Le projet politique et institutionnel latent dont était porteur le prince Moulay Hicham a échoué. Cet échec est désormais consommé après son départ du Maroc dans une sorte d'exil volontaire, qui exprime plus la faillite d'une vision et d'une stratégie, qu'un repli intellectuel nécessaire. Le projet politique et institutionnel latent dont était porteur le prince Moulay Hicham a échoué. Cet échec est désormais consommé après son départ du Maroc dans une sorte d'exil volontaire, qui exprime plus la faillite d'une vision et d'une stratégie, qu'un repli intellectuel nécessaire. Aujourd'hui, dans une espèce d'analyse d'étape, on peut se pencher avec plus de distance sur le projet avorté du prince et son articulation avec la vie politique marocaine. D'abord sur le plan des concepts. Nous constatons que le prince avance trois idées qui se veulent complémentaires, mais qui sont, en fait, contradictoires et inopérantes. La première idée de « pacte familial » comme un facteur de modernisation de la monarchie marocaine est un leurre. On ne peut pas, sous prétexte de modernisation, avancer l'idée d'un nouveau « pacte familial » qui se fonde essentiellement sur une gestion collective des responsabilités constitutionnelles qui incombent au chef de l'État. Cette proposition est plus une régression dans le système monarchique marocain qu'une modernisation. Par la mobilisation d'un modèle oriental, étranger à nos traditions, le prince veut ouvrir une brèche institutionnelle qui lui permettrait, de droit et de fait, d'exercer une fraction du pouvoir qu'il aurait récupéré dans une négociation familiale qui serait antinomique avec l'état actuel de notre Constitution, mais qui pourrait ébranler les convictions monarchistes de certains légitimistes. Et c'est justement, dans une deuxième étape, au sujet de cette Constitution qu'une deuxième idée est avancée. La nécessité d'une Conférence nationale pour fabriquer, ex-nihilo, de nouvelles institutions. Si la Constitution fait barrage au projet global du prince, il faut la changer. En fait, ce qui est demandé là, c'est une « assemblée constituante », qui se substituerait de fait aux mécanismes de législation constitutionnelle tels qu'ils ont fonctionné au Maroc depuis l'indépendance. Ce sujet, précisément, avait, par le passé, englouti des énergies considérables et n'a été définitivement réglé sur le plan politique que par l'adoption consensuelle de la Constitution de 1996. Et c'est sur ce point douloureux, qui a retardé la marche du pays pendant des années, que revient opportunément le prince pour susciter l'adhésion de certains milieux, probablement issus de la gauche extrême et nihiliste, à son projet personnel. Troisièmement, les modalités même de la succession au Maroc ne trouvent pas grâce aux yeux du prince. Certainement parce qu'elles ne prévoient pas les conditions d'un pouvoir partagé. Le prince considère que la succession par primogéniture porte en elle les germes de l'absolutisme. Probablement qu'il pense qu'une élection du Roi par un corps électoral familial serait plus démocratique parce qu'elle permettrait à tous les porteurs de projets monarchiques, à son instar, de s'exprimer. Là, nous sommes face à un modèle inédit qui relève plus du bricolage conjoncturel et hâtif que d'une logique monarchique et dynastique cadrée par une légitimité historique, légale et populaire. La bey'âa à Amir El Mouminine, elle même dans cette reformulation globale et intempestive de la monarchie marocaine, devient au yeux du prince un acte contractuel négociable et dont le récipiendaire serait issu d'un choix dont on ne connaît ni les contours, ni la légalité. De fait, cette proposition vise une autre cible, celle des Islamistes proches de Abdeslam Yassine. Avec ces trois idées avancées par le prince, les cibles étant évidentes et identifiées, il fallait passer au stade des alliances pour donner corps à ce projet aléatoire. Il fallait créer une dynamique politique générale pour imposer un débat, à contre courant de l'histoire et des mutations sociales et politiques profondes que connaît le pays depuis une dizaine d'années. Cela n'a pas marché. Ce discours iconoclaste, censé mobiliser à la fois des démocrates, des islamistes, des modernistes et des conservateurs, a montré ses limites par son caractère insuffisamment construit sur le plan scientifique, par son décalage historique, par ses insuffisances sur le plan politique, par son inanité sur le plan médiatique et par sa puérilité sur le plan tactique. À partir du moment où les Marocains n'étaient pas concernés par les propos du prince et de ses amis obligés, l'échec du projet était consommé, à moins de passer à une nouvelle forme de contestation. Mais, peut-être, que c'est pour y réfléchir que le prince est parti se ressourcer en laissant ses affidés orphelins dans un désarroi nihiliste paroxystique.