qu'est-ce qui fait courir l'Espagne aujourd'hui pour se substituer aux parties concernées et se faire l'apôtre d'une solution qui risque d'enliser un différend déjà très compliqué ? «Nous nous attendions à ce que l'Espagne, pays voisin, représentant un peuple ami et qui a eu un dialogue très franc avec nous, puisse favoriser l'émergence de solutions de compromis. Or, au contraire, nous avons assisté à une mobilisation de la présidence (du Conseil de sécurité) espagnole en faveur d'une thèse particulière qui ne correspond pas du tout à celle que nous leur avons expliquée». C'est Fassi Fihri, ministre délégué à la Coopération maghrébine qui s'exprime ainsi. Il y a de quoi être, en effet, étonné par l'acharnement de la diplomatie espagnole à prendre fait et cause pour la thèse algérienne et, partant, accréditer celle des séparatistes. Pourtant, si un pays tient en main toutes les données de la question du Sahara, son enjeu et ses soubassements, c'est bien l'Espagne. Ancienne puissance coloniale, elle sait parfaitement bien combien la position marocaine est légitime. Au lendemain de la Marche verte, qui a déclenché le processus de décolonisation du Sahara occidental, Madrid s'est empressé de parapher l'accord tripartite qui a consacré la libération du territoire et son rattachement au Maroc et à la Mauritanie, troisième pays contractant de cet accord dûment enregistré auprès des Nations unies. À Madrid , le 14 décembre 1975, les délégations de l'Espagne, du Maroc et de la Mauritanie se sont déclarées d'accord sur un certain nombre de principes, dont «la décolonisation du territoire du Sahara occidental et son administration par le Maroc et la Mauritanie, en collaboration avec les élus locaux de la Jemaâ. Les trois pays concernés déclarent être arrivés à cet accord dans un esprit de grande compréhension, de fraternité et de respect des principes de la charte de l'ONU et comme étant la meilleure contribution au maintien de la paix et de la sécurité internationales». Alors, qu'est-ce qui fait courir l'Espagne aujourd'hui pour se substituer aux parties concernées et se faire l'apôtre d'une solution qui risque d'enliser un différend déjà très compliqué ? L'alignement systématique de la diplomatie espagnole sur les thèses des séparatistes est franchement intrigant. Par sa position ouvertement hostile au Maroc, Madrid affiche son mépris pour ses engagements alors même qu'il est en position d'arbitrer un conflit qu'il a lui-même entretenu et alimenté chaque fois que commençait à émerger une solution durable. Une démarche qui ne peut se solder que par un fiasco tant que l'Espagne s'obstine dans son erreur de vouloir à tout prix internationaliser un conflit qui n'est finalement que bilatéral, étant maroco-algérien. Madrid se retrouve dans la situation de juge et partie dont l'attitude risque de déstabiliser tout le Maghreb, déjà en proie aux démons de l'extrémisme religieux et confronté à des dérives de déstabilisation par des tendances indépendantistes à l'intérieur même de leurs frontières reconnues. Les Kabyles, tout comme les Touaregs le manifestent clairement. Madrid perd aussi sa place d'interlocuteur privilégié à force de s'aligner systématiquement sur des positions franchement hostiles au Maroc au mépris de la parole donnée et surtout des engagements contractés. Cette attitude versatile d'un Etat qui abandonne les principes fondateurs de sa diplomatie ne peut prétendre à rester prépondérant sur la scène régionale du Maghreb. Il est temps pour Madrid de rééquilibrer sa position. Et d'éviter d'exacerber ses rapports avec nous. Aujourd'hui, le Maroc aspire à vivre en paix avec ses voisins. Mais, en aucun cas, aux dépens de ses droits historiques.