Pourquoi l'Algérie a-t-elle créé la « république » précisément au moment où le polisario était sur le point d'être admis comme mouvement de libération auprès du Comité de libération de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) ? On peut penser que le but était de créer le mythe d'un pays occupé et de faire admettre cette entité à l'OUA pour acculer le Maroc. Conséquence de la proclamation de la « république », le Conseil des Ministres de l'OUA, réuni à Addis-Abeba en février 1976 (XIIIème), constatant que « le peuple du Sahara occidental a proclamé la République Sahraouie », a estimé à raison « qu'il ne saurait être question de reconnaître le polisario comme mouvement de libération du Sahara occidental car il n'y a pas de mouvement de libération dans un territoire indépendant ». Comme à son habitude, la diplomatie algérienne est tombée dans son propre piège. Récemment, Alger a poussé l'absurdité jusqu'à annoncer avoir « délimité la frontière » avec la « république ». D'où la formule ironique d'un commentateur : cette frontière n'a pu être établie qu'entre une « Algérie du nord » et une « Algérie du sud ». Un autre parle de « république tindoufienne ». Dans les camps, on a vu peu à peu apparaitre des institutions, une école, un tribunal, et même... une prison. En réalité, c'est un Etat dans l'Etat qui s'installe progressivement dans les camps : * Brahim Ghali a récemment « inauguré » un hôpital régional « dans la wilaya de Bojador ». * Il a également « inauguré » une usine de recyclage du plastique « au siège du ministère de l'eau et de l'environnement » ; * Le 29 mai 2022, le « ministre de l'eau et de l'environnement » a inauguré une nouvelle canalisation d'eau pour ... « sécuriser le besoin national en eau potable ». A chacune des « cérémonies d'inauguration » ont été présents des membres du « gouvernement » et des « autorités locales ». Résumons : Des « réfugiés » qui se disent, l'un « président », l'autre « ministre » d'une « république » fictive « inaugurent » le plus officiellement du monde des établissements ou des équipements dans un camp situé en territoire algérien. C'est une situation sans précédent : on connaît les cas de gouvernements en exil, les exemples ne manquent pas, mais le concept de pays en exil est totalement inédit. Ce « pays délocalisé » est entièrement pris en charge par l'Algérie. C'est Alger qui décide, dirige, communique, fait des démarches, proteste, mais c'est le contribuable algérien qui paie les salaires du polisario, ses armes, ses ambassades, ses voyages. Un calcul de ce que coûte la « république », tenue à bout de bras par le budget général algérien depuis 1975, donnerait le tournis. Mouvement de « libération » externalisé La pseudo « république » en exil installée à demeure dans des camps de vrais-faux « réfugiés » dans un pays « observateur » prétend « libérer » une portion de territoire dans un pays voisin pour s'autodéterminer. C'est là une des erreurs majeures d'Alger, qui sera suivie par d'autres, comme on l'a déjà vu dans un précédent article. On touche du doigt la faille principale du scénario imaginé par l'Algérie. L'idée, à l'origine, était de reproduire à l'identique l'expérience algérienne de lutte pour l'indépendance. Sauf que l'ALN se battait chez elle, sur son territoire et les « moudjahidines » y étaient comme « un poisson dans l'eau » pour reprendre la formule de Mao. Plus ardue est la tâche d'un groupe armé qui veut « libérer » un territoire depuis un pays voisin. Cela s'appelle une agression pure et simple – et l'échec est garanti, comme on a pu le constater. Si la Mauritanie a pu été déstabilisée, il en va autrement pour le Maroc qui s'est révélé plus coriace. C'est un dilemme et un casse-tête comme seul Alger sait en créer : Pour les autorités algériennes les habitants des camps à Tindouf sont des « réfugiés » sans l'être vraiment. Dit autrement, ils sont parfois des « réfugiés », parfois non, selon les circonstances, les besoins et les interlocuteurs. Alger est en réalité dans une impasse, après avoir créé de toute pièce une « république ». Pour donner corps à cette fiction, il fallait lui trouver une assise territoriale, une population et une autorité étatique : * Population : Ce sont les vrais-faux « réfugiés ». * Organes étatiques : un « président » a été placé à la tête de cette entité, assisté d'un « gouvernement ». Au regard du droit international, ce sont tous des réfugiés, mais pas pour Alger, qui les finance, les arme, leur fournit des passeports diplomatiques et les chaperonne ; * Territoire : La « république » n'ayant pas d'assise territoriale, Alger mettra à sa disposition une portion de son sol, le plus près possible du Maroc, dans la région de Tindouf, un des endroits les plus inhospitaliers de la planète. Le mensonge des « territoires libérés » ayant fait long feu, on jongle entre « Sahara occidental » à l'ONU et « rasd » à l'Union africaine. Deux dépêches de l'agence de presse du polisario illustrent ces tours de passe-passe : 04 février 2018 Chahid El Hafed (camps de réfugiés sahraouis) – Une délégation de la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples entamera à partir de lundi une visite de travail en République arabe démocratique sahraouie (RASD), au cours de laquelle elle s'entretiendra avec le président sahraoui et d'autres responsables du Front Polisario (SPS). 12 février 2022- Chahid El Hafed – Le vice-ministre des Affaires étrangères de la République du Honduras, Torres Zelaya Gerardo entame, ce samedi, une visite en République arabe sahraouie démocratique… Le vice-ministre se rendra, samedi, dans les camps des réfugiés sahraouis pour exprimer « la solidarité avec le peuple sahraoui et sa cause juste »(SPS). Où commence la « république » et où s'arrêtent les camps de « réfugiés » ? On sait où se trouvent ces derniers, on chercherait en vain la première. On reste perplexe devant un communiqué algérien comme celui-ci : 11 Juin 2021- Le président du Conseil de la nation, Salah Goudjil, a reçu jeudi une délégation parlementaire sahraouie présidée par Djamel Bendir. C'est de cette façon que l'Algérie a essayé d'entretenir le mythe d'une « république » introuvable sur la carte, réussissant à tromper bon nombre de partenaires de bonne foi. Certains milieux étrangers, quelques ONG, voire des Etats ont contribué à entretenir la confusion. C'est ainsi qu'en 2017 on pouvait lire dans un communiqué du ministère cubain des relations extérieures : CUBA, 8 mai 2017.- Le premier vice-ministre des Affaires étrangères de Cuba, Marcelino Medina González, a entamé le 7 mai une visite de deux jours en République arabe sahraouie démocratique (RASD), où il sera accompagné de l'ambassadeur de Cuba accrédité dans ce pays, Raúl Barzaga Navas. Au cours de sa visite, la délégation aura des entretiens avec le président de la RASD, Brahim Gali, et d'autres autorités sahraouies, au cours desquelles ils passeront en revue les relations historiques (sic) et fraternelles entre les deux peuples et le gouvernement. Le vice-ministre des Affaires étrangères rencontrera également des travailleurs humanitaires cubains qui collaborent dans les domaines de la santé et de l'éducation dans ce pays (re-sic). Depuis quelque temps, le travail inlassable, patient et résolu de la diplomatie marocaine a mis à nu le jeu algérien. Le problème des camps de Tindouf est appelé à devenir un casse-tête pour l'Algérie. En près de 50 ans d'exil forcé, des habitudes se sont créées dans les camps parmi une population dont la majorité n'a connu que ces lieux infâmes dans lesquels elle est séquestrée. L'Etat algérien s'est bel et bien dessaisi de ses prérogatives sur une partie de son territoire, au profit d'un groupe séparatiste terroriste. Tant et si bien que, demain, les miliciens deviendront pour l'Algérie un problème de sécurité interne. Que faire de ceux parmi les « réfugiés » qui ne peuvent prouver aucune attache avec le Sahara marocain ? On puisera, en guise de conclusion, dans le stock des dictons marocains : « Celui qui a noué [une situation] avec ses mains devra la dénouer avec ses dents ».