Le politologue Mohamed Darif estime que la nouvelle Constitution contient tous les ingrédients pour crédibiliser les partis politiques et responsabiliser le corps électoral. ALM : Peut-on dire que l'Institution royale a renoncé à certains de ses pouvoirs dans le cadre de cette réforme ? Mohamed Darif : Depuis le début, il y a eu deux thèses qui s'affrontent. La première thèse plaide pour la mise en place d'une monarchie parlementaire où le Roi garde un statut symbolique. La deuxième thèse prône un changement à travers des réformes institutionnelles et politiques. Ceux qui défendent cette thèse disent que la monarchie parlementaire n'a pas une seule signification. C'est-à-dire qu'on peut instaurer une monarchie démocratique sans que le Roi ne cède tous ses pouvoirs. On peut dire que le discours du 9 mars s'inscrit dans cette deuxième thèse, c'est-à-dire la mise en place d'un régime démocratique qui a un caractère parlementaire mais sans toucher aux prérogatives du Roi. Il s'agit d'une interprétation qui rompt avec la vision un peu traditionnelle et dépassée de la monarchie parlementaire qui ne prend pas en considération les spécificités du pays et qui ne prend pas au sérieux les défis à relever. L'essentiel aujourd'hui ce n'est pas de dire que le Roi a cédé une partie de ses prérogatives. L'essentiel c'est qu'il y a un redéploiement des pouvoirs. Quelle est la place du Roi et du chef du gouvernement dans cette nouvelle Constitution ? En fait, la nouvelle Constitution n'a pas affaibli la place du Roi. Le nouveau texte cherche à consacrer une équation où le Roi peut garder ses prérogatives tout en renforçant celles du gouvernement et du Parlement. La fonction de la Constitution c'est de réguler le fonctionnement des institutions et de garantir les droits et les libertés des citoyens. Mais la nouveauté apportée par le nouveau texte c'est qu'il clarifie les règles du jeu. D'ailleurs, les trois caractéristiques de la monarchie parlementaire existent dans la nouvelle Constitution. A savoir le parti qui remporte les élections législatives c'est lui qui est appelé à former le gouvernement, le gouvernement est responsable devant le Parlement et le chef du gouvernement qui est habilité à dissoudre le Parlement. Mais ceux qui disent qu'il ne s'agit pas d'une monarchie parlementaire ont également raison à partir du moment où ils se basent sur les fondements du parlementarisme, étant donné que le Roi conserve assez de pouvoirs dans le nouveau texte. Qu'en est-il du volet concernant les droits de l'Homme ? Le volet ayant trait aux droits de l'Homme et à l'exercice des libertés est très important. On peut même dire que la nouvelle Constitution est une Constitution des droits et des libertés. Pratiquement, on a constitutionnalisé tous les droits de l'Homme et libertés qui existent. On ne peut pas demander plus. C'est presque parfait. Dans quelle mesure le nouveau texte permettra-t-il de renforcer la pratique démocratique au Maroc ? Je crois que le Maroc vient de déclencher l'étape de la transition démocratique. Cette nouvelle Constitution va réussir cette transition à partir du moment où il contient tous les ingrédients pour crédibiliser les partis politiques qui sont appelés à incarner le multipartisme et responsabiliser le corps électoral. D'ailleurs, le Roi a fait allusion dans son discours au fait qu'il s'agit d'un processus graduel.