Le challenge des 10 millions de touristes que le Maroc s'est fixé à l'horizon 2010 passe, assurément, par de nombreux chantiers. Parallèlement, une nouvelle approche de la gestion de l'immobilier de loisir s'impose. Said Zarrou, ancien Directeur du Projet CABO NEGRO (ONA) et actuel Directeur du Projet BOUZNIKA BAY (BCM) - Directeur général de la société de gestion SOGESITES nous en trace les contours. ALM : En tant qu'opérateur touristique, quel regard portez-vous à l'égard de la politique menée dans ce sens, notamment le plan Azur ? Said Zarrou : La réflexion menée par le ministère du Tourisme est excellente. La stratégie 2010 dote le secteur en entier d'une vision claire propice aux investissements nécessaires. Toutefois, je pense qu'en parallèle, cette stratégie doit être accompagnée d'une action visant le développement de l'existant. De nombreuses stations, Cabo Negro, Marina smir, Kabila et bien d'autres, sont déjà des aménagements opérationnels qu'il faudrait entretenir et développer davantage. A ce niveau, une gestion aux normes internationales de ces sites par des sociétés spécialisées s'impose. Cette gestion va de simples tâches quotidiennes (nettoyage, gardiennage, éclairage public etc.) à des missions plus spécifiques (entretien des habitations, gestion locative pour le compte des propriétaires, animation etc.). Par ailleurs, le patrimoine immobilier de loisirs existant, aux dires des spécialistes mondiaux, est important. Reste à mieux l'organiser afin d'en faire une locomotive réelle du tourisme local et d'attirer une clientèle étrangère. Le stock de villas et d'appartements inoccupés est tellement conséquent que la politique actuelle des hôtels est à reconsidérer dans le temps. Une exploitation optimale du patrimoine existant et éventuellement son amélioration serait le premier pas vers un développement concret du tourisme. Néanmoins, le développement de nouveaux sites touristiques, notamment pour les régions ciblées par le plan Azur, est une nécessité stratégique dans la perspective d'atteindre les objectifs de la politique menée dans ce sens. Justement, quel est, selon vous, le mode de gestion le plus approprié pour la gestion d'un site touristique ? Le but d'une telle gestion est d'assurer par le biais de sociétés spécialisées, une qualité de service quotidien irréprochable, tant au niveau du nettoyage et entretien des équipements publics que de la sécurité. Il n'est pas question à ce niveau de se substituer aux communes, mais d'instaurer de vraies relations de partenariat. D'après mon expérience dans ce domaine, au Nord et actuellement à BOUZNIKA BAY, de telles relations sont tout à fait envisageables même en l'absence de textes juridiques régissant la gestion de ce type de site et les relations du gestionnaire avec les pouvoirs publics et ce, grâce à la bonne volonté des responsables en places. Une action a été déjà amorcée à ce niveau dans le cas du site BOUZNIKA BAY. Une étude menée par des Cabinets d'experts marocains et étrangers a été élaborée, mais malheureusement en l'absence de textes juridiques appropriés, elle reste inapplicable sur le terrain. Des contacts ont été établis avec les administrations concernées afin de mettre en place des textes spécifiques à la gestion des sites. De tels textes sont de nature à fixer un périmètre d'action propre à ces sociétés de gestion et ouvrir par là même, un champ d'exercice renforçant l'action de telles entités. Ailleurs, la gestion s'étend à la gestion du parc immobilier. Pensez-vous qu'une ouverture serait envisagée vers la gestion de l'immobilier de loisir en totalité ? Il est effectivement inacceptable d'avoir une résidence et d'être obligé de la fermer en fin de saison estivale. Le manque de prestataires en gestion locative est flagrant. Il faut savoir que ces sociétés sont des moteurs du développement touristique. Cependant, sans cadre juridique précis et sécurisant ainsi qu'un encouragement direct de l'Etat, les propriétaires de biens dormants ne verront pas nécessairement d'intérêt évident à recourir à de telles prestations. Quelles sont les formes que doivent revêtir ces encouragements? L'Etat pourrait consentir des encouragements multiples en jouant sur le levier fiscal. Des exonérations fiscales, à l'image du plan Azur, sont de nature à susciter l'intérêt et attirer les investisseurs. Ces mesures doivent bénéficier aussi bien aux propriétaires, sous formes de réductions conséquentes de taxes urbaines et celles d'édilité, qu'aux gestionnaires sans oublier le principal volet de l'animation qui fait, malheureusement, encore défaut à tout le secteur. Toutefois, des gardes-fous sont indispensables afin de se prémunir de tout abus. Un contrôle à tous les niveaux est le gage de réussite mais surtout de pérennisation de ce concept novateur. L'animation, étant l'une des principales raisons poussant notamment les Marocains à passer leurs vacances de l'autre coté de la Méditerranée est au stade embryonnaire. Comment faire pour susciter son envol ? Il est clairement prouvé qu'un privé opérant dans l'animation ne peut pas, sur deux mois d'exercice, rentabiliser un investissement de quelques millions de dirhams. C'est pourquoi, s'inspirant de ce qui s'est fait ailleurs, un apport conséquent de l'Etat au départ est un passage obligé. Des budgets dédiés à l'animation sont à mettre en place via l'Office du Tourisme notamment. Ensuite, grâce aux nouveaux mécanismes du marketing dont le sponsoring est l'un des principaux vecteurs, le privé prendrait assurément le relais. Ce qui est urgent actuellement, c'est de penser à organiser le secteur touristique tout en installant en parallèle des parcs d'attractions. À mon sens, cinq grands parcs dans différentes régions du Royaume sont indispensables. Le meilleur exemple reste le parc de Marne La vallée. Un retour sur investissement conséquent pour toute la région (emplois, rentrées fiscales etc.) est venu récompenser des concessions foncières et fiscales initiales. Appliquée au Maroc, cette approche est de nature à instaurer une dynamique réelle pour le tourisme local, familial en provenance des pays du Golfe notamment, tout en attirant par ailleurs les touristes étrangers avec la composante supplémentaire du culturel et de l'historique. Je tiens à préciser que la politique balnéaire, par la force des choses, ne se cantonne pas à la mer. Il ne s'agit pas pour nous de créer de nouveaux concepts mais de nous rapprocher de spécialistes mondiaux dans l'animation et de les encourager à installer au Maroc leurs concepts en les adaptant à la réalité marocaine (riche de sa diversité culturelle, historique etc.). L'idée d'un parc « Maroc miniature », à l'instar de « France miniature », serait dans ce contexte un exemple entre mille autres.