Quelle mouche a piqué Mohamed et Nabil pour qu'ils passent, en un clin d'œil, de l'amitié parfaite à la haine absolue ? Une haine qui a fini dans le sang puisque l'un a tué l'autre. Nous sommes à la chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca. Comme à l'accoutumée, la salle d'audience était archicomble. Il n'y a plus de coins inoccupés. Au box des accusés, se tenait Mohamed, un jeune de vingt-huit ans, célibataire. Personne ne croyait que ce jeune, qui jouissait d'une bonne réputation dans son quartier casablancais, pourrait devenir un criminel qui porte le fardeau d' un meurtre. Depuis son adolescence, cet employé d'une société de matériels informatiques entretenait une relation d'amitié avec Nabil. La première fois, tous les deux se sont rencontrés sur les bancs du collège. Depuis, ils ne se sont jamais séparés jusqu'au jour où leur séparation était tragique. «Je n'avais pas l'intention de le tuer…J'étais en colère quand il m'a parlé de ma sœur», a-t-il affirmé à la Cour. Entre eux, il n'y avait jamais la moindre discordance. Ils étaient ensemble pendant tout leur parcours estudiantin. Tous deux n'ont pas pu décrocher le diplôme du baccalauréat. En conséquence, ils ont choisi de s'inscrire dans un institut privé d'études informatiques. Leur diplôme en poche, chacun a été recruté dans une société à part. Mais, ils se rencontraient quotidiennement surtout pour prendre ensemble un verre. Cependant, ils n'hésitaient pas, quelques samedis soir, à dépasser les limites . Ils picolaient parfois jusqu'à ce qu'ils perdaient tout contrôle de leurs comportements. C'est ce qui leur est arrivé le week-end qui a précédé le jour «J». « Je l'ai rencontré vers 19 h… De coutume, en week-end, je le rencontrais un peu tôt, vers 16 h. Mais, cette fois-ci j'avais rendez-vous avec ma fiancée», a précisé Mohamed au président de la Cour qui lui a demandé de lui raconter toute l'histoire. Ils ont pris leur café. Une heure et demie plus tard, ils ont décidé d'aller prendre un verre au restaurant-bar où ils avaient l'habitude de s'enivrer. «Le bar est au centre-ville. Nous avons pris quelques bières avant d'aller rejoindre un autre ami qui picolait dans un autre bar à Aïn Diab », a-t-il affirmé au président de la Cour qui l'écoutait attentivement. Tous les trois se soûlaient tout en engageant une conversation. «Nous parlions des relations entre les filles et les garçons, M. le président… Tout d'un coup, il a commencé à parler de ma sœur», a-t-il précisé à la Cour. Lors de cette soirée, Nabil a demandé à son ami, Mohamed, de rendre compte des comportements de sa sœur encore adolescente. «Il m'a dit qu'il la considérait comme sa petite sœur et qu'il se sentait mal quand il la voyait en compagnie d'un jeune homme… Il m'a dit qu'elle accompagnait, à chaque fois, un jeune. Je lui ai demandé de ne pas parler de ce sujet jusqu'à ce que nous le traiterons en tête-à-tête», a-t-il balbutié devant la Cour. Depuis ce jour, les sentiments de Mohamed envers son ami ont changé. Il ne le considérait plus comme son ami, mais son ennemi. Il a essayé d'oublier cette scène en continuant à le rencontrer, mais il n'a pas pu le faire. Le jour « J » était un samedi. Les deux amis se sont rencontrés. Mais, il semble que le courant ne passait plus comme avant. Ils se sont soûlés. Vers 23 h, ils ont quitté le bar. En cours du chemin, Nabil a parlé encore une fois de la sœur de Mohamed. Hors de lui, celui-ci l'a poussé violemment. Nabil est tombé. Sa tête a cogné le trottoir. Sur le champ, il a rendu l'âme. Sa mort est survenue suite à une hémorragie cérébrale. Et Mohamed a été condamné à dix ans de réclusion criminelle après avoir bénéficié des circonstances atténuantes.