Les effets économiques de la Covid-19 sont "exacerbés" pour les femmes et les filles, au Maroc et ailleurs, écrivent Aomar Ibourk, Tayeb Ghazi et Karim El Aynaoui, respectivement Senior Fellow, économiste et président du Policy Center for the New South (PCNS). "Cette catégorie de la société marocaine, et mondiale, subit de manière disproportionnée les répercussions de la crise de la Covid-19, sur plus d'un aspect de la vie en société", ont-ils relevé dans un rapport publié dans le cadre des "Research papers" du PCNS, intitulé "L'autonomisation économique des femmes au temps de la Covid-19 et d'ailleurs : comprendre pour agir". Les experts du think tank marocain observent que les retombées de la crise de la Covid-19 se manifestent à plusieurs niveaux, dont l'emploi et les revenus, la santé et l'éducation, soulignant que les femmes au Maroc sont "surreprésentées" dans les métiers constituant la première ligne de défense contre la Covid-19. "Elles représentent, en effet, 57% du personnel médical, 66% du personnel paramédical et 64% des fonctionnaires du secteur social", ont-ils fait savoir, signalant qu'elles jouent, alors, un rôle "disproportionné" dans la réponse à la maladie. Évoquant le travail dans les secteurs très touchés par la crise, les auteurs du rapport relèvent que les femmes sont "considérablement" présentes dans ces secteurs, "y compris l'industrie qui compte pour un dixième des emplois féminins, le commerce qui totalise environ 5% des emplois féminins, et 1/10 des emplois des femmes diplômées, ainsi que la restauration et hôtellerie dont 20% des effectifs sont de sexe féminin". Outre le travail en danger, la perte des emplois, les risques de tomber dans la pauvreté ou la vulnérabilité, les experts du PCNS notent qu'"une grande partie des femmes assument, de manière disproportionnée, les tâches domestiques, y compris les soins et le suivi de la scolarisation des enfants". Réparti en trois grandes parties traitant principalement de l'effet de la crise sur la vie des femmes en société, le rapport rappelle que le Maroc s'est engagé dans une longue démarche afin d'atteindre l'objectif de l'autonomisation des femmes. Il note, dans ce sens, les "grands" efforts déployés en matière des droits des femmes. "Au niveau international, le Maroc a ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes puis il a accepté la levée des réserves la concernant. Au niveau constitutionnel, le pays a institué l'égalité, la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination dans la Constitution du 1er juillet 2011", rappelle entre autres le rapport. Revenant sur le taux d'analphabétisme féminin, le trio de chercheurs fait remarquer que celui-ci a connu une baisse "remarquable" au Maroc, diminuant de moitié ces 50 dernières années, pour se situer autour de 40% en 2015, contre 96% en 1960. Le document s'arrête aussi sur le taux de participation des femmes à l'activité économique qui, avec 22,2% en 2018, reste l'un des "plus faibles" dans la région MENA, relevant plus loin que la tendance à la baisse de la participation des femmes à l'activité économique "se confirme d'une année à l'autre alors que leur taux d'activité est passé de 28%, en 2005, à 22,2%, en 2018". Sur le plan international, les experts citent les données du Bureau international du Travail (BIT), qui soutiennent que les femmes sont très présentes dans les secteurs (...) dont l'activité est basée sur la mobilité, les rassemblements ou les chaînes d'approvisionnement. "Pour donner une illustration, les estimations du BIT indiquent une représentation des femmes dans les secteurs les plus touchés allant d'une minimale de 38,2%, dans les secteurs de l'immobilier, les activités administratives et d'affaires, à une maximale, d'environ 54,1%, dans l'hôtellerie et la restauration", fait observer la même source. En conclusion, le rapport estime qu'une analyse positive de la situation actuelle, mais aussi un retour sur le préexistant et sa compréhension sont nécessaires pour "relever les défis imposés par cette crise", soulignant notamment que "l'argument, ou plutôt la conviction, est que la situation des femmes sur le marché du travail ne peut être adressée adéquatement en l'absence d'une telle compréhension".