L'AMRTV a procédé, samedi 16 avril à Hay Mohammadi, à l'inauguration d'un centre médical multidisciplinaire au profit des victimes de la torture. Le président de l'Association explique les raisons de la création du centre ainsi que ses objectifs. ALM : Pourquoi avoir créer ce centre à Casablanca? Abdelkrim Manouzi : La création de ce centre s'inscrit dans le cadre des projets relatifs à la réparation communautaire qui sont en cours d'exécution dans 11 régions. Cette structure a été créée suite à l'absence d'une prise en charge des victimes de torture et de la détention arbitraire par les structures de l'Etat. Les médecins qui ont assuré jusqu'alors à titre militant l'accueil et le suivi des victimes ont pris l'initiative, dans le cadre de la stratégie intégrée de réadaptation et de réhabilitation des victimes de la torture, de mettre en place un centre autonome de soins. Ce projet était prévu depuis deux ans. Et nous avons eu, il y a 6 mois l'approbation pour la création du centre médical multidisciplinaire. Le montant global de ce projet est de 500.000 DH, une somme relativement modeste pour venir en aide aux nombreuses victimes. L'Etat a mis à notre disposition le local qui est un ancien commissariat délabré. 70.000 DH ont été nécessaires pour rénover le local. L'ouverture de ce centre a été rendue possible grâce au soutien du CNDH, de l'UE et de la Fondation CDG. Ce projet d'une année se limite à Hay Mohammedi. Par la suite, nous espérons trouver les moyens financiers pour pérenniser ce projet. Comment s'est fait le choix pour Hay Mohammadi ? Ce choix n'est pas un hasard. Au contraire, Hay Mohammadi est connu pour être un quartier qui a été souillé par les années de plomb où des milliers de détenus politiques ont été victimes des pires atrocités. Ce quartier a vécu un véritable cauchemar en abritant le centre de torture de Derb Moulay Chrif. Quels sont les bénéficiaires du centre ? Ce centre cible les victimes de torture des années de plomb, les femmes victimes de violence ainsi que les personnes handicapées. Le centre propose une prise en charge médico-psycho-sociale des victimes souffrant des séquelles de tortures et des violences politiques subies. Cette structure d'une superficie de 130 m2 comprend deux unités : une unité de psychiatrie avec une prise en charge psychologique des victimes et une unité de rééducation en kinésithérapie. L'objectif de l'Association est d'apporter des soins appropriés et un soutien complémentaire, et social aux victimes donc une réponse globale aux effets dévastateurs, multiples et profonds de la torture. Cette nouvelle structure est-elle en mesure de faire face aux besoins ? Nous sommes conscients que la présence d'un seul centre de soins à Casablanca ne suffit pas pour faire face aux besoins des personnes souffrant des séquelles de la torture et de la violence politique. C'est la raison pour laquelle nous accordons une importance primordiale aux formations et au transfert de compétences et ce à travers des séminaires de formations organisés avec l'Organisation médecins du mondes. Cette initiative vise à former des personnes qui seront à l'écoute et pourront prendre en charge les victimes. Nous revendiquons la création d'un centre national de réhabilitation des victimes de torture et des années de plomb. Nous avions soumis cette revendication à l'IER du temps de feu Driss Benzekri. Celle-ci avait été adoptée mais elle est restée sans suite. Cette structure permettra de tourner la page du passé. Une première initiative du genre à Casablanca L'objectif de ce projet, qui s'inscrit dans le cadre du Programme de réparation communautaire, est de permettre aux victimes de violence de bénéficier de soins médicaux, de santé mentale et de rééducation en kinésithérapie. Les services du centre, réalisé grâce au soutien de la coordination locale du programme à Hay Mohammadi, ciblent notamment les handicapés mentaux et physiques et les victimes de toutes formes de violences (tortures, violences familiales, agressions) habitants du Hay Mohammadi. Plusieurs activités sont prévues dans le cadre de ce projet, dont cinq permanences hebdomadaires en soins et en rééducation en kinésithérapie, la mise en place d'équipes médicales et d'assistants (es) sociaux (les) pour assurer l'accompagnement, le suivi personnalisé des personnes souffrantes, l'organisation de sessions de formation sur les besoins des victimes de violence ainsi que des campagnes de sensibilisation pour garantir une meilleure intégration des personnes victimes de violence. Dans une déclaration à la presse, le secrétaire général du Conseil national des droits de l'Homme, Mohammed Sebbar, a indiqué que cette initiative est la première du genre au niveau de Casablanca et que d'autres initiatives et projets seront entamés dans plusieurs régions du Royaume qui ont connu des formes de violation des droits humains, ajoutant que malgré la modestie de ces projets, leurs significations sont grandes et profondes. Pour sa part, le président de l'AMRTV, Abdelkrim Manouzi, a déclaré que ce centre «profitera aux femmes victimes de violence, aux handicapés et aux victimes de la torture des années de plomb». Cette antenne de l'AMRTV a vu le jour grâce aux efforts des militants(es) des droits humains et au soutien du CNDH, la Fondation CDG, l'Union européenne, les services de la préfecture de Hay Mohammadi-Ain Sebaa, de l'Arrondissement de Hay Mohammadi et l'Entraide nationale. Il est à rappeler que l'IER avait proposé un programme de réparation communautaire qui vise la réhabilitation des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux des régions concernées (les régions de Figuig, Errachidia, Ouarzazate, Zagora, Tan Tan, Azilal, Khemissat, Al Hoceima, Nador, Khénifra et Hay Mohammadi à Casablanca). Les actions réalisées dans le cadre de ce programme s'articulent autour des quatre axes suivants: Le renforcement des capacités des acteurs locaux, la préservation positive de la mémoire, l'amélioration des conditions de vie de la population (amélioration des services, désenclavement, activités génératrices de revenus et protection de l'environnement), et la promotion des droits des femmes et des enfants.