Depuis quelques jours, une mystérieuse sculpture est exposée dans le hall de l'immeuble d'ingénierie et d'arts visuels de l'université Concordia à Montréal. Il s'agit d'une sculpture représentant deux personnages nus, accroupis, avec des crânes disproportionnés. Cela fait plus de dix ans que des chercheurs essaient de savoir d'où et de quelle époque elle est originaire, mais toujours sans succès. D'où l'idée, dans un élan quelque peu désespéré, de l'exposer au grand public en vue de trouver, éventuellement, quelques réponses aux multiples questions que l'on se pose à son sujet. En 1999, Olga Diniacopoulos, épouse de Vincent Diniacopoulos, un Grec qui a élu domicile à Montréal dans les années 1940 et qui est décédé en 1967, a décidé d'offrir la collection familiale d'antiquités méditerranéennes à l'université Concordia. La collection avait alors été récupérée par un chercheur de l'université Concordia et vendue à divers musées et à des collectionneurs canadiens pour financer les études d'un certain nombre d'étudiants. Une seule œuvre est restée en possession de l'université Concordia. C'est cette fameuse sculpture mystérieuse intitulée «Les affamés de Saqqarah». Vincent et Olga Diniacopoulos l'ont ramenée d'Egypte vers le Canada dans les années 1950. On pense qu'elle est originaire de Saqqarah, une grande nécropole de Memphis, l'ancienne capitale de l'Egypte, mais rien n'est moins sûr. Est-ce une antiquité rarissime ou un simple bidule sans valeur? Est-ce une œuvre d'une valeur inestimable ou du toc? De quelle époque est-elle? De quelle région exactement? Est-ce un rare objet égyptien datant des temps d'avant les pharaons ou une simple contrefaçon? Personne ni aucune autorité n'a été capable de trouver la réponse. Ni l'université de Cambridge, ni le British Museum, ni le Musée de Brooklyn, ni le Musée des beaux-arts de l'Ontario n'ont pu percer son mystère. L'œuvre que vous pouvez voir sur Internet (http://cmll.concordia.ca/diniacopoulos/csi/) est à base de calcaire. Elle comporte des inscriptions dans une langue qui a l'air très ancienne mais qui reste si inintelligible qu'aucun expert n'arrive à identifier. Ce n'est ni de l'araméen, ni de l'égyptien démotique, ni du syriaque, ni rien de connu. «Soit elle a été enfouie dans un tombeau datant d'avant les dynasties pharaoniques, soit elle est purement et simplement fausse», dit-on. Mais l'historien de l'art suisse Jean-Jacques Fiechter affirme que : «un marchand expérimenté et grand connaisseur de l'art égyptien comme Diniacopoulos n'aurait pas acheté ce groupe s'il ne l'avait pas considéré comme authentique, ni pris la peine de l'expédier à grands frais au Canada». En effet, Vincent Diniacopoulos était, semble-t-il, un fin connaisseur en matière d'œuvres égyptiennes dont il avait amassé un grand nombre toutes aussi importantes les unes que les autres. Mais ce qui m'étonne le plus, c'est le fait qu'une œuvre d'art ait plus d'importance par son histoire que par elle-même…