Le second tour de la présidentielle tunisienne aura lieu le dimanche 13 octobre. Ce scrutin se déroule dans un contexte fébrile, avec l'incarcération d'un des deux candidats, l'homme d'affaires controversé Nabil Karoui. L'instance électorale tunisienne (Isie) a confirmé mercredi 2 octobre que le second tour de la présidentielle aura bien lieu le dimanche 13 octobre et que la campagne électorale débutait jeudi. Ce duel opposera l'homme d'affaires controversé Nabil Karoui, accusé de fraude fiscale et blanchiment et actuellement incarcéré, à l'universitaire indépendant Kais Saied, arrivé en tête le 15 septembre (18,4 %) à la surprise générale. Mardi, la justice a rejeté une nouvelle demande de libération de l'homme d'affaires. Son porte-parole Hatem Mliki a appelé à ce que le second tour de la présidentielle soit suspendu tant que le candidat est en prison. Un éventuel recours pour réclamer un report du second tour est à l'étude, a indiqué un membre du comité de défense mercredi. Lors d'une conférence de presse, Oussama Khlifi, membre du bureau de Qalb Tounes, le parti de Nabil Karoui, a appelé l'Isie à « s'adapter à la situation aujourd'hui qui n'est pas normale ». « L'Isie ne peut ni avancer ni reculer la date des élections, en vertu de la Constitution », a rétorqué le président de l'instance, Nabil Baffoun, lors d'une autre conférence de presse. « Nous avons fait tous les efforts possibles pour garantir l'égalité des chances », a-t-il ajouté. « Nous avons envoyé des courriers au ministère de la Justice, au procureur général et même au juge en charge de l'affaire pour qu'ils laissent à Nabil Karoui la possibilité de s'exprimer dans les médias, voire qu'ils le libèrent ». Nombre de dirigeants politiques et institutionnels avaient appelé à garantir aux deux candidats le droit de faire campagne de façon équitable. Pour les partisans de Nabil Karoui, cela nécessite la libération du candidat incarcéré depuis le 23 août, dix jours avant le début de la campagne pour le premier tour de la présidentielle. Après avoir accusé le Premier ministre sortant et rival Youssef Chahed d'être derrière cette incarcération, ils ont pointé du doigt mercredi le parti islamiste Ennahdha, présenté comme leur principal concurrent pour les législatives de ce dimanche. Les détracteurs de Nabil Karoui soulignent qu'il a pu faire campagne par l'intermédiaire de la chaîne de télévision qu'il a fondée, Nessma, l'une des principales chaînes privées de Tunisie, et par le biais de son association caritative Khalil Tounes. Le président par intérim Mohamed Ennaceur a de nouveau appelé à « garantir l'égalité des chances entre les deux candidats », et convoqué une réunion avec la puissante centrale syndicale UGTT et l'organisation patronale Utica, pour évoquer les moyens de créer un « un climat propice pour protéger le processus démocratique ». L'incarcération d'un des deux finalistes fragilise la crédibilité de la deuxième élection présidentielle au suffrage universel de l'histoire d'un pays où la démocratie obtenue dans la rue en 2011 est encore en cours de consolidation. Ces rebondissements font passer à l'arrière plan les législatives de dimanche, pourtant cruciales pour dessiner le paysage politique tunisien des cinq prochaines années. Sept millions de Tunisiens sont appelés à élire leurs députés le 6 octobre. Plus de 1 500 listes, comprenant plus de 15 000 candidats, se disputent les 217 sièges de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Contrairement à 2014, lorsque Ennahdha et Nidaa Tounes, les deux partis dominants, s'étaient partagé le pouvoir, l'issue de ces législatives est incertaine. La publication des sondages est interdite. Mais selon des études officieuses, les listes indépendantes pourraient arriver en tête, devant le parti de Nabil Karoui et Ennahdha, suivis de mouvements comme Aïch Tounsi ou encore Karama, mené par l'avocat islamiste populiste Seifeddine Makhlouf. Le Parti destourien libre, porté par l'avocate anti-islamiste Abir Moussi, pourrait faire un meilleur score que les 4 % de sa chef de file à la présidentielle