Le président Hassan Rohani a prévenu que l'Iran ne tomberait pas dans le «piège» tendu, selon lui, par Israël. Téhéran réfléchit dimanche à la riposte à donner à l'assassinat, attribué à Israël, de Mohsen Fakhrizadeh, un éminent physicien nucléaire iranien, à qui les autorités rendent un hommage religieux spécial avant son inhumation lundi 30 novembre. Au Parlement iranien, les députés ont signé à l'unanimité un appel à venger le savant. Dans un communiqué, ils réclament aussi l'adoption d'une loi par laquelle l'Iran cesserait d'autoriser l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à inspecter ses installations nucléaires. C'est toutefois le Conseil suprême de la sécurité nationale qui a la haute main sur les décisions relatives au dossier nucléaire. Mohsen Fakhrizadeh a été tué vendredi dans une attaque au véhicule piégé, suivie d'une fusillade contre sa voiture, selon le ministère de la défense iranien. La victime a été présentée comme le chef de son département recherche et innovation, chargé notamment de la «défense antiatomique». De son côté, Israël le présentait comme la tête d'un programme nucléaire militaire secret, dont Téhéran a toujours nié l'existence. Après une cérémonie spéciale dans deux des principaux lieux saints chiites d'Iran (à Machhad, dans le Nord-Est, et Qom, dans le centre), sa dépouille devait transiter par le mausolée de l'Imam-Khomeyni, à Téhéran, pour un nouvel hommage. Selon la télévision d'Etat, l'enterrement est prévu pour lundi à Qom. L'Iran a accusé Israël d'être derrière la mort de Fakhrizadeh Le président Hassan Rohani a affirmé que l'Etat hébreu cherchait ainsi à semer le «chaos» et promis une riposte «en temps et en heure». Mais il a aussi prévenu que l'Iran ne tomberait pas dans le «piège» tendu, selon lui, par Israël. Depuis l'annonce de la victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine, M. Rohani a multiplié les signes d'ouverture montrant sa volonté de sauver ce qui peut l'être de l'accord nucléaire. Ce pacte international offre à Téhéran un allégement des sanctions internationales en échange de garanties, vérifiées par l'AIEA, destinées à attester de la nature exclusivement pacifique de son programme nucléaire. Le président américain Donald Trump, qui a fait de l'Iran sa bête noire, a sorti unilatéralement son pays de l'accord en 2018, trois ans après la conclusion à Vienne de ce pacte que le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, n'a cessé de combattre. «Dissuasion» et «vengeance» Les sanctions imposées ou réimposées par Washington ont plongé l'économie iranienne dans une violente récession et poussé l'Iran à suspendre l'application de la plupart de ses engagements, mais pas l'accès consenti aux inspecteurs de l'AIEA. M. Biden a dit vouloir faire revenir les Etats-Unis dans l'accord de Vienne. Mais il disposera de peu de temps entre sa prise de fonctions (le 20 janvier) et la présidentielle iranienne (18 juin), pour laquelle les conservateurs partent favoris après leur victoire écrasante aux législatives de février aux dépens de l'alliance des modérés et réformateurs soutenant M. Rohani. Dimanche 29 novembre au matin, le président du Parlement, Mohammad-Bagher Ghalibaf, a plaidé pour «une réaction forte» susceptible d'assurer «dissuasion» et «vengeance». Un communiqué signé par tous les députés juge que «la meilleure réponse» face aux actes de «terrorisme et de sabotage» d'Israël, des Etats-Unis et de leurs alliés, est de «relancer la glorieuse industrie nucléaire de l'Iran» en cessant d'appliquer le protocole additionnel de l'AIEA. Appel à détruire le port israélien d'Haïfa Aux termes de l'accord de Vienne, Téhéran a accepté de se plier aux exigences de ce document prévoyant un accès illimité des inspecteurs de l'AIEA à ses installations nucléaires, avant même sa ratification par le Parlement. Depuis vendredi, les plus ultras des conservateurs iraniens crient haro sur les inspecteurs de l'Agence. «Non seulement nous interdirons leurs visites, mais aussi leurs entretiens avec des experts ou des scientifiques», a ainsi déclaré le député Mahmoud Nabavian à l'agence Tasnim. Selon lui, Mohsen Fakhrizadeh a pu être «identifié» par «l'ennemi», soit par du «travail de renseignement», soit par des «entretiens» qu'il aurait pu donner à l'AIEA, et il faut «couper toutes les voie » permettant que des scientifiques iraniens puissent être pris pour cible. Mais Behrouz Kamalvandi, porte-parole de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique, a déclaré samedi, à l'Agence de presse de la République islamique (IRNA), que la question de l'accès des inspecteurs devait être «décidée aux plus hauts niveaux», laissant entendre que ce n'était pas du ressort des députés. Dans un violent éditorial, le journal ultraconservateur iranien Kayhan a appelé à attaquer le port israélien d'Haïfa, de façon à «détruire totalement ses infrastructures» et à faire de nombreux morts s'il est «prouvé» qu'Israël est derrière la mort de Fakhrizadeh.