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Au Maroc, un oligopole de dix-huit cartels domine le marché de la viande rouge, le gouvernement spectateur, «voire complice», déplorent certains opérateurs
Les prix ne répondent plus aux seuls mécanismes de l'offre et de la demande mais aux intérêts d'une minorité d'acteurs bénéficiant d'un accès privilégié aux circuits d'importation et de distribution. Le marché marocain de la viande rouge «est sous l'emprise d'un oligopole de dix-huit acteurs qui ne rendent compte à personne», selon les déclarations du ministre de l'industrie et du commerce, Ryad Mezzour. «Nous étudions cela et nous réagirons», a-t-il fait miroiter. Malgré cette reconnaissance officielle, aucune mesure gouvernementale n'a été engagée pour briser cette concentration, laissant les consommateurs subir une flambée des prix sans précédent. Un secteur verrouillé, des prix en hausse Le kilogramme de viande rouge oscille entre 120 et 140 dirhams, un niveau inédit qui pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des ménages. Derrière cette flambée, une concentration extrême des importations et de la distribution : quelques entreprises qui bénéficient d'un quasi-monopole sur l'abattage, la transformation et la commercialisation, dictant les prix sans véritable régulation de l'Etat. Les importations de bétail, censées alléger la pression sur le marché, sont captées par les mêmes acteurs, empêchant tout rééquilibrage de l'offre. Loin d'introduire un mouvement concurrentiel, ces opérations accentuent l'emprise des monopoles et garantissent la préservation de leurs marges élevées, au détriment du consommateur final. À cette tendance inflationniste s'ajoute un déficit chronique de transparence dans la formation des prix. Ni les coûts réels de production ni les marges appliquées par les différents intermédiaires ne sont accessibles au public. Cette opacité nourrit une économie de rente où les prix ne répondent plus aux seuls mécanismes de l'offre et de la demande mais aux intérêts d'une minorité d'acteurs bénéficiant d'un accès privilégié aux circuits d'importation et de distribution. Un aveu d'impuissance politique Le ministre Mezzour, en dévoilant ces pratiques, confirme implicitement que le gouvernement dispose d'une liste nominative des opérateurs concernés. Pourtant, au lieu d'engager des actions concrètes – enquêtes, sanctions, ouverture du marché à de nouveaux acteurs – il se limite à de vagues promesses. Ce état de fait traduit une défaillance structurelle dans la régulation du marché. Le Conseil de la concurrence, institution censée prévenir et sanctionner les abus de position dominante, demeure lui aussi passif, malgré les signaux évidents de pratiques anticoncurrentielles. L'absence d'enquêtes approfondies sur les pratiques de ces opérateurs conforte leur sentiment d'impunité, durcit leur contrôle sur la filière et accentue la vulnérabilité des consommateurs. Le ministère de l'économie et des finances, qui détient les outils budgétaires et fiscaux permettant d'exercer une pression sur ces monopoles, n'a annoncé aucune réforme structurelle pour favoriser une plus grande fluidité du marché. Une révision du cadre fiscal applicable aux importations de bétail, une régulation des circuits de distribution et une taxation ciblée sur les marges excessives pourraient pourtant rétablir un équilibre partiel demeurent sans suite. Un immobilisme au coût social exorbitant L'inaction du gouvernement face à cette situation, selon plusieurs opérateurs, aggrave les inégalités d'accès à une alimentation de base. La consommation de viande rouge, déjà en déclin dans les foyers les plus modestes, devient un produit de luxe, réservé aux catégories les plus aisées. Cette réalité participe à une fragmentation sociale où le régime alimentaire des Marocains est désormais conditionné par leur appartenance à une classe économique déterminée. L'incidence de cette conjoncture dépasse le seul cadre alimentaire. L'élevage local, qui pourrait bénéficier d'une meilleure protection contre les distorsions de marché imposées par ces monopoles, est progressivement marginalisé. Le manque de soutien aux petits éleveurs combiné à une politique d'importation en faveur des grands groupes, affaiblit durablement la souveraineté alimentaire marocaine. La situation du marché des viandes rouges, qui perdure depuis 2024, révèle une incapacité chronique du pouvoir politique à s'attaquer aux cartels économiques. La connivence entre certains milieux d'affaires et les sphères décisionnelles ralentit toute tentative de réforme alors que le pouvoir d'achat est un enjeu de gouvernance économique et sociale.