Le bonheur ne prévient pas. Il frappe par surprise. C'est un facteur consubstantiel à son état. Et c'est justement de l'effet de surprise que naissent les grands étonnements. Il ne peut pas en être autrement. Les Marocains sont optimistes. La preuve : ils se lèvent tous les jours pour aller dans leurs bureaux, leurs ateliers, leurs champs, leurs classes, leurs commerces ou leurs cafés favoris. Ce magnifique engagement social qui s'exprime par un réveil matinal, régulier et constant, fait que notre pays peut se mesurer sur ce point au Japon, les gens se lèvent aussi tôt là-bas, à Taiwan, à l'Allemagne, à La France etc. Nous n'avons rien à envier aux autres, pour se lever, on se lève. Ne dit-on pas chez nous que pour gagner, il faut se lever tôt. Rien que cette maxime tirée de notre génie populaire et de notre patrimoine à l'oralité solide, clôt le débat. Que dire de plus ? Nous sommes disciplinés, en avance sur tout, travailleurs acharnés, soignés, éthiques et déontologiques à la fois, consciencieux et anticipatifs. C'est fou ce que nous sommes des gens bien. Et ça, peu d'entre nous le savent. Il faut faire quelque chose. Une campagne de communication, par exemple. Genre : « Nous sommes formidables, vous aussi ». Oui, le Marocain aime son prochain, son pays, sa tante, ses parents, ses collègues, ses enfants et sa crémière. C'est un fait indubitable ! Il aime aussi les fonctionnaires, les hommes politiques, les partis, les associations et les réunions de quartier. Le civisme coule dans ses veines comme une eau de Sidi Ali, bien fraîche, irrigue, par saccades douces, la gorge victorieuse d'un Younès El Aynaoui. C'est une image, mais c'est peu dire quand on voit l'abnégation, le souci de l'autre et la vertu de nos concitoyens. C'est pour cela que nos villes sont propres. Que nos produits sont aux normes. Que nos chefs d'entreprise sont au top niveau professionnel et humanitaire. Que nos partis sont transparents. Que nos élus sont honnêtes. Que nos administrations sont probes. Et que notre joie et notre bonheur sont totaux. Une belle addition de petites joies au jour le jour, à la lecture de notre presse immaculée, florissante et heureuse, de nos grands plaisirs hebdomadaires faits de petites ballades sanitaires dans nos multiples parcs et dans nos diverses forêts bucoliques et arbustes et nos régals mensuels dans des fêtes à la festivité chaleureuse et aux réjouissances vraiment jubilatoires. Le bonheur ne prévient pas. Il frappe par surprise. C'est un facteur consubstantiel à son état. Et c'est justement de l'effet de surprise que naissent les grands étonnements. Il ne peut pas en être autrement. D'ailleurs ni l'ahurissement, ni l'ébahissement, ni la stupéfaction ne peuvent prétendre à cette qualité humaine si fine qu'entretient chez nous au Maroc le bonheur généralisé démocratique et populaire. Nous avons inventé un modèle unique de bonheur national et l'on a bien fait de casser le moule de fabrication. Personne ne pourra ainsi concurrencer ou altérer notre plaisir d'être heureux ensemble. Personne, sauf nous-mêmes, bien sûr, si on se lève tôt.