Les informations sur le cas d'un notaire véreux de Casablanca projettent la lumière sur une profession qui se défend contre les amalgames et les généralisations abusives. La corporation réclame un statut qui tarde à venir et une meilleure protection pour jouer pleinement son rôle dans la modernisation et la visibilité des transactions. Maître Mohamed Hilal, 55 ans, était un homme flamboyant, qui aimait se rapprocher des cercles du pouvoir local. Grande gueule, arrogant, il se croyait au-dessus des lois, protégé et immunisé à vie, autorisé à agir à sa guise quitte à sévir. Cette proximité, pensait-il, l'autorisait à monter des dossiers bidons pour détourner l'argent des autres. Le réveil était douloureux. Dès que les gens qui le couvraient ne furent plus en place, les problèmes ont commencé pour le notaire indélicat. C'est toujours comme ça. Les plaintes, jusqu'ici mises en veilleuse, ont remonté petit à petit à la surface comme par enchantement. Le pot aux roses est découvert au grand jour avec l'apparition d'autres victimes. Premier à ouvrir le bal judiciaire, Houcine Haddaoui, président de la commune de Bouchentouf à Casablanca, escroqué dans une opération immobilière. Arrestation de l'accusé. Interrogatoire. Justice. Il est relâché contre une promesse d'arrangement. Il ne tient pas parole et se terre quelque part. Pour combler la vacance de l'étude notariale de Me Hilal et règler les cas litigieux laissés derrière le notaire-escroc, le président de la cour d'appel de Casablanca désigne, le 24 juillet 2001, sur proposition du procureur général, un autre notaire, Abdellatif Bouslim. Celui-ci a dû recevoir plusieurs dizaines de clients venus réclamer leur argent. Les dossiers portent sur des sommes assez substantielles. Quand le notaire ne volait pas carrément ses clients, il falsifiait les mentions des actes notariés. Les victimes de ces fraudes sont nombreuses. Une autre combine est utilisée dans les dossiers d'augmentation de capital. En principe, trois sortes de procès-verbaux sont établis dans le cas d'espèce : PV décidant, PV ratifiant et DSV (Déclaration de souscription et versement). Mais dans son répertoire de notaire, M. Hilal n'inscrit que la mention du PV décidant et pas celles des deux autres. Ce qui est contraire à la loi ( les trois exemplaires devant ensuite être déposés devant le tribunal de commerce). Cette échappatoire lui permet de ne pas reverser les droits d'enregistrement occasionnés par ce genre de document et qui sont à la charge du souscripteur. En fait, plusieurs dizaines d'actes ne sont pas inscrits dans le répertoire du notaire. Répertoire qui doit être remis le 10 de chaque mois au service d'enregistrement pour approbation par le receveur. Tout à sa cupidité aveuglante, grisé par ses amitiés réelles ou supposées, il est allé jusqu'à escroquer des petites gens qui ont vu partir en fumée les économies de leur vie. Mohamed Hilal, toujours en cavale, pouvait-il, conformément au jugement récent de la justice de Casablanca, dédommager ses victimes ? Peu probable. Dans ce cas, c'est au FAN (Fond d'assurances des notaires) de s'en charger. Ce qui est une autre paire de manche.