La participation marocaine au Salon international du tourisme a pris fin le 1er février. Si les déclarations des responsables du tourisme national parlent de lendemains enchanteurs pour le secteur, les professionnels de l'hôtellerie, quant à eux, sont sceptiques. Le souci du nombre l'emporte sur celui des recettes. Dans un climat marqué par une crise structurelle que connaît le tourisme mondial, quelle stratégie devrait-on adopter pour assurer une bonne place à la destination Maroc ? Les ambitions ne manquent pas, les investissements dans l'industrie hôtelière vont bon train. Reste à se poser la question sur la promotion du pays. Une question à laquelle les professionnels du secteur se sont attelés, lors du Conseil d'administration de la Fédération nationale de l'industrie hôtelière, tenu la semaine dernière à Fès. Une promotion pour laquelle une forte délégation marocaine a fait le déplacement à Madrid, dans le cadre du Salon international du tourisme de Madrid, entamé mercredi 28 janvier et qui a pris fin le 1er février. Une délégation menée par la directrice de l'Office national marocain du tourisme (ONMT), Fathia Bennis et dont l'objectif n'est autre que de «vendre» la destination Maroc aussi bien en Espagne, deuxième marché touristique du pays avec plus de 200.000 touristes par année, mais aussi dans le monde. La directrice, dans des propos recueillis par l'Agence MAP, parle dans ce sens d'importants efforts qui seraient déployés, cette année, pour «maintenir la reprise amorcée, l'année dernière, dans le secteur touristique marocain». Une reprise, ce n'en est pas vraiment une quand on essaye de recouper avec la réalité du terrain. Et pour cause, les objectifs tracés pour 2003, à savoir 3.650.000 touristes étrangers, sont loin d'être atteints. En 2003, les visiteurs étrangers n'ont pas dépassé 2.200.000. La conjoncture a certes été difficile, mais le constat du recul est là. Au niveau régional, certaines destinations ont accusé des baisses flagrantes. La hausse en matière de chambres a été de l'ordre de 18.24% entre 2000, année de référence et 2003, atteignant 11.549 chambres. En lits, la hausse a été de 19,60% (25.165 lits). Mais parallèlement, une baisse spectaculaire en termes de nuitées a également été enregistrée. Le marché allemand a accusé une régression de 133% entre 2000 et 2003. le nombre de nuitées, qui était de l'ordre de 1.269.370 en 2000, n'a atteint que quelque 544.628 en 2003. Idem en matière d'arrivées qui sont passées de 152.464 en 2000 à 60.972 en 2003, marquant une baisse de 150%. La ville a marqué une hausse de 4% par rapport à 2002, «mais cette année n'est pas une année de référence », nuançait Abderrahim Oummani, président de la FNIH. Pour lui, il ne s'agit pas de faire porter la responsabilité à une partie ou une autre. La responsabilité est partagée. Mais encore, faut-il avoir l'honnêteté intellectuelle de dresser les bilans qui s'imposent. A ce recul, il y a bien des raisons. Le premier est d'ordre stratégique. «Nous avons développé un complexe appelé 10 millions de touristes à l'horizon 2010. Le souci est désormais quantitatif et non pas qualitatif. Il faut fixer des objectifs non pas par rapport au nombre, mais par rapport aux recettes», nous avait-il déclaré. Se focaliser sur les arrivées à n'importe quel prix reviendrait à nuire au secteur. Sur le terrain, un autre phénomène a été constaté. Il s'agit du bradage des prix que pratiquent certains établissements. Des hôtels cinq étoiles se contentent désormais des prix d'un trois étoiles. Conséquence, et même s'il y a hausse du nombre de touristes, les recettes ne sont pas au rendez-vous. La loi sur la concurrence permet aux hôteliers, au même titre que tous les industriels, d'afficher leurs prix, mais il n'en demeure pas moins que certains établissements cassent ces prix à l'égard des tours opérateurs. La fédération en vient même à demander que les commissions régionales de classement fixent le classement d'un hôtel donné en fonction du prix. Par marché, on semble avoir oublié que d'autres destinations à très fort potentiel existent. Il s'agit entre autres du marché scandinave, bénéluxembourgeois de l'Europe de l'Est. «Ce sont là des marchés qui peuvent absorber le déficit constaté au niveau du marché allemand. Ce dernier traverse une crise qui risque de s'inscrire dans la durée et qu'il va falloir palier en prospectant des marchés parallèles. Les Français sont déjà en train de travailler sur le marché chinois», commentait M. Oummani. Par rapport aux objectifs, plus d'un retard a également été constaté. A commencer par les engagements pris par le gouvernement, mais qui n'ont pas été honorés : fiscalité locale, dont quatre taxes, sont censées être supprimées, facturation de l'eau, paiement des créances... Les chantiers relatifs à l'accord-cadre accusent également un retard certain. «Autant d'avancées réelles ont été réalisées, notamment en matière d'aménagement, autant d'autres sont toujours «en cours», alors qu'ils devaient être bouclées en mars 2001». Il s'agit notamment de l'observatoire du tourisme, de l'étude sur le rapport qualité/prix. Avancées réelles ou simples effets d'annonces, une conclusion d'impose, l'hôtellerie, et par ricochet, le tourisme nationaux ont besoin d'être repensés. La panne structurelle de l'ONMT ne réside-t-elle pas dans une politique de promotion limitée seulement au décompte des nuitées ?