Face à l'érosion préoccupante du cheptel ovin et caprin, le gouvernement marocain a décrété l'interdiction de l'abattage des femelles reproductrices. Cette mesure, entrée en vigueur le 19 mars et applicable jusqu'à la fin de mars 2026, a été formalisée par une circulaire conjointe du ministère de l'intérieur et du ministère de l'agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts (Mapmdref). Une réponse à l'appauvrissement du cheptel Adressé aux autorités locales, territoriales et aux responsables du secteur agricole, le document, consulté par Barlamane.com, insiste sur la nécessité de préserver les capacités de reproduction du cheptel national, fragilisé par des années de sécheresse, une conjoncture économique défavorable aux éleveurs et une mauvaise gestion gouvernementale. D'après les chiffres communiqués par le ministre de l'agriculture, le nombre de femelles en âge de mise bas est passé de 11 millions en 2016 à 8,7 millions en 2024, soit une régression de plus de 20 %. Ce déclin s'explique par plusieurs facteurs : la rareté des précipitations, qui a fortement affecté les pâturages, la hausse des coûts des aliments pour bétail et la multiplication des abattages précoces, motivés par des contraintes financières pesant sur les éleveurs et par une distribution erratique des subventions. En l'absence de restrictions, l'abattage massif des reproductrices pourrait compromettre durablement la reconstitution du cheptel national, mettant en péril l'équilibre de l'ensemble de la filière. Un encadrement strict de l'abattage La circulaire prévoit un dispositif de contrôle rigoureux à l'entrée des abattoirs, sous la supervision de l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA). Seules les femelles jugées inaptes à la reproduction — pour raisons sanitaires ou en raison de leur âge avancé (plus de huit dents de remplacement) — ainsi que celles issues de l'importation et destinées à l'engraissement ou à l'abattage seront exemptées de cette interdiction. Les bouchers, premiers concernés par cette mesure, feront l'objet d'une campagne de sensibilisation menée en collaboration avec les collectivités territoriales et les autorités locales. L'objectif est d'assurer une adhésion sans faille à cette interdiction, dont le respect conditionnera en partie l'efficacité du plan de sauvegarde du cheptel. Une filière sous pression Le secteur de l'élevage traverse une période critique, marquée par une contraction de 38 % des effectifs ovins et caprins depuis 2016. La sécheresse persistante, conjuguée à la flambée des prix du fourrage et à un marché instable, a contraint nombre d'éleveurs à réduire leurs troupeaux, souvent au détriment des capacités de renouvellement du cheptel. Cette situation a eu des répercussions directes sur la disponibilité des viandes rouges, dont les cours connaissent une tension accrue. En limitant l'abattage des femelles, les autorités espèrent enrayer cette dynamique et permettre, à moyen terme, un rééquilibrage du marché. Toutefois, l'efficacité de cette mesure dépendra de son application rigoureuse et du soutien apporté aux éleveurs. La reconstitution du cheptel nécessitera des efforts soutenus, notamment en matière de gestion des ressources fourragères et d'appui financier aux producteurs les plus vulnérables.