La bataille de la présidentielle s'est transposée mercredi sur le terrain de la diplomatie et de l'Europe, Marine Le Pen se plaçant en rupture avec la politique étrangère menée par Emmanuel Macron dont elle dénonce la « vision bornée des relations internationales ». « Il faut restaurer la place singulière de la France dans le monde », a déclaré la candidate d'extrême droite lors d'une conférence de presse, brièvement interrompue par un collectif de gauche lui reprochant sa « complaisance » avec Vladimir Poutine. Europe, OTAN, guerre en Ukraine, Algérie, Chine : Mme Le Pen a réitéré sa volonté de sortir la France du commandement militaire intégré de l'OTAN et plaidé un « rapprochement stratégique » entre l'Alliance et la Russie « dès que la guerre russo-ukrainienne sera achevée et aura été réglée par un traité de paix ». Ces prises de position tranchées interviennent quelques heures après un vibrant plaidoyer proeuropéen du président sortant mardi soir à Strasbourg, au cours duquel il a présenté le deuxième tour comme notamment « un référendum sur l'Europe ». La construction européenne constitue le pilier central de sa diplomatie depuis cinq ans. Le nationalisme mène à « une alliance de nations qui veulent se faire la guerre » en Europe, a-t-il dit visant sa rivale. Ni « soumission » ni « suivisme » Marine Le Pen a dit ne souhaiter ni « soumission à Moscou », ni « suivisme à l'égard de l'administration Biden », particulièrement dans la région Asie et Océanie, et assuré qu'elle ne « sortirait pas de l'accord de Paris sur le climat ». Pour la candidate RN, l'objectif était d'asseoir sa stature présidentielle face à M. Macron, fort de l'expérience d'un quinquennat et qui dénonce pour sa part la volonté de Mme Le Pen de sortir de l'UE, sans le dire. « Le Frexit n'est nullement notre projet. Nous voulons réformer l'Union européenne de l'intérieur », a répliqué Mme Le Pen. À l'égard de l'Allemagne, dont elle a fustigé la politique antinucléaire, Mme Le Pen dit prendre acte de « divergences stratégiques irréconciliables » et veut donc arrêter « l'ensemble des coopérations avec Berlin » sur le plan militaire. Les passes d'armes entre les candidats se multiplient depuis le démarrage en fanfare de la campagne du second tour lundi. Dès l'aube, les deux adversaires ont eu des échanges acerbes. En visite dans une entreprise de construction à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), la candidate du RN a jugé que le gouvernement et Emmanuel Macron étaient dans le « déni » face au « mur de l'inflation » auquel la France allait être confrontée. Interrogé plus tôt sur France 2 sur les mesures à prendre face à l'inflation, Emmanuel Macron lui avait déjà répondu que les mesures d'amortissement du gouvernement « sur l'électricité, le gaz et l'essence est plus efficace qu'une baisse de TVA », comme proposé par Mme Le Pen. Dans le JT de 20 heures de TF1, le président-candidat a une nouvelle fois indiqué vouloir « enrichir » son projet avec des mesures proposées par les concurrents du premier tour qui ont appelé à le soutentir au second. Evacuation musclée Concernant l'évacuation musclée lors de la conférence de presse de Mme Le Pen mercredi d'une militante anti-RN, la candidate et le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin se sont renvoyé la responsabilité de l'incident. « Ce sont les policiers de M. Darmanin, il faut s'adresser à M. Darmanin, parce que moi je n'y suis pour rien », a assuré la candidate sur BFMTV. Réplique du ministre de l'Intérieur dans un tweet : « Quel mépris pour les policiers de la République qui assurent votre protection ». « Ayez plutôt l'honnêteté de dire que l'individu qui traîne la manifestante sur le sol est un membre de votre service d'ordre privé », ajoute M. Darmanin. « Madame Le Pen se grandirait de s'excuser auprès des policiers de la République, j'espère qu'elle le fera d'ici la fin de la campagne », a-t-il ajouté ensuite lors d'un débat sur BFMTV face au président par intérim du RN, Jordan Bardella. La jeune femme est une conseillère municipale écologiste de Boulogne-Billancourt, en région parisienne. Marine Le Pen est sur la défensive sur un autre front, cette fois avec la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale (CNCCEP), qui, selon France Inter, lui a demandé des clarifications sur sa profession de foi pour le second tour. « Je ne vois vraiment pas ce qui pourrait pousser le juge de l'élection à interdire ma profession de foi », a répliqué Marine Le Pen. En vue du 24 avril, les deux finalistes lorgnent les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, arrivé en troisième position dimanche soir avec 21,95 % des voix. Abstention, vote blanc ou vote Emmanuel Macron ? Jean-Luc Mélenchon a lancé mercredi la consultation de ses quelque 310 000 soutiens, l'ex-candidat ayant déjà appelé à ne pas « donner une seule voix à Le Pen ». La consultation, dont le résultat sera public, s'achève samedi à 20 h. Trois sondages publiés mercredi donnent Emmanuel Macron devant Marine Le Pen au second tour dans une fourchette de 53 à 55 % contre 45 à 47 %.