La séléction nationale vit dans le malaise et suscite l'inquiétude. Son manque de cohésion est dénoncé par les professionnels. Interview de Hajji. ALM : Pourquoi n'aviez-vous jamais pris la parole pour expliquer votre refus de jouer en équipe nationale ? Mustapha Hajji : Ceux qui me connaissent savent bien que je suis un homme qui ne verse pas dans la polémique. J'ai donc décidé de ne pas faire des déclarations par respect d'abord au public marocain qui m'a longtemps soutenu et encouragé. Ensuite j'ai beaucoup d'estime pour le président de la Fédération, le Général Housni Benslimane, pour oser déballer nos problèmes de famille en public... Mais qu'est-ce qui vous a poussé à ne plus répondre à l'appel du sélectionneur national ? Depuis quelque temps l'équipe nationale est affectée par un climat malsain où sévit un clanisme manifeste. L'ambiance était si électrique que je me sentais un étranger qui n'était pas le bienvenu dans le groupe. Sans vouloir me vanter, j'estime que j'ai consenti beaucoup de sacrifices pendant plus de sept ans pour défendre les couleurs nationales. Non seulement j'endurais les désagréments des voyages répétitifs, mais ma carrière dans le club en souffrait sans oublier les préjudices financiers que je subis. Je ne m'en suis jamais plaint, mais de là à ce que ma famille soit insultée et traitée de tous les noms, je ne crois pas qu'il existe un joueur au monde qui puisse le supporter. J'estime que cela dépasse la passion ordinaire du public car ceux qui s'en prenaient à moi et à ma famille, étaient visiblement télécommandés par d'autres personnes... Par qui ? Des coéquipiers en équipe nationale ou des membres fédéraux ? Je ne veux pas citer des noms, ce n'est pas dans mes habitudes de créer la zizanie surtout maintenant quand je ne fais plus partie du groupe. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il existe des joueurs qui dépassent leurs prérogatives. J'estime que tous les joueurs doivent être traités de la même façon et mis sur le même pied d'égalité. Il ne peut y avoir un joueur qui décide à la place de tout le monde comme si les autres joueurs ne comptaient pas. Les accompagnateurs de l'équipe nationale étaient-ils au courant de tout cela ? Tout le monde constatait de visu cette situation, mais personne n'osait intervenir ou la dénoncer de peur de représailles. Ce faisant j'imagine que les gens qui encadraient l'équipe nationale ne transmettaient pas au Général tout ce qui se passait quand on est en déplacement. Car je ne le répéterai jamais assez, le Général est un homme respectable et respectueux qui prône la discipline et devient intraitable quand quelqu'un dépasse ses responsabilités. Ce n'est pas votre statut de joueur immigré qui vous joue des tours ? Tous les joueurs professionnels issus de l'immigration s'intègrent facilement dans le groupe même s'ils ne parlent pas beaucoup l'Arabe. C'est plutôt le contraire qui se produit, on a l'impression qu'on nous considère comme des étrangers. Il est vrai que le problème de la langue ne nous favorise pas, mais il ne faut, pour autant, que des joueurs nationaux s'en servent pour nous planter des couteaux dans le dos. Votre frère en a reçu un de la fédération comme si on a voulu lui porter le chapeau pour votre attitude ? Ce qui m'écœure dans cette affaire, c'est qu'une certaine presse a écrit des choses abominables sur mon frère sans se donner la peine de vérifier l'information. Contrairement à ce qui a été écrit, Youssef Hajji n'a pas refusé sa sélection, mais il en a été privé. On lui a fait savoir par téléfax qu'il n'est plus retenu en équipe nationale après lui avoir signifié qu'il était désigné parmi les 22 sélectionnés pour la CAN. Il en fut malheureux, mais il le fut davantage quand la presse l'a taxé de traîtrise alors qu'il a été tout simplement évincé. C'est certainement l'accusation d'absence de patriotisme qui vous a sorti de votre silence ? Quand on m'accuse, moi et mon frère, de traîtrise et d'absence de patriotisme, on m'offense plus que le fait de proférer des injures à mon encontre et à ma famille. Je suis un Marocain fier de mes origines qui a toujours hissé haut les couleurs nationales avec patriotisme et abnégation. Je n'ai pas à le démontrer à quiconque, mais cela me fait mal que l'on oublie que moi et mon frère avons refusé de jouer sous les couleurs de l'équipe nationale française. Ce n'est pas celui ou ceux qui veulent nous donner des leçons de patriotisme qui peuvent se targuer de l'avoir fait. Notre devise a été et restera toujours : Dieu, la Patrie, le Roi.