Les ouvrières saisonnières sont non seulement recrutées dans des conditions discriminatoires mais elles sont également exploitées et se retrouvent à la merci totale des employeurs C'est à Huelva, en Andalousie que des milliers de femmes marocaines se voient dépêcher annuellement pour travailler dans la cueillette de la fraise. D'après un rapport de la Fédération internationale des Ligues des droits de l'Homme (FIDH), ces ouvrières saisonnières sont non seulement recrutées dans des conditions discriminatoires mais elles sont également exploitées et se retrouvent à la merci totale des employeurs à cause d'un système de recrutement «à la source». En effet, c'est dans le but à la fois de subvenir aux besoins en main-d'oeuvre, et de réguler les flux migratoires, que notre voisin du Nord a adopté ce système de recrutement. Les ouvrières sont convoyées depuis leurs pays d'origine puis réparties dans les plantations. Jusque-là, tout est dans les normes. Seulement, en flagrante violation des droits humains, ces femmes sont obligées de signer un engagement de retour au pays une fois que la saison de la fraise ait pris fin. Ce rapport intitulé «Main-d'oeuvre importée pour fraises exportées» note que, «le recrutement à la source ne concerne désormais que les travailleuses marocaines». En effet, avec l'entrée dans l'Union européenne des habituels viviers de recrutement de l'Espagne (la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie), la liberté de circulation de leurs ouvriers n'est plus restreinte. En plus de la violation du droit de circulation, ce système est conjugué à un cadre juridique peu protecteur pour les travailleurs agricoles saisonniers en Andalousie. Chose qui induit des atteintes aux droits des travailleurs. La FIDH fustige les «critères d'embauche discriminatoires » qui président à leur recrutement, car ils sous-entendent que «l'idée que les femmes sont plus travailleuses et créent moins de problèmes». Pire encore, les conditions imposées par les agences de recrutement sont aberrantes. Depuis 2006, toutes les agences ANAPEC du Maroc, au moment du recrutement affichent des critères discriminatoires : «femmes de 18 a 45 ans, mariées, veuves ou divorcées avec des enfants de moins de 14 ans a charge». Dans ce système, les femmes mariées doivent faire cosigner leur demande d'emploi par le mari. Une mesure qui viole clairement la liberté de circulation des femmes, telle que protégée par les instruments internationaux ratifiés par le Maroc et depuis 2004, par la Moudawana. Pour ce qui est des femmes célibataires, elles ne sont pas acceptées et voient leurs demandes rejetées dans l'immédiat. Il est à noter également que les femmes marocaines recrutées pour la cueillette des fraises sont particulie rement vulnérables. Il s'agit de femmes de milieu rural souvent analphabe tes qui ne parlent que l'arabe dialectal voire pour certaines uniquement l'amazigh, et qui se trouvent donc incapables de s'approprier leurs droits ni de les réclamer. Dans ce sens, les jours non travaillés n'étant pas rémunérés, il n'existe pas de garantie de revenu minimal pour ces femmes. Or les journées non travaillées sont de fait nombreuses, la récolte de la fraise étant soumise aux aléas climatiques, et la main-d'oeuvre présente sur place souvent très abondante par rapport aux besoins moyens pendant la saison. Par ailleurs, les règles de représentation syndicale empêchent tout type de représentation des saisonniers agricoles qui ne peuvent quasiment jamais répondre aux conditions d'ancienneté requises. Ainsi, si ces femmes bénéficient de séances de sensibilisation organisées par l'ANAPEC avant leur départ, celles-ci sont tre s générales et abordent tre s peu les questions des droits de travail. Une situation qui fait de ces ouvrières, une fois passées de l'autre côté, des vraies prisonnières à la merci de leurs employeurs