À son septième printemps, Saïfeddine n'a jamais vu la lumière du ciel. Parce qu'il était depuis sa naissance séquestré dans une chambre. Dans une famille indigente du douar Dlalha, commune rurale Moulay Bousselham, à Souk Larbâa d'El Gharb, dans la province de Kénitra, Sanae a vu le jour en 1988. Sans aucun doute, sa famille rêvait de la voir grandir dans les meilleures conditions, qu'elle occuperait une place sur les bancs de l'école, qu'elle réussirait dans ses études, qu'elle décrocherait un diplôme et un emploi digne, se marierait et qu'elle aurait son propre foyer et ses propres enfants. À son sixième printemps, ces rêves l'ont préoccupée surtout quand elle a rejoint les enfants sur les bancs de l'école du douar. Malheureusement, ces rêves se sont évaporés trois ans plus tard, lorsqu'elle a abandonné l'école. Pauvreté oblige. Ses parents ne pouvaient plus lui acheter les fournitures scolaires. Encore fillette, Sanae s'est retrouvée définitivement à la maison, sans rien faire d'autre à part aider sa mère dans les tâches ménagères et passer le temps à jouer avec ses voisines au douar. Au fil du temps, Sanae grandissait. Mais sans avoir le moindre espoir de reprendre ses études, ni d'apprendre un métier lui permettant de gagner honnêtement sa vie et subvenir aux besoins de sa famille. Elle est restée chez elle tout en rejoignant de temps en temps ses amies du douar. En leur compagnie, elle passait des moments à bavarder, à médire, à rigoler… et à écouter leurs histoires avec les garçons du douar. Elle découvrait les histoires d'amour, les rencontres des amoureux en pleine nuit et les relations d'adultère en les écoutant attentivement. Quant à elle, elle n'avait rien à leur raconter. Sa vie était encore vierge. Elle n'a jamais eu de relation amoureuse avec l'un des jeunes hommes du douar. D'abord, parce qu'elle était encore mineure et ensuite, parce qu'elle ne répondait pas à leurs avances. Plusieurs jeunes la désiraient, mais elle les évitait. Elle n'a jamais osé échanger la moindre parole avec l'un d'eux. Une obstination qui lui a coûté la vie, non pas en la tuant corporellement, mais psychologiquement. Bref, elle a été violée. Comment ? C'était en 1994, quand elle était à son seizième printemps, elle retournait chez elle après avoir passé quelques moments chez une voisine du douar. Il était 20 h passées. Au douar Dlalha, les jeunes filles ne devaient pas sortir seules à cette heure. Car, elles couraient un éventuel risque. C'est ce qui est arrivé à Sanae. Elle empruntait son chemin quand, tout d'un coup, un jeune du douar lui a barré la route. Elle l'a supplié de la laisser partir. En vain. Armé d'un couteau, il l'a obligée à se dévêtir et de le laisser faire. En sanglotant, elle le suppliait de la relâcher. Toujours en vain. Sans pitié, il a fini par abuser d'elle. Dans un état lamentable, Sanae est retournée chez elle. Personne ne s'est rendu compte de son état. Ni sa mère, ni son père. Même ses amies et voisines n'ont rien remarqué. Le pire c'est qu'elle est tombée enceinte. Elle n'a rien révélé à sa mère. Mais, celle-ci a remarqué, au fil des semaines, son ventre qui s'enflait. Et elle a appris la mauvaise nouvelle. Au lieu de porter plainte contre le violeur, la famille a décidé de garder le silence. Neuf mois plus tard, Sanae a mis un garçon au monde. Elle l'a prénommé Saïfeddine. Depuis, elle l'a séquestré. Elle ne sortait jamais en sa compagnie. Pourquoi ? Le considérait-elle comme une honte qui ne devait pas être dévoilée? Elle ne savait pas. Mais, elle ne s'intéressait pas à lui et l'abandonnait comme s'il n'était pas son propre enfant. Elle le maltraitait en le battant et en brûlant son corps. C'était comme si elle se vengeait de son violeur. Alertés, les gendarmes de Souk Larbâa d'El Gharb se sont dépêchés sur le domicile de Sanae. Ils ont constaté les traces de violences sur tout le corps de Saïfeddine. C'est pourquoi, ils ont fini par arrêter, vendredi 7 mai, Sanae et évacuer l'enfant Saïfeddine vers l'hôpital des enfants afin qu'il soit soigné.