent désignées par le nom de la région sur laquelle elles s'ouvrent. Tout un mode citadin devait alors émerger autour d'établissements et de structures urbaines tels que maristans (hôpitaux), madrasas, funduqs, fontaines, hammams, ponts, riyads, résidences, parcs et jardins. Des itinéraires spirituels Parallèlement aux routes du commerce, des itinéraires spirituels se dessinèrent avec l'apparition de nombreux ribats et zawiyas qui balisaient cette route de l'or. Sur ces itinéraires, un islam modéré, c'est-à-dire incarné dans la réalité, émergea peu à peu, sans volonté déclarée d'éradiquer par la violence les coutumes, les idiomes et les cultures alors en usage dans le pays, d'où sa propagation assez rapide sur l'ensemble du territoire marocain. Très tôt, la tendance à l'incantation et à la psalmodie soufie s'imposa, donnant lieu à l'implantation de plusieurs confréries (turuq) organisées autour de saints patrons comme Abou Yaâza Yelnour, Abou Al-Abbas Sebti, Moulay Abdesslam Ben Machich, Abou al-Hassan Chadili, Mohamed Ben Slimane al-Jazouli, Abou al-Abbas Ahmed Ben Achir et Lalla Aziza Sekssiouiya, prêchant tous la méditation intérieure, la méfiance à l'égard des passions d'ici-bas et la voie de l'amour. La tariqa Tijaniyya aux confluents de deux mondes Plus tard, Sidi Ahmed Tijani fonda la tariqa Tijaniyya, voie religieuse soufie qui prône un islam éclairé et tolérant. Des millions d'Africains sont aujourd'hui adeptes de cette voie. La Tijaniyya a ainsi tissé des liens spirituels entre le Maroc et ces contrées où elle s'est assurée une large audience, notamment en Afrique de l'Ouest. C'est dans ce sens que nous trouvons au Maroc des milliers de manuscrits rédigés par des Africains, notamment des ijazat (diplômes de reconnaissance et d'aptitude octroyés par les chefs de confrérie à leurs mouridines, ou disciples). Le Maroc au cœur de l'Afrique Dans l'exposition organisée sous le haut patronage de Sa Majesté par la Direction des archives royales en collaboration avec l'Institut du monde arabe sur le thème « Les Splendeurs de l'écriture au Maroc, Manuscrits rares et inédits », « Le Maroc au cœur de l'Afrique » apparaît, dans le troisième axe de cette exposition, avec son histoire séculaire. Un voyage à travers les méandres du passé nous ouvre quelques chefs-d'œuvre d'histoire, tels que Kitab al-Ibar (Le Livre des exemples) d'Ibn Khaldoun qui évoque les liens entre l'Etat et la société, Al-Manza' Al-lātifd'AbdRāhmān Ibn Zaydān qui relate l'histoire de la dynastie alaouite, et Infaq Al-maysour fi Tarikhi Biladi At-Takrour de Mohammad Belo ben Othman ben Foudi (Livre d'histoire du pays Tekrour) qui montre la dimension africaine dans l'histoire du Maroc. L'écriture, ce témoin de la pluralité civilisationnelle En effet, cette exposition qui illustre les joyaux de l'écriture du Maroc nous rappelle combien la culture du livre et de l'écrit est indissociable de l'histoire du royaume. Elle montre la place de choix qu'occupe le Maroc dans le transfert des idées et fait ressortir les divers aspects d'une civilisation abreuvée par plusieurs affluents, africain, andalou, hébraïque, méditerranéen… Le Maroc fut et demeure encore un carrefour de civilisations, celles de l'Afrique subsaharienne, de l'Andalousie et de la Méditerranée… Ce creuset de cultures a œuvré à l'épanouissement d'une civilisation plurielle alimentée par de multiples sources, et comme telle, génératrice de créativité et d'innovations. Ces échanges ont permis de jeter des ponts entre deux mondes culturels différents et de frayer la voie au dialogue entre les deux rives de la Méditerranée. Les relations intenses qui lient actuellement le Maroc à d'autres pays africains sous le règne de Sa Majesté le roi Mohammed VI, trouvent leur source dans cet héritage historique et dans ces liens spirituels indéfectibles.