La situation du candidat emprisonné Nabil Karoui, qualifié pour le second tour de la présidentielle tunisienne, soulève nombre d'interrogations juridiques quant aux scénarios possibles en cas d'élection et/ou de condamnation de l'homme d'affaires. Un président peut-il être élu alors qu'il est en prison ? Le débat agite la Tunisie depuis que l'un des favoris, l'homme d'affaires Nabil Karoui, a été placé en détention provisoire avant le début de la campagne présidentielle. La controverse juridique et constitutionnelle a gagné en ampleur avec le succès du candidat pour le second tour, dimanche 15 septembre. Au soir du premier tour, l'Isie, l'instance chargée d'organiser les élections, évoquait un vide constitutionnel. France 24 fait le point et démêle les scénarios possibles quant au devenir du magnat des médias. Nabil Karoui, en détention depuis le 23 août, est sous le coup d'une enquête pour blanchiment d'argent et fraude fiscale. Jusqu'ici, le candidat s'est appuyé notamment sur sa femme, Salma Smaoui, pour faire campagne. La qualification au second tour de l'entrepreneur de 56 ans soulève toutefois un véritable casse-tête juridique : comment imaginer un président condamné, pour corruption qui plus est ? L'Isie, pour sa part, s'appuie sur la présomption d'innocence. Elle souhaite que la justice tranche. Cependant, la justice refuse pour le moment de prendre une décision. Le juge d'instruction chargé de l'affaire a en effet refusé de statuer sur sa demande de libération mercredi 18 septembre, en se déclarant incompétent. C'est déjà la troisième juridiction tunisienne à prendre cette décision. La chambre d'accusation de la cour d'appel et la Cour de cassation avaient fait de même. Cependant, l'heure tourne et la fin de la période électorale approche alors que le président de l'Isie, Une absence de décision qui pourrait amener à plusieurs scénarios Si la date du 13 octobre venait à se confirmer, la tenue du procès de Nabil Karoui avant le second tour apparaît hautement improbable au vue de la complexité du dossier et des délais. Néanmoins, être condamné ne l'empêcherait pas d'être président, selon Mohamed Tlili Mansri, membre de l'Isie : une peine de prison ne constitue pas un empêchement pour être un candidat ou même gagnant des élections en droit tunisien, à condition que le jugement ne prévoit pas de déchéance des droits civiques et politiques. Au cas – toujours possible – où Nabil Karoui écope entre les deux tours d'une condamnation le privant de ses droits civiques, « il faudra se passer de lui, et organiser un second tour avec le candidat arrivé en troisième position », estime un autre responsable de l'Isie, Adel Brinsi. À savoir Abdelfattah Mourou, le candidat du parti d'obédience islamiste Ennahda. En Tunisie, le président dispose d'une immunité présidentielle. Cependant, pour que celle-ci soit accordée à Nabil Karoui, il faudrait qu'il soit en mesure de prêter serment et donc de sortir de La Monarguia, dans la banlieue de Tunis. Et même si cette faveur lui était accordée, elle ne règlerait pas tout, avertit Ibrahim Bouslah. La mission de l'UE a qualifié de « transparent » le premier tour de l'élection présidentielle. Toutefois, elle a appelé à ce que les candidats aient « pleinement les mêmes chances » de faire campagne, une allusion apparente à Nabil Karoui. « Tout en reconnaissant l'indépendance du pouvoir judiciaire, la Mission constate que les autorités concernées n'ont pas pris les mesures nécessaires permettant à tous les candidats de mener campagne dans le respect du principe d'égalité des chances prévu par la loi tunisienne » indiquent-ils dans un communiqué. « Ce qui est important pour nous, c'est d'assurer que la campagne donne pleinement les mêmes chances à tous les candidats : s'ils ont le statut de candidat, ils doivent en avoir les droits et aussi les devoirs. »