Tout aurait pu continuer comme avant à Tétouan si un important capo de la drogue, de la contrebande, de l'immigration clandestine et de la traite des blanches, un dénommé Mounir Erramach, un Marocain portant aussi la nationalité espagnole, n'avait pas été interpellé. Du coup, Tétouan se réveille avec la gueule de bois. Ses habitants n'en reviennent pas. Comment ose-t-on s'attaquer à un monsieur de cette trempe ? Car, Erramach n'est pas n'importe qui. Il est l'héritier d'une grande fortune. Son père était lui-même un gros bonnet de la drogue. Il a grandi dans un milieu protégé et tout à fait propice à une prédestinée comme la sienne. Dès l'âge de onze ans, il faisait ses premières connaissances avec la police judiciaire. Pourquoi s'étonnait si, à 23 ans, il est un richissime homme d'affaires qui a tout le monde à sa botte, police, gendarmerie, juges, douaniers et élus. Le capo arrêté est un proche de tout ce qui compte dans cette région frontalière de l'Europe, important carrefour du trafic de drogue. Un hors-la-loi de haute volée qui alimente le Nord Maroc et le Sud Espagne en investissements, fait travailler beaucoup de monde, brasse d'énormes capitaux et surtout il fait peur. Il aura suffi d'un discours royal, celui du Trône, pour que la machine judiciaire se mette en branle et pour que l'Etat retrouve enfin ses droits dans une zone gérée jusqu'à cette date en zone de non-droit où tout s'achète, tout se monnaie et où la vie humaine ne tient qu'à un fil. C'est une arrestation historique qui marque un tournant dans la construction de l'Etat de droit. Car, rappelons-le, toute la partie septentrionale du Maroc est devenue dépendante du cartel de la drogue, ce qui mine l'Etat et fragilise le tissu social. Les Marocains ont aujourd'hui les yeux rivés sur le Nord pour voir quelles seront les mesures qui vont accompagner ces arrestations pour sortir ces régions de l'exclusion qui les frappe depuis des décennies. En tant que processus historique, la lutte contre les trafics et la corruption est trop vaste et trop complexe pour s'accommoder de jugements sommaires. Il serait plus judicieux de tenter de la cerner en s'attachant à déterminer les responsabilités réelles. Dites-nous où se trouvent au Maroc les endroits où les trafics, en tout genre, ne regorgent pas de connexions en réseaux, de transactions financières, de complicités des plus hautes sphères de l'Etat, de népotisme et d'enrichissement illégal. C'est la définition que donnent les Etats-Unis à l'Etat-voyou. Il semble qu'aujourd'hui, tout cela relève de l'histoire ancienne. SM Mohammed VI a pris les choses en main pour redonner à l'Etat tous les moyens pour jouir efficacement et durablement de toutes ses prérogatives, pour en finir avec les zones de non-droit, de pauvreté et surtout des conditions objectives qui nourrissent la future génération de terroristes locaux et planétaires. Car, c'est aussi de cela qu'il s'agisse : À croire le « Daily Telegraph », qui cite un rapport officiel du gouvernement britannique, « pendant longtemps, le commerce de contrebande qui accompagne le trafic de cannabis a prospéré au Nord-Maroc. Mais, maintenant, et depuis le 16 mai, quand les attaques kamikazes ont tué plus de 40 personnes à Casablanca, tout est sur le point de changer ». Un rapport qui a circulé parmi les hauts fonctionnaires marocains et les chancelleries occidentales laisse entendre que certains bénéfices du cannabis financent le terrorisme islamique. « Il est dit que des cellules terroristes, basées à Tanger, Tétouan, Nador et Oujda, notamment, ont été impliquées dans l'industrie de contrebande de drogue », déclare une source diplomatique occidentale citée par le «Daily Telegraph». Le directeur d'un programme anti-drogue de l'U.E.,a indiqué que « si à l'avenir le Maroc ne règle pas ce problème, il fera face à la probabilité d'un séparatisme croissant dans le Rif et d'une croissance de terrorisme islamique plus généralement ». « C'est un secteur potentiellement explosif ». Selon la même source, les contrebandiers qui viennent s'approvisionner sont impliqués non seulement dans le commerce du hachich à travers le détroit de Gibraltar mais également dans l'organisation de l'immigration clandestine. Tous les ingrédients se trouvent ainsi réunis dans cette région hautement stratégique pour plusieurs parties prenantes. Le Maroc, bien évidemment, mais également les Etats-Unis, l'OTAN, l'UE et l'Espagne. Tous ces centres de décision réunis doivent comprendre, et il semble que c'est désormais le cas, que s'ils n'entreprennent pas d'exporter leur sécurité vers cette région, c'est elle qui, de plus en plus, exportera sa dérive vers eux, sous forme de terrorisme et d'autres instabilités.