Donald Trump et Joe Biden étaient engagés dans un duel extrêmement serré qui se prolongeait dans la nuit, sans qu'un vainqueur se dessine entre ces deux candidats aux visions opposées de l'Amérique. Alors que régnait une certaine confusion sur les résultats dans plusieurs Etats-clés, le candidat démocrate devait prendre la parole publiquement à 00H30 mercredi (05H30 GMT) dans sa ville de Wilmington, dans le Delaware, a annoncé son équipe de campagne. Dans des Etats-Unis traversés par des crises sanitaire, économique et sociale d'une ampleur historique, les Américains se préparaient à une longue nuit, voire de longues journées d'attente, à l'issue d'une campagne particulièrement agressive. La vague démocrate, espérée par certains dans le camp Biden qui se prenaient à rêver de victoires historiques en Caroline du Nord, en Géorgie ou encore au Texas, peinait à prendre forme. Le président républicain semble être en passe de faire mentir certains sondages avec une nette avance en Floride, déjà remportée en 2016. Il a aussi gagné l'Ohio, remporté depuis 1964 par tous les candidats qui ont aussi accédé à la présidence. Il espère maintenant déjouer les pronostics qui donnaient Joe Biden favori dans la course à la Maison Blanche. Biden mise sur le Nord « C'est en train d'arriver », a réagi sur Twitter un responsable de son équipe de campagne, Jason Miller. « Nous allons gagner », a répondu le directeur adjoint de campagne de Joe Biden, comme pour confirmer que la guerre des nerfs est engagée. Le démocrate semblait lui bien placé pour l'emporter dans l'Arizona, ex-bastion conservateur, qui deviendrait ainsi le premier Etat de cette élection à changer de camp par rapport à 2016. Le chemin de l'ancien vice-président de Barack Obama vers la Maison Blanche, à défaut de percée dans le Sud, passe par le Nord industriel du pays. L'objectif affiché est de reprendre trois Etats arrachés sur le fil par Donald Trump en 2016: Wisconsin, Michigan, Pennsylvanie. Or dans ces Etats, le dépouillement pourrait se poursuivre mercredi, voire sur plusieurs jours, notamment en raison du niveau record du vote par correspondance. « Si Trump gagne la Floride, la Caroline du Nord et l'Ohio, mais Biden l'Arizona, Biden est favori à 85% dans notre modèle. Mais il y a 6% de possibilités d'une égalité au sein du collège électoral », a tweeté le site spécialisé FiveThirtyEight. Pour l'emporter, un candidat n'a pas besoin d'être majoritaire en voix au niveau national: il doit obtenir au moins 270 des 538 grands électeurs attribués au niveau des Etats. A ce stade de la nuit, le président sortant en dispose de 119 et le démocrate 209. Comme cela était largement anticipé, les démocrates ont gardé le contrôle de la Chambre des représentants, selon les estimations des médias américains. Le sort du Sénat, aujourd'hui contrôlé par les républicains, restait en revanche indécis. Ton mesuré de Trump Sans surprise, les deux candidats septuagénaires ont rapidement engrangé l'essentiel des Etats qui leur étaient promis. L'Indiana, le Kentucky, l'Alabama, l'Idaho ou encore le Tennessee, entre autres, pour Donald Trump. La Californie, la Virginie, New York, le Colorado, le Delaware pour Joe Biden. Dans un tweet envoyé en début de soirée depuis la Maison Blanche, Donald Trump a affiché sa confiance, affirmant que les choses se présentaient « très bien » pour lui à travers le pays. Quelques heures plus tôt, lors d'une visite à un QG de campagne républicain dans la banlieue de Washington, il avait cependant évoqué, fait rarissime chez lui, une éventuelle défaite. « Gagner est facile, perdre n'est jamais facile. Pour moi, ça ne l'est pas », avait dit le milliardaire de 74 ans, la voix fatiguée par une fin de campagne qui l'a vu enchaîner les meetings à un rythme effréné. Joe Biden, 77 ans, a lui refusé, « par superstition », de se livrer à des pronostics, tout en se disant « confiant ». « Virer Trump » Après une campagne beaucoup plus discrète que celle de son adversaire, le démocrate a sillonné mardi l'Etat-clé de Pennsylvanie, où il est né, effectuant une sorte de pèlerinage dans les lieux de son enfance. « De cette maison à la Maison Blanche, par la grâce de Dieu », a-t-il écrit sur les murs du domicile de Scranton où il a passé ses jeunes années. Dans tout le pays, les démocrates qui se sont rendus aux urnes pour l'élire semblaient surtout motivés par leur rejet de l'impétueux président. « Nous voulons un meilleur avenir pour notre pays », dit Rossana Arteaga-Lorenza, 37 ans, venue avec son fils Henry à la soirée électorale « drive-in » où devait s'exprimer Joe Biden à Wilmington. A l'inverse, Roberto Montesinos, un Américain d'origine hondurienne de 71 ans, a fièrement voté pour Donald Trump à Miami: « la pandémie n'est pas de sa faute, celui qui dit ça est un ignorant! », a-t-il lancé en assurant « gagner plus » aujourd'hui qu'il y a quatre ans. Partout les électeurs se méfiaient de l'attitude du camp adverse. « Trump va faire tout ce qui est en son pouvoir pour gagner, c'est effrayant », estimait Megan Byrnes-Borderan, une New-Yorkaise démocrate de 35 ans. Signe tangible des angoisses du pays, les commerces de plusieurs grandes villes, dont Washington, Los Angeles ou New York, se sont barricadés en prévision de possibles violences post-électorales. A New York, devant la célèbre Trump Tower, un impressionnant dispositif de sécurité a été déployé. Mais alors que le vote s'est déroulé globalement sans encombre, la Bourse a terminé en forte hausse, manifestant une certaine confiance des marchés. « L'Amérique d'abord » Pendant des mois, Donald Trump a agité le spectre d'une « gauche radicale » prête à transformer la première puissance mondiale en un « Venezuela à grande échelle ». Joe Biden, soutenu par Barack Obama, multiplie les mises en garde contre les conséquences potentiellement dévastatrices sur les institutions démocratiques d'un second mandat Trump, étrillé comme « le pire président » de l'histoire récente des Etats-Unis. Ce pur représentant de l'aile modérée du parti démocrate a aussi fait de l'élection un référendum sur la gestion de la pandémie par le républicain. Donald Trump n'a cessé d'être rattrapé par cette crise sanitaire, qu'il s'est toujours efforcé de minimiser. Jusqu'à être lui-même contaminé et hospitalisé, début octobre. « Je suis guéri » et « immunisé », martèle-t-il depuis en vantant sa forme éclatante et en moquant celle de son rival. Par contraste, Joe Biden paraît en effet plus fragile. Prompt aux gaffes, cet ancien bègue a encore semblé confus mardi lors d'une prise de parole à Philadelphie, mélangeant ses petites-filles et semblant présenter aux personnes autour de lui son fils Beau, décédé en 2015.