Le Maroc ne figure plus sur la liste grise de l'UE des juridictions non coopératives à des fins fiscales, a annoncé lundi le MEFRA. Plusieurs dispositions législatives ont été adoptées selon la nature de chaque régime fiscal dans le cadre du processus de réformes entamées depuis la loi de finances pour l'année 2018. Le Royaume s'est engagé à mettre en conformité son système fiscal avec les normes de bonne gouvernance internationales, notamment celles de l'UE. Driss Effina, professeur universitaire et président du directoire du Centre indépendant des analyses stratégiques, indique dans une déclaration à Barlamane.com/fr que le Maroc a modifié sa législation fiscale au travers des réformes importantes au niveau des lois de finances de 2020 et 2021 et ce, afin de l'adapter aux normes fiscales mises en place par l'OCDE pour qu'il soit «green listed». «Il s'agit de deux grandes dispositions qui concernent le régime des exportations et le CFC Casablanca», souligne-t-il. En effet, l'Union européenne considérait principalement que trois régimes fiscaux incitatifs prévus par le Code général des impôts ont été préférentiels et dommageables aux relations avec les États membres de l'UE, à savoir les zones franches d'exportation (ZFE), le régime fiscal des exportateurs et Casablanca Finance City (CFC). Afin de répondre aux normes européennes, la LF 2020 a introduit plusieurs mesures portant d'importants changements du régime fiscal des zones franches. Parmi ces modifications : des taxes de 15% pour l'IS et de 20% pour l'IR appliquées aux entreprises exerçant dans les ZFE après 5 années d'exonération, sans prendre en considération le chiffre d'affaires local ou à l'exportation. De plus, cette période n'est plus accordée qu'aux entreprises ayant entamé le bénéfice de cet avantage avant 2020. Ainsi, l'exonération quinquennale pour les entreprises exportatrices créées à partir de 2020 a été annulée. Quant aux entreprises ayant le statut CFC, elles sont désormais soumises au taux d'IS forfaitaire de 15% après une période d'exonération quinquennale. Le régime fiscal spécifique CFC des sièges régionaux et internationaux a été supprimé. «À travers ces mesures, le Royaume a répondu aux critiques formulées par l'UE qui a jugé déloyales ses fiscalités spéciales. Il s'est aligné sur les principes de la bonne concurrence fiscale loyale qui ont été mis en place par l'OCDE. Et ce sont ces décisions-là qui ont permis au Maroc de devenir green listed», explique le président du directoire du Centre indépendant des analyses stratégiques. «Le gouvernement actuel s'est ainsi plié devant la pression européenne», poursuit-il. L'économiste rappelle dans ce cadre que l'UE est une grande puissance économique qui entretient beaucoup d'échanges, notamment d'importants flux d'investissements directs étrangers (IDE), avec le Maroc. «Le gouvernement a pris cette décision technique, et non économique ou politique, alors qu'elle ne répond pas à ses principaux intérêts économiques, ignorant ainsi l'importance de l'instrument fiscal qui est un vecteur de compétitivité indispensable pour drainer les IDE», fait-il savoir. Il s'agit toutefois, pour notre interlocuteur, d'un arbitrage stratégique. «Ce choix reflète les intérêts économiques de l'UE étant donné qu'il y a actuellement une hémorragie de capitaux bloqués au niveau de ce bloc. Il y a beaucoup de fuites des capitaux. Et c'est pour ces raisons que l'Union européenne a instauré des principes visant à neutraliser le dumping fiscal à l'échelle internationale», détaille le chercheur. Quel impact sur les IDE au Maroc ? Driss Effina rappelle que depuis le début du processus des réformes visant les régimes d'exportation et du CFC Casablanca, une baisse significative des rentrées des IDE a été constatée au Maroc. «Les détenteurs des capitaux étrangers sont en quête de zones à faible pression fiscale et non que de la main d'oeuvre la moins chère. Il y a actuellement quelque 5 000 zones économiques spéciales dans le monde. Un nombre qui est en hausse constante, notamment dans les zones asiatiques et au Mexique. Malheureusement, le Maroc a peu de zones franches et les rentrées des IDE sont très, très faibles», fait-il observer. «Afin de compenser ces pertes, le Maroc doit introduire des réformes fiscales plus importantes pour qu'il garde le même niveau d'attractivité fiscale territoriale dont il disposait auparavant», conclut-il. À noter que la liste grise de l'UE n'a pas de valeur contraignante. Les Etats membres de l'UE demeurent libres de l'adopter. Selon Julien Nouchi, fiscaliste, «seuls les Etats présents sur la liste noire peuvent faire l'objet de mesures défensives (fiscales et non fiscales) de la part des Etats membres de l'UE. Cette liste vise surtout à produire un effet dissuasif sur les Etats listés et à promouvoir l'adoption de normes similaires à celles des Etats membres de l'UE».