Vers une crise diplomatique majeure entre Paris et Alger ? L'Algérie a justifié, samedi 2 octobre, le rappel de son ambassadeur à Paris par son «rejet de toute ingérence dans ses affaires intérieures», précisant avoir pris sa décision à la suite de «déclarations» au président français, Emmanuel Macron. Selon les médias algériens proche du régime, le rappel de l'ambassadeur d'Algérie à Paris est motivé, cette fois, par les déclarations d'Emmanuel Macron reprises dans l'article du journal Le Monde. «Les vieux démons entre Alger et Paris ressurgissent brusquement», «Une nouvelle fois encore, le couple algéro-français se déchire», «Jamais, en 59 ans d'indépendance, un président français n'a eu des propos aussi durs et acerbes contre l'Algérie» «Des propos inacceptables qui résonnent comme un casus belli», «Macron tombe dans la nasse du raciste Eric Zemmour. Et voilà que tous les excès sont permis» : les relais du régime sont amers et les mots sont durs. Le journal L'Expression, proche du pouvoir, raconte amèrement l'origine de la brouille. «En recevant, jeudi, des descendants d'acteurs de la guerre de libération nationale , de tous les bords, le président français est allé très loin dans ses propos, [et] s'est laissé emporter –volontairement- par un nationalisme exaspéré» écrit-t-on. «À six mois de la présidentielle française, le langage adopté par Emmanuel Macron annonce le retour du vieux cliché usité dans les anciennes campagnes électorales françaises portant sur la guerre d'indépendance de l'Algérie, l'immigration et le terrorisme. Cheval de bataille de Zemmour et Le Pen, ces thèmes vendeurs viennent d'être adoptés par Macron qui semble vouloir à tout prix remporter les enchères. Sinon, comment expliquer sa dure déclaration vis- à-vis de la classe dirigeante en Algérie qu'il accuse de vivre de la rente mémorielle» ? s'interroge le journal. «Je ne parle pas de la société algérienne dans ses profondeurs, mais du système politico-militaire qui s'est construit sur cette rente mémorielle», a répondu Macron à une jeune Algérienne qui assurait au président français que la jeunesse en Algérie n'avait pas de «haine» envers la France. «Cela rappelle les déclarations de Bernard Kouchner qui avait affirmé que les relations algéro-françaises ne pourront être normales tant que la génération de l'indépendance sera encore au pouvoir en Algérie, mais en beaucoup plus graves. Macron va même dire, en revenant sur sa décision de durcir drastiquement l'octroi de visas» mentionne le journal. Pour les dirigeants algériens, pas de visa ! «Il n'y aura pas d'impact sur ce qu'on évoque. On va s'attacher à ce que les étudiants et le monde économique puissent le garder. On va plutôt ennuyer les gens qui sont dans le milieu dirigeant, qui avaient l'habitude de demander des visas facilement». «Il s'agit là de propos jamais entendus à ce niveau de responsabilité» assène Macron. Un système «fatigué» et «fragilisé» par le Hirak, dira Macron dont le message latent est clair. Pas besoin de le décoder. Le président français semble dire qu'il n'a rien contre le peuple pris en otage, mais tout contre le système. «Il essaye ainsi de porter l'habit du hirakiste algérien pour gagner la sympathie de la diaspora, convaincu de son adhésion totale au mouvement de protestation. Un bon paquet de voix qui lui permettront de garder son costume présidentiel pour les 5 prochaines années. Macron qui travaille sur sa réélection en chevauchant sur la vague de l'extrême droite, s'est attaqué aussi à l'Histoire de l'Algérie soutenant que l'histoire officielle totalement réécrite ne s'appuie pas sur des vérités, mais sur un discours qui, il faut bien le dire, repose sur une haine de la France» décrit le journal. Il affirmera que «la nation algérienne post-1962 s'est construite sur une rente mémorielle», assurant qu'à l'origine de la «désinformation» et de la «propagande», il y a les Turcs qui «réécrivent complètement l'histoire». Il va même jusqu'à mettre en doute l'existence d'une nation Algérie en disant que «la construction de l'Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu'il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c'est la question. Il y avait de précédentes colonisations. Moi, je suis fasciné de voir la capacité qu'a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu'elle a joué en Algérie et la domination qu'elle a exercée. Et d'expliquer qu'on est les seuls colonisateurs, c'est génial. Les Algériens y croient». «En voulant tirer le tapis sous les pieds de ses concurrents de l'extrême droite, Macron ne se gêne pas pour brouter dans leurs prés. Il a commencé par rendre hommage aux harkis avant d'annoncer, sans préalables, la réduction de l'octroi des visas et a fini par une déclaration qui vaut un casus belli (…) Il s'autorise même de se poser des questions, toute honte bue, sur l'existence de la Nation algérienne pour justifier l'amnésie mémorielle de la France officielle. Il s'agit là d'une digression impardonnable qui n'a jamais été commise par aucun président français. Mais on voit bien que le président français rêve de voir l'insoumise Algérie s'aligner sur l'Occident» pointe le journal. «Pure illusion de Macron que de pouvoir installer à la tête du pays, un régime de Béni oui-oui ou est-il juste nostalgique de l'époque de Jacques Foccart, le gaulliste historique, homme de l'ombre qui a œuvré à pérenniser la présence de la France en Afrique, par tous les moyens dont disposent ceux qui ne s'embarrassent pas de légalité» a-t-on détaillé. «Décidée par Paris, la réduction des visas accordés aux ressortissants algériens est déjà très mal passée, aussitôt suivie par la convocation de l'ambassadeur de France au siège du MAE. Ajouté à l'autre provocation de la «reconnaissance de la nation française aux harkis» et la mise sous le boisseau du dossier de la Mémoire, toujours tourmenté entre les deux pays, tout ce raffut cache mal un argumentaire purement électoraliste du locataire de l'Elysée, qui opère un franc et dangereux virage à droite, en prévision de la présidentielle de 2022» déplore le Quotidien d'Oran.