Le président français n'a jamais caché qu'il était l'un des premiers partisans d'Uber. Mais de récentes révélations suggèrent que son soutien à la société controversée est allé bien au-delà d'un simple appui public. 18 gigaoctets de données internes, révélations inédites, législations nationales en souffrance : Alors qu'Uber se précipitait pour se développer à travers l'Europe, les dirigeants de l'entreprise sondent quelques nouvelles inquiétantes du sud de la France. Marseille semble avoir interdit le service UberX, plombant les plans de l'entreprise déjà dans la tourmente. Mark MacGann, le principal lobbyiste européen d'Uber, panique. Il a envoyé un SMS à Emmanuel Macron, qui, à l'automne 2015, était ministre français de l'Economie. Le lendemain matin, MacGann a reçu une réponse. « J'examinerai cela personnellement », a écrit Macron. « Restons calmes à ce stade », a-t-il ajouté. Le gouvernement français a fait marche arrière le même jour. Ce n'est un secret pour personne que Macron, élu président de la France en 2017, a été l'un des premiers partisans de l'expansion européenne controversée d'Uber, qui impliquait des affrontements parfois violents entre les chauffeurs de taxi et Uber. Mais les messages internes des dirigeants de l'entreprise entre 2013 à 2017 démontrent que le soutien de Macron est allé bien au-delà d'un simple appui au point d'être en conflit avec les politiques du gouvernement de gauche qu'il a servi. En interne, un lobbyiste d'Uber a décrit Macron comme un « véritable allié ». Parfois, le zèle de ce dernier a surpris même les dirigeants de l'entreprise. Une mine de plus de 124 000 dossiers internes obtenus par Le Guardian remontant à une période comprise entre 2013 et 2017, au moment où les critiques sur «l'ubérisation» de la société française, un terme générique utilisé pour décrire les services de covoiturage et de livraison à domicile, faisaient rage en France. Uber Files mettent en évidence une chose : les inquiétudes exprimées il y a quelques années sur la manière dont Uber est entré sur le marché français étaient justifiées. Alors que des chauffeurs de taxi, craignant pour leur survie professionnelle, affrontaient leurs concurrents Uber dans les rues de Paris en 2015 et 2016, la résistance contre Uber devenait violente. Alors que l'examen juridique de l'introduction d'Uber en France s'intensifiait, y compris de la part de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, une autorité rattachée au propre ministère de Macron, un responsable Uber a noté dans un e-mail de 2014 à des collègues que Macron avait « demandé à son cabinet de parler à la DGCCRF leur demander d'être 'moins conservateurs' » dans l'interprétation de la loi. L'engagement sous-jacent de Macron envers le modèle commercial d'Uber a rarement été mis en doute, bien que les dirigeants d'Uber aient conclu plus tard qu'il était un allié moins précieux qu'ils ne le pensaient. Dans une déclaration en réponse aux documents, la présidence française a déclaré que « les politiques économiques et de l'emploi de l'époque, auxquelles [Macron] a participé activement, sont bien connues ». « Ses fonctions l'ont naturellement amené à rencontrer et à échanger avec de nombreuses entreprises engagées dans la forte mutation qui s'est opérée durant ces années dans le secteur des services, qu'il a fallu faciliter en débloquant les verrous administratifs et réglementaires », précise l'Elysée. Bien que l'Elysée n'ait pas directement répondu aux questions sur la perception d'Uber selon laquelle Macron aurait pu être disposé à intervenir auprès des autorités françaises au nom de l'entreprise. Macron a rencontré des dirigeants d'Uber et a élaboré une stratégie sur des mouvements antiUber et d'autres qui préconisaient des règles plus strictes pour Uber et sociétés similaires. En 2015, Uber s'est entretenu avec Macron pour encourager un député « soutien » à essayer de modifier l'une des propositions législatives de Macron pour la rendre plus amicale pour Uber. Leur plan alternatif, selon un résumé interne de Thibaud Simphal, alors directeur général d'Uber en France, était une « forte campagne de communication dans les quatre prochaines semaines » alors que Macron et Uber poussaient conjointement des règles pour faciliter le recrutement de chauffeurs professionnels par l'entreprise. Les documents internes suggèrent qu'en échange de règles assouplies, Uber a peut-être mis fin à son service le plus controversé du pays, UberPop, qui comptait sur des chauffeurs non professionnels. Il se concentrerait plutôt sur un modèle centré sur les conducteurs titulaires d'un permis. Le 3 juillet, jour où Uber a suspendu UberPop, les dirigeants ont partagé entre eux une capture d'écran qui semblait montrer Macron disant à Travis Kalanick, alors directeur général d'Uber, que le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve avait « accepté l'accord ». En 2016, des mois après la suspension d'UberPop, un décret gouvernemental a semblé modifier les règles en faveur d'Uber, réduisant considérablement le nombre d'heures de formation requises. La relation d'Uber avec Macron était particulièrement sensible car ses opérations en France étaient, à ce stade, soumises à un examen juridique croissant. Des mois avant que Macron ne propose d'enquêter sur la suspension apparente par le responsable marseillais d'UberX – un service qui s'appuie sur des chauffeurs professionnels – deux dirigeants de l'entreprise ont été placés en garde à vue. Ils ont ensuite été reconnus coupables de complicité dans l'exploitation d'un service de transport illégal. Une décision de la plus haute juridiction française est toujours pendante. Uber a d'abord recruté de nombreux chauffeurs dans certaines des communautés les plus pauvres du pays, où ses nobles promesses ont rapidement gagné du terrain. Ceux qui ont rejoint, encouragés par Macron et d'autres, espéraient changer le cours de leur vie.