L'amélioration des conditions financières, la modernisation des procédures et la lutte contre la corruption sont les principaux axes de la stratégie du ministre de la Justice. Le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, a organisé, hier, une conférence de presse, au cours de laquelle il a présenté les résultats des travaux de la dernière session du Conseil Supérieur de la Magistrature qui s'est étalée de la période allant du 2 mai au 16 juillet 2003. « Tous ses résultats ont été approuvés par SM le Roi Mohammed VI, président du Conseil Supérieur de la Magistrature », a souligné le ministre président délégué du Conseil, conformément à la Constitution. En fait, le ministre a profité de cette conférence de presse pour présenter aux médias les grands axes de sa stratégie. Premier résultat important des travaux du Conseil Supérieur de la Magistrature: création de 900 nouveaux postes budgétaires qui serviront à assurer l'avancement des juges d'un grade à un autre. Cette opération de promotion s'étalera ainsi sur 3 ans. En outre, les salaires mensuels des auxiliaires de justice ont été augmentés, passant de 2.815 DH à 4.000 DH nets. Il s'agit de la rémunération des juges nouvellement diplômés pendant les 2 ans de stage qu'ils effectuent obligatoirement dans un des tribunaux du Maroc. Par ailleurs, la session du Conseil Supérieur de la Magistrature s'est déroulée dans une phase particulière du Maroc, puisque le pays a été secoué par les attentats de Casablanca le 16 mai et partant, a connu plusieurs réformes en matière législative. Il s'agit notamment du code de procédure pénale qui entrera en vigueur en octobre prochain et la réforme concernant la Cour Spéciale de Justice (CSJ) dont le projet de loi vient d'être déposé au Secrétariat Général du Gouvernement (SGG). Ce projet de loi prévoit la création de cinq nouvelles Cours, à Rabat, Casablanca, Fès, Meknès et Marrakech. «Toutes ces réformes nécessitent une mise à niveau de l'élément humain», a souligné le ministre. Le but, selon lui, est de garantir une application parfaite des nouveaux textes. C'est ainsi qu'une série de cours de formation seront assurés aux juges. Une nouvelle politique de redéploiement leur sera bientôt appliquée. Le Conseil Supérieur de la Magistrature s'est attelé à la mettre en place. Rappelons, toutefois, que tous les prédécesseurs de Mohamed Bouzoubaâ ont échoué sur ce point. La résistance des juges a toujours été rude. Lors de son intervention, le ministre a consacré une large place au volet de la productivité des magistrats. Le nombre de dossiers déposés dans l'ensemble des tribunaux du Royaume a atteint en 2002, environ les 3,2 millions. Sans compter les 40.000 affaires soumises à la Cour Suprême. « Ce nombre impressionnant de dossiers est traité par moins de 3.000 juges », affirme Mohamed Bouzoubaâ. En d'autres termes, chaque magistrat traite, chaque année, 1.000 affaires environ. Ce qui est énorme. Au Maroc, il y a un juge pour plus de 10.000 citoyens. Alors qu'en Tunisie, ce chiffre dépasse à peine les 6.700. La situation est critique. Et pour cause, « l'application des nouvelles dispositions du code de procédure pénale nécessite une enveloppe financière importante, 800 juges et 1.000 fonctionnaires dédiés uniquement à cela », poursuit le ministre de la Justice. En matière d'infrastructure, le ministère a accompli plusieurs efforts pour la modernisation des tribunaux marocains. C'est ainsi que Mohamed Bouzoubaâ a affirmé que « les tribunaux de commerce du Maroc sont des modèles du genre ». Leur informatisation est totale. Déjà, le ministère de la Justice dispose de 2.400 ordinateurs. Et 2.500 nouveaux postes seront bientôt achetés. En outre, le ministre a même annoncé que des discussions sont en cours entre son département et les avocats afin de leur permettre de consulter l'avancée des affaires qu'ils plaident uniquement par Internet. Le ministre a rappelé que son département avait sanctionné 33 magistrats accusés, notamment de « corruption, de mauvais comportements et défaillance professionnelle ». Il a par ailleurs précisé que « le ministère ne se contentera plus d'appliquer aux corrompus des sanctions disciplinaires », c'est-à-dire le renvoi. Désormais, tout juge surpris la main dans le sac, sera rayé de la liste des magistrats et poursuivi pénalement. C'est ce qui a déjà été fait pour certains juges. Par ailleurs, le ministère rendra publics dans les prochains jours les résultats d'un audit de l'inspection générale des finances (IGF) sur la gestion de la caisse consacrée à la construction et l'équipement des tribunaux. Mais déjà, Mohamed Bouzoubaâ a assuré que des dérapages et des malversations ont été découverts. En somme, la politique gouvernementale en matière de réforme de la justice repose sur trois points essentiels: l'amélioration des conditions financières des magistrats et des fonctionnaires du ministère, la modernisation des procédures (informatisation, simplification, davantage de fluidité) et la lutte contre tous les types de dérapages (corruption, paresses etc..).