Père de deux enfants, Hammouda a quitté son douar pour gagner sa vie et subvenir aux besoins de sa famille. Mais, il s'est retrouvé avec un crime sur le dos. Nous sommes à la Cour d'appel à Casablanca. Deux policiers conduisent Hammouda vers le banc des accusés. Les yeux hagards, il s'assoit tout en échangeant quelques regards avec les autres détenus qui partagent avec lui le même banc. Tout d'un coup, le président de la Cour l'appelle. Il se lève et traîne ses pas vers le box des accusés. Dans un douar de la région d'El Jadida, Hammouda a vu le jour il y a plus d'une trentaine d'années. Quand il a commencé à distinguer le bien du mal, il a découvert qu'il était analphabète. Ses parents ne l'ont jamais inscrit à une école coranique ni à une école publique. Ils ne lui ont jamais donné une explication. Quand il était à son treizième printemps, il a commencé à travailler dans des champs agricoles. Seulement, quand il avait seize ans, il a décidé de quitter le douar. Il a emballé ses affaires. Sa destination ? La ville, chez son oncle qui s'y était installé depuis belle lurette. Il a chômé pendant quelques mois avant de travailler dans un restaurant. Il a commencé à gagner de l'argent et à envoyer quelques dirhams à ses parents au douar. En fait, il changeait de temps en temps de restaurants ou de cafés pour gagner un salaire susceptible de satisfaire ses besoins et de subvenir à ceux de ses parents et sa femme qu'il vient d'épouser. Pas moins d'une année de mariage, il a mis un petit enfant au monde, puis un deuxième, une année et demie plus tard. Au bout de deux ans et demi, Hammouda a en charge ses parents, sa femme et ses deux enfants. Cinq bouches à nourrir. Le salaire qu'il touchait dans les restaurants à El Jadida ne lui suffisait plus. Il devait chercher ailleurs. Vers quelle destination cette fois-ci ? Casablanca. Il a conduit sa femme et ses deux enfants chez ses parents au douar avant d'aller à la capitale économique. En y arrivant, il a téléphoné à quelques amis. En fait, ils l'ont aidé à avoir une chambre qu'il partageait avec une autre personne et un travail dans un restaurant. Malheureusement, quelques mois plus tard, il s'est retrouvé impliqué dans une affaire de meurtre. Depuis qu'il est arrivé dans ce restaurant, il a entretenu une relation amicale avec un collègue, Saïd, un jeune homme, âgé de vingt-huit ans, marié et père de trois enfants. Tous deux passaient ensemble les moments de repos. Mais tout d'un coup, un malentendu est venu mettre fin à leur amitié. Comment ? Hammouda a invité son ami, Saïd, pour passer quelques moments ensemble. Hammouda a tout préparé pour la soirée, même quelques «trois-quarts» de vin rouge. Ils s'enivraient tout en causant et en se confiant quand Hammouda avait oublié de remettre une «tournée» de vin rouge à Saïd. «Je déteste les tricheurs», lui a dit Saïd qui s'est levé comme s'il a été piqué par une mouche. Une phrase qui a mis Hammouda hors de lui et qui lui a répondu: «ne t'adresses pas à moi en criant. En plus j'ai uniquement oublié ton tour». Saïd lui a répondu qu'il se permettra même de l'insulter. Hammouda s'est tu, s'est abstenu cette fois-ci de lui répondre. Saïd semble avoir perdu complètement le contrôle de ses nerfs. Hammouda ne l'a jamais vu dans un état pareil. Pire encore, Saïd a renversé la table. Et Hammouda a réagi sans dire mot. Il a saisi un couteau qui était sur la table et lui a donné deux coups mortels.« Il m'a provoqué M. le président au point que je ne savais pas pourquoi j'ai pris le couteau. C'était uniquement pour le calmer», a précisé Hammouda à la Cour tout en exprimant son regret. Un regret qui ne valait rien puisque son ami a déjà été enterré. Et lui, il a été jugé coupable tout en bénéficiant des circonstances atténuantes et il a été condamné à dix ans de réclusion criminelle.