L'Europe, via son bras armé économique, le Conseil des Affaires Economiques et Financières (Ecofin), vient d'annoncer sa décision de maintenir le Maroc en zone grise de sa liste internationale des paradis fiscaux. En plus d'être une intrusion dans la souveraineté économique et fiscale du Royaume, la décision de l'UE est vécue comme un affront et une injustice. Malgré les contraintes de l'actuelle crise économique, notre pays n'a en effet pas ménagé ses efforts pour maintenir ses engagements et se conformer à une législation venue d'ailleurs, en dépit de son caractère attentatoire à son libre arbitre en matière de politiques économiques et fiscales. Suite à la convention multilatérale signée en juin 2019 avec l'OCDE, le Royaume a persévéré dans sa démarche de prévention de l'érosion de la base d'imposition, appliquant ainsi les standards minimums en matière d'incitations fiscales et maximums en matière de lutte contre les abus. En parallèle, la loi de finances 2020 a acté la refonte substantielle des régimes fiscaux incitatifs appliqués à l'export, à travers la requalification des zones franches en zones d'accélération industrielle avec le relèvement du taux d'imposition pour les sociétés installées, la suppression de l'exonération quinquennale de l'IS pour les exportateurs et le relèvement du taux d'imposition pour les sociétés exportatrices et celles ayant le statut Casablanca Finance City (CFC). Dernier acte de cette démarche volontariste, la promulgation d'un décret-loi portant réorganisation de CFC où la quasi-totalité des réglages et amendements exigés par l'UE ont été légalement et définitivement actés. Adopté en Conseil de gouvernement le 24 septembre et daté du 30, mais publié avec un retard inexplicable d'une semaine, le 5 octobre, soit la veille de la réunion d'Ecofin, ce décret-loi, à l'instar des nombreuses actions de conformité fiscale introduites par la LF 2020, n'a cependant pas rassasié l'UE qui s'est contentée de nous fixer un nouveau délai pour satisfaire ses attentes, décidément insatiables. Ce qui laisse planer un certain nombre de questions sur les motivations floues de cette pression non soutenable et qui risque de mettre à mal l'attractivité du Royaume en termes d'investissements extérieurs, alors même que nous sommes en pleine zone de turbulences du Coronavirus, avec tout ce qu'elle comporte comme risques de tensions sociales et de pressions migratoires non souhaitables d'un côté comme de l'autre de la Méditerranée. Majd EL ATOUABI