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Décarbonation du mix énergétique, résilience du réseau régional, investissements en faveur du Sahara : ce que le Maroc pourrait gagner de la liaison électrique XLinks
Annoncé en 2018 avec la création de la société porteuse du projet, XLinks entend construire au Maroc un site de production d'énergie renouvelable combinant des capacités éoliennes, solaires et de stockage par batteries ainsi qu'à déployer un câble sous-marin de transport d'électricité en courant continu à haute tension (HVDC) vers le Royaume-Uni. Avec une longueur estimée à 4 000 kilomètres, ce projet ambitionne de devenir le plus long câble sous-marin au monde. Evalué (estimation non définitive) à 22 milliards de livres sterling (28 milliards de dollars), il devrait couvrir environ 9 % de la demande électrique britannique. Bien que l'initiative soit d'origine britannique et destinée au marché local, il est légitime de s'interroger sur ce que le Maroc pourrait en retirer. Le paysage énergétique marocain Selon Jean-Baptiste Vaujour, économiste de l'énergie et expert auprès de la Commission européenne en financement des infrastructures énergétiques, le choix du Maroc pour accueillir les infrastructures de production renouvelable s'explique aisément. «Le pays bénéficie d'un ensoleillement exceptionnel et, dans la région de Guelmim-Oued Noun, où les installations sont prévues, les conditions éoliennes sont particulièrement favorables grâce à la rencontre de l'air frais de l'océan et des vents chauds sahariens», rapporte la même source. Par ailleurs, le Maroc poursuit une stratégie ambitieuse en matière d'énergies renouvelables vouée à porter leur part à 52 % de son mix électrique d'ici 2030. La construction du vaste complexe solaire Noor a ouvert la voie à des projets internationaux ambitieux, démontrant la maturité de l'industrie locale et sa capacité à gérer des projets complexes. Ce complexe, réparti sur quatre sites, illustre la diversité technologique maîtrisée par le Maroc : Noor I et II utilisent des miroirs paraboliques pour le solaire concentré (CSP), Noor III recourt à une tour de concentration, et Noor IV emploie des panneaux photovoltaïques classiques. Cependant, la réalité reste encore peu gratifiante. «En 2022, 68 % de sa production d'électricité provenait encore du charbon, selon l'Agence internationale de l'énergie. De plus, le Maroc importe 94 % de sa consommation énergétique totale, une dépendance qui affecte négativement sa balance commerciale et expose son économie à la volatilité des prix des hydrocarbures. La demande énergétique, quant à elle, augmente fortement, portée par une dynamique démographique (la population a augmenté de 33 % depuis 2000) et une croissance économique moyenne de 3 % par an sur la même période. En dépit d'un effort massif dans les énergies renouvelables — avec une augmentation de 177 % des capacités de production entre 2000 et 2022 —, le mix énergétique marocain reste dominé par le charbon», a-t-on explicité. Face à ces défis, les autorités marocaines ont encouragé dès 2009 les investisseurs privés à développer et exploiter des centrales électriques indépendantes. Les énergies renouvelables constituent un levier essentiel pour réduire la dépendance énergétique, favoriser la croissance économique et créer des emplois qualifiés. Cette stratégie a été renforcée par des lois récentes, comme la loi 40-19, afin d'améliorer le cadre légal des énergies renouvelables, notamment en matière de raccordement au réseau et d'exportation d'électricité. La part marocaine du projet XLinks Ce que l'on sait, cependant, «c'est que des installations solaires et éoliennes seront construites dans la région de Guelmim-Oued Noun, sur 150 000 hectares répartis entre trois zones : Mahbes (province d'Assa-Zag), Chbika et Lamssid (province de Tan-Tan). Ces infrastructures devraient avoir une capacité de 11,5 gigawatts et produire 3,9 gigawattheures d'électricité pendant plus de 19 heures par jour, avec un profil de production adapté aux besoins énergétiques britanniques, notamment en hiver. Une installation de batteries de 22,5 GWh/5 GW assurera la stabilité du système, permettant des ajustements ponctuels en fonction des conditions météorologiques», d'après M. Vaujour. Le câble d'interconnexion «comprendra une station de conversion du courant alternatif haute tension (HVAC) en courant continu haute tension (HVDC), ce dernier étant plus adapté aux longues distances grâce à des pertes réduites, bien qu'il soit moins utilisé pour les réseaux domestiques. Le projet devrait générer jusqu'à 10 000 emplois directs et indirects pendant la phase de construction et 2 000 emplois permanents par la suite, avec un poids économique significatif pour la région de Guelmim-Oued Noun, l'une des moins densément peuplées du pays», selon les détails fournis. XLinks et le besoin de transparence Pour le moment, l'emplacement exact des infrastructures reste confidentiel et la répartition entre le mix solaire et éolien n'a pas été précisée. Les technologies envisagées ne sont pas clairement définies bien que l'utilisation de panneaux solaires à suivi soit évoquée. Les implications pour le réseau électrique marocain suscitent également des interrogations. «Les sites prévus étant éloignés des côtes, une transmission de l'électricité aux stations de conversion sera nécessaire exigeant un renforcement du réseau local. On ignore encore si le Maroc assumera une partie de ces coûts ou si XLinks en sera seul responsable ainsi que les règles d'accès et de priorité au réseau. Enfin, il reste à déterminer si une partie de l'électricité produite sera destinée au marché local, contribuant ainsi à la décarbonation du mix énergétique marocain et à la résilience du réseau régional.» Au final, XLinks concentre pour le moment ses efforts sur le câble d'interconnexion, élément technologique et financier central du projet. À mesure que les obstacles liés à ce dernier seront levés, des informations supplémentaires sur les autres volets du projet devraient émerger.