La mise au monde d'un enfant représente pour certaines femmes une expérience extatique et pour beaucoup d'autres un véritable calvaire vu la douleur qu'elle procure. Les différentes enquêtes montrent que 60% des accouchements sont douloureux ou très douloureux dont 25% d'entre eux sont insupportables, que 30% sont légèrement douloureux et que 10% sont tout à fait indolores. La médecine moderne se fixe actuellement comme objectif non seulement d'être curative, mais aussi préventive et va encore plus loin devenant une médecine de confort; de ce fait l'accouchement dans la douleur devient inconcevable pour une telle conception de la médecine. C'est pourquoi on a vu se développer ces dernières années de nombreuses techniques d'anesthésie ou d'analgésie au cours de l'accouchement permettant à la femme d'accoucher dans le confort le plus total. Certes on a vu porter certaines critiques à ces méthodes à cause de la non sensation par la mère de ce moment émouvant qu'est la naissance de son enfant, ce moment qui selon certains, créerait une affectivité extrême entre les deux êtres. Pour d'autres le contraire serait plus logique c'est-à-dire chez une mère préparée sous analgésie ou anesthésie, l'arrivée de l'enfant sans douleur a de meilleures chances d'influencer pendant des années ses sentiments vis-à-vis de son enfant. En tous cas, ces méthodes n'ayant le plus souvent pas recours à l'anesthésie générale (la femme restant éveillée, seule la douleur est supprimée) permettent une parfaite participation de la mère à l'accouchement, celle-ci voit naître son enfant dans une ambiance parfaitement harmonieuse, calme et sans souffrance. Les méthodes d'accouchement sans douleur sont de deux types, les unes sont relativement anciennes et sont non médicamenteuses, les autres plus récentes, médicamenteuses. I. – Les méthodes non médicamenteuses. Ces méthodes ont l'avantage de n'avoir recours à aucune médication et ne présentent de ce fait aucun risque de toxicité ni maternelle ni fœtale ou néonatale. Cependant leurs résultats sont inconstants et nécessitent une bonne collaboration de la part de la mère. 1. L'hypnose : Elle a été employée pendant plusieurs années comme moyen pour soulager les douleurs de l'enfantement. Il s'agit d'un sommeil de type spécial provoqué artificiellement par des manœuvres de suggestion, des actions physiques et mécaniques, au cours desquelles le sujet est capable d'obier aux suggestions de l'hypnotiseur. Cet état hypnoïde intermédiaire entre l'état de veille et de sommeil est défini par des modifications existentielles caractérisées essentiellement par une diminution des corrélations avec le monde extérieur, ce dernier s'estampant pour disparaître complètement, parfois dans des transes profondes. Cette transe hypnotique permet d'obtenir une analgésie maternelle sans altération des réflexes pharyngolaryngées et sans risque de dépression du nouveau-né. Plusieurs séances préparatoires et d'apprentissage d'environ trente minutes chacune sont généralement nécessaire avant l'accouchement afin d'obtenir une bonne hypnose. Les candidates à cette technique sont les femmes extrêmement anxieuses ou celles présentant une contre-indication à l'anesthésie conventionnelle. Cette méthode présente elle même certaines contre-indications telles que les antécédents de psychose ou de manifestation de névrose hystérique, ainsi que les femmes présentant des sentiments ambivalents vis-à-vis de la naissance ou de la maternité. 2. L'acupuncture : Elle est pratiquée en Chine depuis plus de mille ans, à la fois pour ses vertus thérapeutiques et analgésiques. Elle constitue une bonne alternative à l'anesthésie conventionnelle, d'autant plus qu'elle est inoffensive et pour la mère et pour l'enfant. Ce type d'anesthésie est réalisé par l'implantation d'aiguilles très fines dans certains points précis du corps. On distingue deux types d'acupuncture : une à action instantanée utilisée pour supprimer la douleur lors de l'accouchement, l'autre à action lente et cumulative utilisée pour la réalisation d'une chirurgie, notamment une césarienne. Ses résultats sont variables ils sont quasi constants pour les douleurs postérieures et inconstants pour les douleurs antérieures nécessitant alors une adjonction médicamenteuse. 3. La psychoprophylaxie : C'est actuellement la méthode la plus populaire dans le cadre de l'accouchement sans douleur non médicamenteux. Elle repose sur un conditionnement dans le sens positif et l'éducation de la patiente vis à vis de l'accouchement. La base de la psychoprophylaxie est la conviction de la patiente que la doubleur peut être supprimée lors de l'accouchement, et ce en lui apprenant certains réflexes conditionnés dits positifs. C'est ainsi qu'on apprend à la patiente à répondre dés qu'une contraction s'annonce par une profonde inspiration puis à expirer doucement ; simultanément la patiente fixe son regard sur un point ou un objet précis à distance d'elle même, ou se concentre sur les paroles rassurantes d'une personne qui se trouve prés d'elle (En général le mari). Ainsi la grande concentration nécessaire à ces activités la distrait des douleurs de la contraction utérine ou les inhibes. Cette préparation psychoprophylactique commence en général six semaines avant l'accouchement et se fait en plusieurs séances au cours des quelles sera dispensé à la femme un enseignement sur l'accouchement rendant celui-ci un phénomène tout à fait naturel et sans risque, ce qui diminuera beaucoup l'anxiété de la mère. Plusieurs médecins et sage femme pratiquent actuellement cette méthode au Maroc. 4. D'autres méthodes ont été utilisées telles que la sophrologie et l'éléctro-analgésie mais leurs résultats sont encore très inconstants. II- Les méthodes médicamenteuses : Celles-ci sont beaucoup plus efficaces, entraînant une analgésie ou anesthésie le plus souvent quasi totale, sans que la femme ne soit endormie dans la majorité des cas. Cependant ces méthodes nécessitent une extrême vigilance de la part de l'anesthésiste afin de ne pas nouir au fœtus en le déprimant. Plusieurs techniques sont utilisées les unes locales d'autres loco - régionales et d'autres enfin générales. 1. L'anesthésie locale : Elle ne supprime nullement les douleurs dues aux contractions utérines, ni celles de l'expulsion, elle permet par contre la réparation d'une déchirure ou une épisiotomie. 2. L'anesthésie loco-régionale : Nous citerons notamment la Rachianesthésie et la péridurale. Ces deux méthodes sont actuellement le plus largement répandues dans le monde pour soulager ou faire disparaître les douleurs de l'accouchement. Elles sont d'efficacité quasi - constantes, d'exécution rapide et relativement aisée. Elle ne retentissent nullement sur l'enfant et permettent une anesthésie totale de l'abdomen (d'où la non sensation des douleurs dues aux contractions utérines) et du périnée (d'où la non sensation des douleurs dues à l'expulsion, avec possibilité de réalisation de manœuvres obstétricales et de gestes sur le périnée sans aucune souffrance pour la femme). La rachianesthésie et la péridurale sont réalisées par une piqûre dans le dos, et injections de substances médicamenteuses. La premières diffère de la seconde par son installation rapide et sa durée d'action courte; elle est de ce fait réalisée en fin d'accouchement c'est à dire au moment de l'expulsion, ou pour réaliser une manœuvre obstétricale ou suturer une déchirure périnéale. Elle peut également être utilisée lors d'une césarienne programmée à condition que celle-ci soit exécutée rapidement par un opérateur entraîné. La péridurale, elle, peut être réalisée dès le début de la phase active du travail et l'anesthésie peut être prolongée autant qu'on le désire par réinjection de produit anesthésique à fur à mesure que le travail se prolonge et que l'anesthésie est nécessaire. A noter que ces deux méthodes laissent la femme parfaitement consciente, celle-ci participe pleinement à son accouchement, même si une césarienne est réalisée. Il est reconnu par ailleurs que ce type d'anesthésie a un effet bénéfique sur le travail en favorisant une dilatation harmonieuse du col.Par contre ces méthodes connaissent un certain nombre de contre indication que le médecin doit déceler avant toute anesthésie de ce genre. Les accidents sont exceptionnels. 3.L'anesthésie générale : Elle est utilisée quand il existe une contre indication à l'anesthésie loco-régionale, ou que la réalisation de celle-ci est impossible pour des raisons techniques. Dans ce cas il faut être très vigilant aussi bien pour la mère que pour le fœtus. C'est l'anesthésie actuellement utilisée pour réaliser une césarienne dans les centre ne disposant pas des techniques d'anesthésie loco- régionales et ceci est le cas pour la quasitotalité des hôpitaux public marocains. Conclusion : Les méthodes de l'accouchement sans douleur sont nombreuses, elles font éviter à la femme des souffrances inutiles. Trois d'entre elles sont particulièrement à retenir : la psychoprophylaxie obstétricale, la rachianeshtésie et en fin la péridurale. Ces deux dernières étant les techniques de référence. • Par le Pr. Chakib Chraïbi Gynécologue-Obstétricien