La Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) a tenu, vendredi à Rabat, une rencontre avec le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et le Ministère public pour présenter les conclusions de son rapport général sur le nouveau modèle de développement (NMD), notamment les aspects relatifs au système judiciaire. Lors de cette rencontre, tenue en présence du Premier président de la Cour de Cassation et Président délégué du CSPJ, Mohamed Abdennabaoui et du Procureur général du Roi près la Cour de Cassation, président du Ministère public, El Hassan Daki, le président de la CSMD, Chakib Benmoussa, a exposé le diagnostic effectué par la commission sur le système judiciaire, ainsi que ses propositions pour accélérer le rythme des réformes afin de renforcer l'Etat de droit et de rétablir la confiance des citoyens en la justice. A cette occasion, M. Benmoussa a indiqué que le rapport recommande la consolidation d'une justice efficiente et impartiale, la promulgation de lois claires et la consécration et la protection des libertés, afin de libérer les énergies des citoyens et des entreprises et réaliser une justice protectrice des libertés et source de sécurité. Le rapport insiste également sur le parachèvement de la réforme de la justice conformément aux recommandations de la Charte pour la réforme du système judiciaire, afin d'améliorer ses performances et lutter contre la corruption, a-t-il ajouté, soulignant que les citoyens n'ont pas encore senti les effets de la Charte de la réforme de la justice malgré sa promulgation depuis 2013. Il recommande également d'accélérer le processus de digitalisation des procédures internes, de rendre publiques les décisions judiciaires pour plus de transparence et de créer une plateforme numérique judiciaire qui offre un service judiciaire efficace, rapide et de proximité, y compris la plainte électronique, a poursuivi M. Benmoussa, mettant aussi l'accent sur l'importance de la corrélation de la responsabilité avec le principe de reddition des comptes pour aboutir à un système judiciaire efficace et transparent. Dans ce sens, le président de la CSMD a appelé à corriger les dysfonctionnements entravant le système judiciaire, notamment la difficulté de respecter la hiérarchie des règles juridiques, la faiblesse de l'adaptation des lois nationales aux conventions internationales, l'inapplication de plusieurs lois, ainsi que le fossé entre les lois et la réalité. De son côté, M. Abdennabaoui a fait état d'une crise de confiance entre les citoyens et le système judiciaire, expliquant que cette crise est liée à des problèmes plutôt sociaux que judiciaires et non pas à la performance de la justice. Le Premier président de la Cour de Cassation a ajouté que la crise de confiance actuelle est également liée aux moyens d'évaluation de la performance judiciaire, précisant que l'application de la loi est le seul critère d'évaluation de la performance de la justice. Le CSPJ dispose de mécanismes d'inspection et de contrôle par lesquels il suit les plaintes des citoyens, a-t-il dit, notant que dans plus de 90 pc de ces plaintes, les jugements sont conformes à la loi. Pour lui, la crise de confiance est aussi liée à des facteurs exogènes à la justice car la décision judiciaire implique d'autres intervenants, tels que les avocats, les greffiers et les délégués judiciaires ou encore les plaignants qui inventent parfois des procès fictifs, voire des témoins qui font de faux témoignages, a-t-il expliqué, annonçant la formation de porte-paroles des tribunaux afin d'éclairer l'opinion publique. En ce qui concerne la moralisation de la vie publique, M. Abdennabaoui a mis en avant le rôle important joué par le pouvoir judiciaire. Dans ce cadre, il a rappelé la mise en place d'un numéro spécial au niveau du Ministère public pour recevoir des alertes sur les cas de corruption, notant que les suspects sont immédiatement interpelés indépendamment de leurs postes. Pour sa part, M. Daki a relevé l'existence de dysfonctionnements dans certaines lois encadrant le système judiciaire, auxquels il faut remédier afin de promouvoir l'action judiciaire et rétablir la confiance des citoyens en la justice. Mettant l'accent sur le nombre insuffisant des juges, ce qui impacte négativement la performance judiciaire et empêche des services de qualité, M. Daki a relevé que le juge marocain traite annuellement un nombre important de dossiers qui dépasse la norme internationale adoptée en la matière. Par ailleurs, le président du Ministère public a appelé à affecter un staff spécial de juges du Parquet pour le traitement des plaintes et des doléances, et à augmenter le nombre des magistrats de cette instance pour résoudre la problématique du contrôle des métiers organisationnels confiés au Ministère public, comme la profession des notaires. Il a également évoqué le problème de la notification des procès et des jugements confiés aux délégués judiciaires, considérant que certaines grèves de cette instance perturbent parfois le processus des affaires pénales et engendrent l'accumulation de dossiers judiciaires et entrave la justice. M. Daki a également appelé au renforcement de la formation de toutes les composantes de la justice afin d'améliorer la qualité de la performance judiciaire. Ont pris part également à cette rencontre, le Médiateur du Royaume du Maroc, Mohamed Benalilou, ainsi que des membres de la Commission spéciale sur le modèle de développement.