L'erreur médicale est un symptôme de la maladie ou de la déviance d'un système. Elle n'est pas le système lui-même. Or dans notre pays, dès que l'on parle d'erreur médicale, les médecins et leurs organismes corporatistes font bloc. L'erreur médicale est un symptôme de la maladie ou de la déviance d'un système. Elle n'est pas le système lui-même. Or dans notre pays, dès que l'on parle d'erreur médicale, les médecins et leurs organismes corporatistes font bloc. Indignés et outrés, ils empêchent tout débat sérieux de voir le jour. Entre intimidation et papier de commande, ils investissent les médias qui, à leur corps défendant, se vautrent soit dans la complaisance la plus crétine ou dans l'hostilité la plus gratuite. Tout cela est ridicule et dangereux. Aucun système de santé dans le monde n'est à l'abri de l'erreur médicale. Chez nous, non plus. Nos médecins doivent l'admettre une fois pour toutes et arrêter d'invoquer, à chaque fois qu'un des leurs est mis en cause, un exercice parfait et absolu de la profession. Une erreur médicale n'est avérée que si elle est établie par une enquête indépendante et sérieuse. Les juges n'étant pas eux-mêmes médecins, ils se fient à un avis médical expert. Mais comme, en général, un médecin, compte tenu de l'organisation actuelle de la profession, a du mal à accabler un de ses pairs en faute, l'affaire se perd rapidement dans les nimbes de procédures incertaines. L'Ordre des médecins, lui-même, notamment au niveau local, n'a pas toujours, et dans tous les cas, une attitude exemplaire celle, justement, qui fonde son autorité. L'erreur médicale a toujours existé au Maroc sauf que l'on n'en entendait jamais parler, ou rarement. Ce qui a changé c'est que le patient, l'usager de la médecine, est de plus en plus citoyen. À la faveur de la démocratisation, de la progression de l'Etat de droit et de la liberté d'expression, les Marocains se laissent de moins en moins faire. Cette donnée, il faudrait que le corps médical l'assimile en justifiant, dorénavant, de plus en plus la posture morale ou éthique qu'il prétend avoir vis-à-vis de la société. Mais le fond du débat n'est pas celui-là. Le secteur médical privé est un véritable service au public. Il vient justement pallier les carences graves du service public. Des cliniques exemplaires ont pu voir le jour dans notre pays et, dans la plupart des cas, l'exercice de la médecine est d'un très haut niveau. Le médecin marocain lui-même, public, privé ou universitaire a des compétences qui lui sont mondialement reconnues. Alors où est le problème ? Le problème c'est que les pouvoirs publics marocains n'ont aucune forme de reconnaissance pour ce secteur économique et social vital. Un médecin investisseur est considéré comme un investisseur tout court que l'on achève, comme les autres, fiscalement. Des médecins qui construisent ensemble une clinique sont considérés comme des promoteurs immobiliers tout court auxquels on assène, comme aux autres, les mêmes règles inhibantes et les mêmes taux usuriers. Au niveau des impôts c'est la même chose : IS, IGR, CNSS, droits de douanes, etc. Nos médecins, entrepreneurs ou jeunes promoteurs, quand ils ont fini leurs projets, deviennent tout simplement des médecins endettés jusqu'au cou à la recherche d'un chiffre d'affaires commercial substantiel pour faire face à leurs énormes charges. Pour faire appel à des confrères ayant un talent particulier, ils doivent ruser avec la réglementation aussi irréaliste que peu appliquée, celle du TPA. C'est cela la réalité de notre médecine privée. Quand l'erreur médicale frappe chez nous, elle est d'abord et avant tout le produit de ce système dévoyé. Tant que l'État n'a pas une vision libérale et moderne de l'exercice de la médecine privée, tant qu'il continuera à profiter d'un système, d'une manière hypocrite, sans en assurer le développement et la mise à niveau, cela ne marchera jamais. Que nos amis médecins, et ils sont nombreux, nous pardonnent, le sens de leur combat, et du nôtre, c'est celui-là. Mais pas celui de la « négation », par voie de presse, de l'erreur médicale sur laquelle, au demeurant, ils ne devraient jamais, au grand jamais, transiger.