Selon M. Darif, il faut consacrer l'indépendance de la justice pour finir avec la détention politique. ALM : Quelle est la réalité de la détention politique au Maroc aujourd'hui? Mohamed Darif : Il y a une volonté expresse du Maroc de rompre avec le passé et de se débarrasser de ses maux. Cette grâce n'est pas épisodique. Actuellement, il y a une dynamique favorisée par un contexte global. Ainsi, tous les facteurs convergent vers les réformes institutionnelles et politiques mais celles-ci n'auraient aucun sens si un terme n'est pas mis au dossier de la détention politique qui était causé par l'interférence de divers facteurs, notamment le fait que des acteurs politiques avaient intérêt à éliminer toute différence d'opinions dans la société. Il est aussi question de l'absence de gouvernance sécuritaire et du manque d'indépendance de la justice. Le fait de s'attaquer à ces problèmes permettrait d'endiguer le fléau. Comment peut-on régler ce problème? Il reste beaucoup à faire. Le problème au Maroc c'est qu'il y a une guerre d'interprétation de part et d'autre. Les militants des droits de l'Homme et l'opinion publique considèrent que les détenus depuis 2003 sont des détenus politiques, et ont toujours pointé du doigt l'absence des conditions d'un procès équitable. Alors que les autorités sécuritaires considèrent que ces détenus ont menacé la stabilité et l'ordre public du pays et incité à la violence. Ainsi il y a une guerre d'interprétation qui cache une guerre d'intérêt. Mais il ne faut pas négliger les réserves des uns et des autres. Quel sera l'apport de la réforme constitutionnelle ? Ce chantier contribuera à régler ce dossier et donnera confiance aux activistes et aux forces politiques dont le combat pour les libertés individuelles et collectives ne devra pas s'interrompre. Mais la démocratie à elle seule ne peut pas mettre un terme à ce dossier. Toutefois, elle peut limiter les dégâts. Il faut donc consacrer la gouvernance sécuritaire, et définir les règles et une vision claire de la liberté d'expression, des libertés individuelles et collectives.